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27/06/2019 | FRANCE | N°431180

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 juin 2019, 431180


Vu la procédure suivante :

M. B...A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de procéder à une nouvelle liquidation, à compter du 5 juillet 2018, de l'astreinte fixée par les ordonnances de référé-liberté n° 1500076 du 11 février 2015 et n° 1800212 du 30 mars 2018, de condamner la commune de Saint-Denis de La Réunion à lui verser la somme de 112 000 euros, ce montant étant à parfaire au jour de l'ordonnance à intervenir et, d'autre part

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Vu la procédure suivante :

M. B...A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de procéder à une nouvelle liquidation, à compter du 5 juillet 2018, de l'astreinte fixée par les ordonnances de référé-liberté n° 1500076 du 11 février 2015 et n° 1800212 du 30 mars 2018, de condamner la commune de Saint-Denis de La Réunion à lui verser la somme de 112 000 euros, ce montant étant à parfaire au jour de l'ordonnance à intervenir et, d'autre part, de réitérer l'injonction prononcée à l'encontre de la commune de Saint-Denis de La Réunion, l'astreinte devant désormais être fixée à 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1900635 du 15 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a, d'une part, condamné la commune de Saint-Denis de La Réunion, au titre d'une deuxième liquidation de l'astreinte fixée par les ordonnances de référé-liberté des 11 février 2015 et 30 mars 2018, à verser une somme de 25 000 euros à M. A...C...ainsi qu'une somme de 55 000 euros au budget de l'Etat, d'autre part, fixé le taux de l'astreinte à 800 euros par jour de retard à compter de la notification de cette ordonnance et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 12 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Denis de La Réunion demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. A...C... ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer l'ordonnance contestée dans les plus larges proportions en modulant la demande de liquidation de l'astreinte et sans fixation d'un nouveau taux ;

4°) de mettre à la charge de M. A...C...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le retard pris dans la mise en oeuvre de la solution de désenclavement de la parcelle de M. A...C...n'est pas imputable à la commune de Saint-Denis de La Réunion qui a pris des initiatives concrètes afin de permettre l'accès à la voie publique depuis la parcelle de M. A...C... ;

- le juge des référés a entaché son ordonnance d'une dénaturation des faits dès lors qu'il n'a pas tenu compte des difficultés effectivement rencontrées par la commune dans la mise en oeuvre du désenclavement pour la fixation du montant de l'astreinte ;

- les demandes de M. A...C...ne sont pas fondées dès lors que l'indivision, et M. A...C...en particulier, font obstacle à la mise en oeuvre du désenclavement.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 20 juin 2019, M. A...C...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint Denis de la Réunion le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Saint-Denis de La Réunion, d'autre part, M. A...C...;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 24 juin 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Saint-Denis de La Réunion ;

- Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... C... ;

- les représentants de M. A... C... ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, que le juge des référés statuant en application de l'article L. 521-2 est compétent pour connaître de conclusions qui tendent au prononcé d'une injonction, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du même code, ou d'une astreinte, sur le fondement de l'article L. 911-3 et, s'il y a lieu, pour liquider ultérieurement l'astreinte prononcée. Il en est de même, le cas échéant, du juge des référés statuant en appel.

2. Par l'ordonnance n° 1500076 du 1l février 2015, le juge des référés du tribunal de La Réunion, saisi par M. A...C...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a constaté que les agissements de la commune de Saint-Denis de La Réunion à l'égard de la propriété de l'indivision A...C..., laquelle se trouve enclavée depuis qu'ont été réalisés les travaux d'élargissement du chemin Bailly en 2008, étaient constitutifs d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété. Il a, par suite, enjoint aux parties de se rapprocher pour définir les conditions de désenclavement de la propriété de l'indivision, et à la commune de financer les travaux de réalisation de la voie aboutissant à la construction de l'indivision A...C..., dans un délai de 6 mois à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par l'ordonnance n° 1800212 du 30 mars 2018, le juge des référés, après avoir constaté que le désenclavement de la propriété de l'indivision A...C...n'était pas réalisé, a procédé à une première liquidation de l'astreinte et porté le taux de l'astreinte à 400 euros par jour de retard. Saisi en appel par la commune de Saint-Denis de La Réunion, le juge des référés du Conseil d'Etat a, par une ordonnance n° 419914 du 4 juillet 2018, confirmé l'appréciation selon laquelle la commune n'avait toujours pas réalisé ni financé les travaux de désenclavement de la propriété, en méconnaissance de l'injonction et sans que cette circonstance ait résulté de l'opposition ou d'une manoeuvre des consorts A...C.... L'ordonnance n° 1800212 du 30 mars 2018 a cependant été réformée en ce qui concerne le montant de l'astreinte liquidée et la désignation du bénéficiaire. Il a ainsi été décidé par le juge des référés du Conseil d'Etat que la somme que la commune de Saint-Denis de La Réunion est condamnée à payer en application de 1'ordonnance attaquée est ramenée à 100 000 euros, qui seront alloués à M. A...C...à hauteur de 20 000 euros et au budget de l'Etat à hauteur de 80 000 euros. M. A... C...a de nouveau saisi le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion afin que celui-ci procède à une deuxième liquidation de l'astreinte, et réitère l'injonction prononcée à l'encontre de la commune de Saint-Denis. Par une ordonnance du 15 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a procédé à une nouvelle liquidation de l'astreinte. La commune de Saint-Denis de La Réunion relève appel de cette ordonnance.

3. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée / (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article L. 911-8 : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat ". Lorsqu'une partie présente une demande de liquidation d'astreinte plusieurs années après le jugement qui a prononcé l'astreinte, cette demande ne peut, sauf à priver d'effet le mécanisme d'astreinte, se voir opposer son caractère tardif. Il relève en revanche des prérogatives du juge saisi de cette demande de liquidation de faire usage, le cas échéant, des dispositions qui viennent d'être citées et de modérer le montant de l'astreinte ou d'en allouer une partie à l'Etat.

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion du 30 mars 2018, la commune de Saint-Denis de La Réunion a, par un courrier du 20 avril 2018, proposé le tracé d'une voie permettant l'accès à la construction de l'indivision A...C...depuis le chemin des Manguiers situé au sud du terrain puis, par lettre du 15 juin 2018, proposé un nouveau tracé par le nord du terrain, à partir du chemin Bailly. Cette dernière proposition a été refusée par le conseil de l'indivision A...C...par une lettre du 21 juin suivant. Il résulte des indications données à l'audience que l'indivision souhaite, pour sa part, que soit adoptée la solution alternative formulée par le courrier de son conseil du 15 juillet 2015, consistant à créer un accès alternatif par le sud du terrain. Cependant, cette solution se heurte à l'existence d'une servitude instituée par le plan local d'urbanisme de la commune, sur le fondement de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements. Estimant se trouver dans l'impossibilité de définir les conditions de désenclavement de la propriété de l'indivision en accord avec celle-ci, et ainsi de réaliser des travaux dont une partie se situe sur la propriété de l'indivision, la commune de Saint-Denis de La Réunion a, pour permettre l'exécution des obligations qui lui incombent en exécution de l'ordonnance du 11 février 2015, saisi le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion afin de l'autoriser à réaliser la voie d'accès à la construction de l'indivision A...C...selon un tracé et une assiette qu'elle demande au tribunal d'arrêter. L'indivision A...C...s'est cependant opposée à son assignation devant ce tribunal par des conclusions d'incident devant le juge de la mise en état tendant à déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige. Eu égard à ces circonstances, la commune doit, en l'état de l'instruction, être regardée comme ayant mis en oeuvre les moyens nécessaires à l'exécution des obligations qui lui incombent en vertu de l'ordonnance du 11 février 2015, dont l'inexécution résulte à ce stade de l'opposition manifestée par les consorts A...C...aux solutions préconisées, amiables ou contentieuses. Il s'ensuit que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Denis de La Réunion à verser, au titre d'une seconde liquidation de l'astreinte fixée par les ordonnances des 11 février 2015 et 30 mars 2018, une somme de 25 000 euros à M. A... C...et de 55 000 euros au budget de l'Etat et porté le taux de l'astreinte à 800 euros par jour de retard à compter de la notification de cette ordonnance.

5. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion du 15 mai 2019 doit être annulée et les conclusions de première instance de M. A...C..., rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...C...la somme demandée par la commune de Saint-Denis de La Réunion au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni de faire droit à celles présentées par M. A...C...au titre de ces mêmes dispositions.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1900635 du 15 mai 2019 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées en première instance par M. A...C...sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis de La Réunion et de M. A...C...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Saint-Denis de La Réunion et à M. B...A...C....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 431180
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2019, n° 431180
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:431180.20190627
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