Vu la procédure suivante :
L'association " Comité national pour l'éducation artistique " a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel la maire de Paris a délivré à la société Helzear Exploitation un permis de construire pour la réhabilitation et le changement de destination d'un immeuble de bureaux situé 7 rue des Grands Augustins à Paris, en résidence hôtelière. Par un jugement n° 1515406/4-3 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17PA00503 du 24 avril 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'association " Comité national pour l'éducation artistique " contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin et 27 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Comité national pour l'éducation artistique " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association " Comité national pour l'éducation artistique ", à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Helzear Exploitation ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association " Comité national pour l'éducation artistique " a occupé à titre gratuit, en vertu d'une convention conclue avec la chambre des huissiers de justice de Paris et expirant le 31 décembre 2010, un local situé à Paris, au dernier étage de l'Hôtel de Savoie, dit grenier des Grands Augustins et ayant abrité l'atelier de Picasso. La chambre des huissiers de justice a, par lettre du 2 mars 2010, informé l'association qu'elle n'entendait pas renouveler la convention à son échéance et l'a invitée à prendre ses dispositions pour libérer le local. L'association s'étant maintenue dans les lieux, la chambre des huissiers de justice de Paris l'a, par acte du 26 mars 2013, assignée en référé devant le juge judiciaire aux fins d'expulsion. L'association a, dans le cadre de la procédure d'expulsion, contesté le non-renouvellement de la convention d'occupation en soutenant qu'elle avait la nature non pas d'un prêt à usage mais d'un contrat de bail, lequel n'aurait pas été régulièrement dénoncé. Par un arrêt du 16 octobre 2014 confirmant une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 3 juillet 2013, la cour d'appel de Paris a autorisé la chambre des huissiers de justice à faire procéder à l'expulsion de l'association et de tous occupants de son chef des locaux. Cette décision a toutefois été annulée par un arrêt du 1er juin 2016 de la Cour de cassation qui, disant n'y avoir lieu à renvoi, a prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 26 mars 2013 par la chambre des huissiers de justice de Paris et de l'ensemble de la procédure subséquente en raison de son irrégularité. La maire de Paris a, par arrêté du 15 juillet 2015, délivré à la société Helzear Exploitation un permis de construire en vue de la réhabilitation et du changement de destination de l'hôtel de Savoie en une résidence hôtelière. Par un jugement du 8 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté la demande de l'association " Comité national pour l'éducation artistique " tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, faute d'intérêt lui donnant qualité pour agir. Par un arrêt du 24 avril 2018, contre lequel l'association se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Si ces dispositions n'entendent pas régir les recours formés par les associations lorsqu'elles agissent au nom des intérêts qu'elles se sont donné pour mission de défendre, elles s'appliquent aux associations qui entendent contester un permis de construire, de démolir ou d'aménager en qualité de propriétaire ou d'occupant régulier d'un bien immobilier. A ce dernier égard, une personne occupant un bien immobilier sans en être propriétaire ni faire état d'un droit ou titre l'y autorisant ne justifie pas, eu égard au caractère irrégulier de cette occupation, d'un intérêt légitime de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, sauf à ce que, à la date à laquelle elle saisit le juge administratif, elle puisse faire état d'une contestation sérieuse devant le juge compétent sur la perte de son droit d'occupation.
3. En l'espèce, la cour administrative d'appel a relevé que l'objet de l'association était trop général pour qu'elle puisse justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir au titre de la défense de ses intérêts statutaires, mais que l'association se prévalait également de sa qualité d'ancien occupant du bien ayant donné lieu à permis de construire. Elle a toutefois jugé que les circonstances que l'association ait occupé le bâtiment à compter de l'année 2002, en vertu d'une convention de mise à disposition qui expirait le 31 décembre 2010 et n'avait pas été renouvelée, qu'elle se soit maintenue sans titre dans les lieux jusqu'à juillet 2013 et que la Cour de cassation ait annulé le 1er juin 2016 la procédure à l'issue de laquelle elle en a été expulsée n'étaient pas de nature à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire litigieux. En se prononçant ainsi, sans rechercher si le caractère irrégulier de l'occupation du bien par l'association était sérieusement contesté devant le juge compétent, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, l'association " Comité national pour l'éducation artistique " est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris et de la société Helzear Exploitation la somme de 1 500 euros chacune, qui sera versée à l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit à ce titre mise à la charge de l'association requérante qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 24 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La ville de Paris et la société Helzear Exploitation verseront au " Comité national pour l'éducation artistique " la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la ville de Paris et la société Helzear Exploitation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association " Comité national pour l'éducation artistique ", à la ville de Paris et à la société Helzear Exploitation.