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14/06/2019 | FRANCE | N°414277

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 14 juin 2019, 414277


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion, en premier lieu, d'annuler la décision du 15 juin 2011, confirmée le 19 septembre 2013 sur recours gracieux, par laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion n'a pas renouvelé son contrat, en deuxième lieu, de condamner l'établissement à lui payer une indemnité de 110 448,49 euros et, en troisième lieu, d'ordonner sa réintégration. Par un jugement n° 1301270 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion, en premier lieu, d'annuler la décision du 15 juin 2011, confirmée le 19 septembre 2013 sur recours gracieux, par laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion n'a pas renouvelé son contrat, en deuxième lieu, de condamner l'établissement à lui payer une indemnité de 110 448,49 euros et, en troisième lieu, d'ordonner sa réintégration. Par un jugement n° 1301270 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX00120 du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de MmeA..., a fait droit à ses conclusions indemnitaires à hauteur de 2 000 euros, a réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2017 et le 4 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat adopté par la commission paritaire nationale le 13 novembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A...et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a conclu avec Mme A...plusieurs contrats à durée déterminée successifs à compter du 26 janvier 2004, le dernier en date pour une durée d'un an du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, pour exercer des fonctions de professeur de français au centre de formation des apprentis (CFA) du Port. Par un courrier du 15 juin 2011, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a informé Mme A...de sa décision de ne pas renouveler son contrat au terme de celui-ci. Par une décision du 19 septembre 2013, il a rejeté la demande présentée par Mme A...le 12 juin 2013, tendant au retrait de cette décision et à la condamnation de la chambre à l'indemniser de son préjudice. Le 18 novembre 2013, Mme A... a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande d'annulation de la décision refusant le renouvellement de son contrat, assortie de conclusions à fin d'injonction et de conclusions indemnitaires. Par un jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande. Par un arrêt du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que Mme A...était seulement fondée à demander la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à lui payer une indemnité de 2 000 euros et a décidé la réformation en ce sens du jugement du 23 octobre 2014, mais a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme A...se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6232-1 du code du travail : " La création des centres de formation d'apprentis fait l'objet de conventions conclues entre l'Etat, dans le cas des centres à recrutement national, la région, dans tous les autres cas et : (...) / 4° Les chambres de commerce et d'industrie territoriales, les chambres des métiers et les chambres d'agriculture (...) ". Selon l'article R. 6232-12 de ce code : " La convention créant un centre de formation d'apprentis est conclue pour une durée de cinq ans à partir d'une date d'effet qu'elle fixe expressément ". Aux termes de l'article R. 6232-15 du même code : " Dix huit mois au moins avant la date d'expiration de la convention, les parties se concertent afin de préparer son renouvellement en tenant compte, s'il y a lieu, des adaptations rendues nécessaires par l'évolution des besoins de formation. / Lorsqu'il apparaît que la convention ne peut être renouvelée, le recrutement de nouveaux apprentis est interrompu. La convention en vigueur est prorogée de plein droit jusqu'à l'achèvement des formations en cours, lorsque cet achèvement a lieu après la date d'expiration de la convention ". Selon l'article R. 6232-16 de ce code : " La convention est renouvelée dans les conditions prévues à l'article R. 6232-15 ".

3. D'autre part, en vertu du I de l'article 2 du statut des personnels des chambres de métiers et de l'artisanat, les chambres " peuvent engager des agents sous contrat à durée déterminée dans les cas limitatifs suivants : / a) En vue de satisfaire des besoins non permanents ; / b) En vue de pourvoir des emplois à temps partiel pour satisfaire des besoins particuliers requérant la collaboration de spécialistes ; / c) En vue de pallier l'indisponibilité temporaire d'un agent titulaire. / Les rapports de ces agents avec l'organisme employeur sont réglés par le statut, l'annexe XIV relative aux dispositions particulières applicables aux agents recrutés sous contrat et un contrat de travail de droit public (...) ". L'article 2 de l'annexe XIV de ce statut dispose, s'agissant de la durée du contrat : " L'agent recruté par contrat à durée déterminée est engagé pour une durée maximale de cinq ans (...) ". Selon l'article 5 de l'annexe XIV du même statut : " Le contrat prend fin par suite : / - de la survenance du terme inscrit dans le contrat à durée déterminée ; - de l'admission à la retraite ; - de la démission ; - du licenciement ". Toutefois, aux termes du I de l'article 6 de l'annexe XIV du même statut, relatif aux dispositions particulières applicables au personnel contractuel des centres de formation : " La durée des contrats est celle prévue à l'article 2 de la présente annexe et ne peut dépasser la durée restant à courir de la convention portant création des centres de formation en application de l'article R. 6232-12 du code du travail. / Sauf dans les cas prévus par les alinéas b et c de l'article 2 du statut, le terme du contrat est celui de la convention. / Le contrat est renouvelé par reconduction expresse si une nouvelle convention est conclue sauf en cas de force majeure, d'inaptitude physique ou professionnelle constatée ou de suppression de poste motivée ".

4. Il résulte des dispositions du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat précitées que, s'agissant du personnel contractuel des centres de formation, l'article 6 de l'annexe XIV de ce statut déroge au principe selon lequel l'agent public dont le contrat de travail arrive à son terme n'a pas de droit à son renouvellement, en posant le principe d'un tel droit lorsque la convention quinquennale portant création d'un centre de formation d'apprentis est conclue et en énumérant de manière exhaustive les cas dans lesquels une chambre des métiers et de l'artisanat peut alors légalement s'abstenir de renouveler le contrat. En outre, même dans le cas où la convention quinquennale est venue à son terme, l'agent contractuel d'un centre de formation des apprentis conserve le droit au renouvellement de son contrat, sauf force majeure, inaptitude physique ou professionnelle ou suppression de poste, lorsque la convention quinquennale est prorogée de plein droit jusqu'à l'achèvement des formations en cours en vertu des dispositions précitées de l'article R. 6232-15 du code du travail ou lorsqu'il est établi que la convention est en cours de renouvellement.

5. Pour rejeter les conclusions de la requête d'appel de Mme A...tendant à l'annulation de la décision de ne pas renouveler son contrat, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir relevé que la convention conclue pour la période du 4 novembre 2004 au 3 novembre 2009 pour définir les modalités d'intervention de la région Réunion dans le financement du centre de formation des apprentis du Port était en cours de renouvellement au 15 juin 2011, date de la décision contestée, s'est fondée sur la circonstance que cette convention n'avait été effectivement renouvelée que le 26 mars 2012 avec une prise d'effet à cette dernière date. Elle a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 13 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion versera à Mme A...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion présentées au même titre sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414277
Date de la décision : 14/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - ORGANISATION PROFESSIONNELLE DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - CHAMBRES DES MÉTIERS - PERSONNEL - PERSONNEL CONTRACTUEL D'UN CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS - DROIT AU RENOUVELLEMENT DU CONTRAT - 1) CAS OÙ LA CONVENTION QUINQUENNALE CRÉANT LE CENTRE EST ENCORE EN VIGUEUR - EXISTENCE - 2) CAS OÙ LA CONVENTION EST VENUE À SON TERME - EXISTENCE - SI ELLE A ÉTÉ PROROGÉE DE PLEIN DROIT JUSQU'À L'ACHÈVEMENT DES FORMATIONS EN COURS - OU LORSQU'IL EST ÉTABLI QU'ELLE EST EN COURS DE RENOUVELLEMENT.

14-06-02-03 1) Il résulte du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat que, s'agissant du personnel contractuel des centres de formation, l'article 6 de l'annexe XIV de ce statut déroge au principe selon lequel l'agent public dont le contrat de travail arrive à son terme n'a pas de droit à son renouvellement en posant le principe d'un tel droit lorsque la convention quinquennale portant création d'un centre de formation d'apprentis est conclue, et en énumérant de manière exhaustive les cas dans lesquels une chambre des métiers et de l'artisanat peut alors légalement s'abstenir de renouveler le contrat.... ,,2) Même dans le cas où la convention quinquennale est venue à son terme, l'agent contractuel d'un centre de formation des apprentis conserve le droit au renouvellement de son contrat, sauf force majeure, inaptitude physique ou professionnelle ou suppression de poste, lorsque la convention quinquennale est prorogée de plein droit jusqu'à l'achèvement des formations en cours en vertu de l'article R. 6232-15 du code du travail ou lorsqu'il est établi que la convention est en cours de renouvellement.

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTIONS GÉNÉRALES RELATIVES AU PERSONNEL - QUESTIONS GÉNÉRALES RELATIVES AU PERSONNEL ENSEIGNANT - PERSONNEL CONTRACTUEL D'UN CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS - DROIT AU RENOUVELLEMENT DU CONTRAT - 1) CAS OÙ LA CONVENTION QUINQUENNALE CRÉANT LE CENTRE EST ENCORE EN VIGUEUR - EXISTENCE - 2) CAS OÙ LA CONVENTION EST VENUE À SON TERME - EXISTENCE - SI ELLE A ÉTÉ PROROGÉE DE PLEIN DROIT JUSQU'À L'ACHÈVEMENT DES FORMATIONS EN COURS - OU LORSQU'IL EST ÉTABLI QU'ELLE EST EN COURS DE RENOUVELLEMENT.

30-01-02-01 1) Il résulte du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat que, s'agissant du personnel contractuel des centres de formation, l'article 6 de l'annexe XIV de ce statut déroge au principe selon lequel l'agent public dont le contrat de travail arrive à son terme n'a pas de droit à son renouvellement en posant le principe d'un tel droit lorsque la convention quinquennale portant création d'un centre de formation d'apprentis est conclue, et en énumérant de manière exhaustive les cas dans lesquels une chambre des métiers et de l'artisanat peut alors légalement s'abstenir de renouveler le contrat.... ,,2) Même dans le cas où la convention quinquennale est venue à son terme, l'agent contractuel d'un centre de formation des apprentis conserve le droit au renouvellement de son contrat, sauf force majeure, inaptitude physique ou professionnelle ou suppression de poste, lorsque la convention quinquennale est prorogée de plein droit jusqu'à l'achèvement des formations en cours en vertu de l'article R. 6232-15 du code du travail ou lorsqu'il est établi que la convention est en cours de renouvellement.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2019, n° 414277
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414277.20190614
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