La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2019 | FRANCE | N°412253

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 17 juin 2019, 412253


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet 2017, 19 octobre 2017 et 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-796 du 5 mai 2017 relatif à l'exercice de la profession d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire par une société pluri-professionnelle d'exercice ;

2°) de mettre

la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet 2017, 19 octobre 2017 et 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-796 du 5 mai 2017 relatif à l'exercice de la profession d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire par une société pluri-professionnelle d'exercice ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 ;

- le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.

Considérant ce qui suit :

1. L'article 65 de la loi du 26 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a autorisé le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour faciliter la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d'huissier de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d'expert-comptable. L'ordonnance du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, prise sur le fondement de cette habilitation, a déterminé les conditions dans lesquelles un exercice en commun de ces professions en permettant à cette fin la constitution de sociétés pluri-professionnelles d'exercice et a renvoyé les modalités de son application à des décrets en Conseil d'Etat. Par la présente requête, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 5 mai 2017 relatif à l'exercice de la profession d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire par une société pluri-professionnelle d'exercice.

Sur la légalité du décret attaqué :

En ce qui concerne l'annulation du décret par voie de conséquence de l'annulation de l'ordonnance du 31 mars 2016 :

2. Par une décision rendue ce jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté les recours formés contre l'ordonnance du 31 mars 2016, sous la seule réserve de l'annulation du 2° de l'article 6 de cette ordonnance, qui supprimait la condition posée à l'article L. 722-7 du code de la propriété intellectuelle tenant à la détention de la majorité du capital social et des droits de vote par des personnes exerçant la profession de conseil en propriété industrielle pour l'exercice de cette profession au sein de toute société constituée sous une autre forme qu'une société civile professionnelle ou une société d'exercice libérale. Par suite, le moyen tiré de l'annulation du décret par voie de conséquence de l'annulation de l'ordonnance du 31 mars 2016 ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la prévention et le traitement des conflits d'intérêts :

3. Les règles spécifiques relatives à la prévention et au traitement des conflits d'intérêts au sein des sociétés pluri-professionnelles d'exercice sont fixées par un autre décret que le décret attaqué, pris le même jour, n° 2017-794, relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice de professions libérales juridiques, judiciaires et d'expertise comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990. Par suite et en tout état de cause, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait l'article 31-12 de la loi du 31 décembre 1990, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance du 31 mars 2016, selon lequel le décret pris pour faire application de ses dispositions fixe " 1° Les règles de fonctionnement spécifiques à la société pluri-professionnelle d'exercice ; / 2° Les modalités selon lesquelles les personnes physiques associées et les salariés exercent leur profession au sein de la société ; (...) ", faute de contenir les dispositions nécessaires pour prévenir et traiter les conflits d'intérêts.

En ce qui concerne les modalités de surveillance et d'inspection des professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire :

4. Aux termes de l'article L. 811-7-1-A du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 5 de l'ordonnance du 31 mars 2016 : " L'administrateur judiciaire peut exercer sa profession dans le cadre d'une société pluri-professionnelle d'exercice (...) / Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat, notamment : / 2° Les modalités particulières de la surveillance et de l'inspection prévues aux articles L. 811-11 à L. 811-11-3 et d'application des règles de discipline prévues aux articles L. 811-12-A à L. 811-15. ". Aux termes de l'article L. 812-5-1-A du même code, dans sa rédaction issue de l'article 5 de l'ordonnance du 31 mars 2016 : " Le mandataire judiciaire peut exercer sa profession dans le cadre d'une société pluri-professionnelle d'exercice (...) / Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat, notamment : (...) 2° Les modalités particulières de la surveillance et de l'inspection prévues aux articles L. 812-9 et L. 811-11 à L. 811-11-3 et d'application des règles de discipline prévues aux articles L. 812-9 et L. 811-12-A à L. 811-15. ".

5. D'une part, les articles 27 et 28 du décret du 5 mai 2017 relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice de professions libérales juridiques, judiciaires et d'expertise-comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 prévoient que la société pluri-professionnelle d'exercice fait l'objet de contrôles et d'inspections par les autorités administratives ou professionnelles compétentes pour y procéder à l'égard des membres des professions qu'elle exerce, selon les modalités définies par les dispositions propres aux contrôles et aux inspections de chaque profession, que ces contrôles ou inspections peuvent être conjoints entre deux ou plusieurs de ces autorités, et que si l'une d'elles constate un fait susceptible de constituer un manquement aux obligations d'une profession exercée par la société pluri-professionnelle, elle en informe les autres.

6. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret attaqué : " Le titre Ier du livre VIII du code de commerce est ainsi modifié : (...) / 3° A la sous-section 1 de la section 5 du chapitre IV, avant le paragraphe 1, il est rétabli un article R. 814-59 ainsi rédigé : / " Art. R. 814-59.- Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux sociétés constituées pour l'exercice de la profession d'administrateur judiciaire ou celle de mandataire judiciaire ". Sous réserve des dispositions du décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice de professions libérales juridiques, judicaires et d'expertise-comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, elles sont également applicables aux sociétés pluri-professionnelles d'exercice régies par le titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales et constituées notamment pour l'exercice de l'une de ces deux professions, à l'exception des articles R. 814-70 et R. 814-90. ". Cet article étend, en rétablissant un article R. 814-59 du code de commerce, le champ d'application des articles R. 811-43 à R. 811-57 et R. 812-21, R. 812-22 à R. 812-43-2 du même code, relatifs à la surveillance, à l'inspection et à la discipline des professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, aux sociétés pluri-professionnelles qui les exerce.

7. Ces dispositions fixent ainsi les règles de surveillance et d'inspection des professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire lorsqu'elles sont exercées par une société pluri-professionnelle d'exercice. Par suite, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les articles L. 811-7-1-A et L. 812-5-1-A du code de commerce rappelés au point 4 de l'arrêt faute de comporter des dispositions relatives à la surveillance et à l'inspection de ces professions lorsqu'elles sont exercées par une société pluri-professionnelle.

En ce qui concerne le secret professionnel :

8. Aux termes de l'article 31-12 de la loi du 31 décembre 1990, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance du 31 mars 2016 : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent titre, notamment : (...) 6° La détermination de l'autorité administrative ou de l'autorité professionnelle compétente pour exercer le contrôle sur la société, les modalités de ce contrôle et notamment les conditions dans lesquelles le secret professionnel est opposable. ".

9. L'article 27 du décret du 5 mai 2017 relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice de professions libérales juridiques, judiciaires et d'expertise comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, en prévoyant que " La société pluri-professionnelle d'exercice fait l'objet de contrôles et d'inspections par les autorités administratives ou professionnelles compétentes pour y procéder à l'égard des membres des professions qu'elle exerce, selon les modalités définies par les dispositions propres aux contrôles et aux inspections des sociétés d'exercice de chaque profession.(...) ", doit être regardé comme autorisant l'associé d'une société pluri-professionnelle à opposer les règles de sa profession relatives au secret professionnel aux autorités de contrôle d'une autre profession exercée par la société. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait l'article 31-12 de la loi du 31 décembre 1990, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance du 31 mars 2016, faute de prévoir les conditions dans lesquelles l'associé d'une société pluri-professionnelle peut opposer le secret professionnel à d'autres professionnels dans le cadre des actes qu'il accomplit au sein de la société, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412253
Date de la décision : 17/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2019, n° 412253
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412253.20190617
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award