Vu la procédure suivante :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 novembre 2012 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a nommé M. H...I...en qualité de notaire associé, membre d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial à la résidence de La Baule (Loire-Atlantique). Par un jugement n° 1300111 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15NT00553 du 19 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M.C..., annulé ce jugement et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté les demandes présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 21 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
- le décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. C...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. I....
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2019, présentée par M. I....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. H...I...a été recruté en juillet 2003 par la SCP de notaires LucienC..., N...E..., M...G..., K... PhanB..., L...F..., titulaire d'un office à la résidence de La Baule (Loire-Atlantique). Il a passé avec succès les épreuves du concours d'offices créés de notaires ouvert au titre de l'année 2009 et avait vocation à être nommé en qualité de notaire dans un office vacant. Compte tenu de la destitution de M.G..., notaire associé de la SCP, prononcée définitivement par un arrêt du 8 février 2011 de la cour d'appel de Rennes, un pacte de préférence a été conclu entre MM.C..., E..., PhanThanh, F...et M.I..., garantissant à ce dernier la possibilité de devenir associé de la société civile professionnelle à concurrence de 20 % des parts sociales appartenant aux associés signataires sous réserve de sa nomination en qualité de notaire. Par un acte du 13 juillet 2011, MM.E..., PhanThanhet F...ont conclu un traité de cession de parts qu'ils détenaient dans la SCP au bénéfice de M. I...sous la condition suspensive de sa nomination en qualité de notaire par un arrêté du Garde des sceaux, ministre de la justice. Par un arrêté du 30 novembre 2012, le garde des sceaux, ministre de la justice a nommé M. H...I..., notaire associé, membre de la SCP LucienC..., N...E..., M...G..., K... PhanB..., L...F..., notaires associés. Par un jugement du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. D... C...tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. I...:
2. Dès lors que, ainsi que cela ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et n'est du reste pas contesté, M. C...était notaire associé de la SCP LucienC..., N...E..., M...G..., K... PhanB..., L... F...à la date où a été pris l'arrêté litigieux du 30 novembre 2012 nommant M. I...en qualité de notaire associé, il dispose, en cette qualité, d'un intérêt à agir contre l'arrêt du 19 mai 2016. La circonstance que le requérant aurait depuis cessé ses fonctions au sein de la SCP et cédé ses parts est sans incidence sur ce point.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
3. Aux termes de l'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 applicable aux sociétés civiles professionnelles : " Les parts sociales peuvent être transmises ou cédées à des tiers avec le consentement des associés représentant au moins les trois quarts des voix. Toutefois, les statuts peuvent imposer l'exigence d'une majorité plus forte ou de l'unanimité des associés. / La transmission ou le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois, à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement est implicitement donné. ". Aux termes de l'article 27 du décret du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toute convention par laquelle l'un des associés cède la totalité ou une fraction de ses parts sociales à un tiers est passée sous la condition suspensive de l'agrément du cessionnaire par les autres associés et, s'il y a lieu, de l'approbation du retrait du cédant, prononcée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. / Le projet de cession de parts sociales est notifié à la société et à chacun des associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Si la société a, dans la même forme, notifié son consentement exprès à la cession, ou si elle n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois à compter de la dernière des notifications prévues à l'alinéa 2 ci-dessus, le cessionnaire adresse au garde des sceaux, ministre de la justice, une requête tendant à sa nomination en qualité de notaire associé. / Cette requête est remise au procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la société a son siège. / Elle est accompagnée de l'expédition de l'acte de cession de parts sociales si celui-ci a été établi dans la forme authentique ou de l'un des originaux de cet acte dans le cas contraire, ainsi que de toutes pièces justificatives, notamment de celles qui établissent le consentement exprès ou tacite donné par la société à la cession sans préjudice de celles exigées de tout candidat aux fonctions de notaire. Lorsque le futur associé doit contracter un emprunt, il doit, en outre, produire un plan de financement prévoyant de manière détaillée les conditions dans lesquelles il entend faire face à ses échéances en fonction de l'ensemble de ses revenus et d'un budget prévisionnel. / Le procureur général saisit la chambre départementale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'invite à lui faire parvenir son avis motivé sur la requête. Il informe simultanément le conseil régional du dépôt de la requête. / Le prix de cession et ses modalités de paiement sont fixés par les parties. / (...) / Après réception de l'avis de la chambre ou après expiration du délai imparti à celle-ci pour faire connaître son avis, le procureur général transmet au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son rapport, l'ensemble des pièces et des documents. ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de cession par un associé d'une société civile professionnelle de notaire de ses parts sociales à un tiers, il appartient au garde des sceaux de vérifier que le projet de cession, qui ne se limite pas au choix de la personne du cessionnaire mais contient également les modalités, en particulier financières, de cession des parts, a recueilli le consentement de la société, c'est-à dire des associés représentant au moins les trois quarts des voix ou plus si les statuts le prévoient ainsi. Dans le cas où il demande que soient apportées à l'acte de cession de parts des modifications qui en affectent l'économie générale, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne peut procéder à la nomination du nouvel associé sans s'être assuré de la confirmation du consentement de la société.
4. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en jugeant que l'acte de cession modifié sur demande des services de la chancellerie du ministère de la justice n'avait pas à faire l'objet d'un agrément par les associés de la SCP, au motif que l'agrément prévu par les dispositions de l'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 et de l'article 27 du décret du 2 octobre 1967 porterait sur la personne du cessionnaire et non sur les modalités de la cession de parts. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à verser à M.C..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle, en revanche, à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. I...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D...C..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. H...I....