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29/05/2019 | FRANCE | N°417012

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 29 mai 2019, 417012


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 19 novembre 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Coutances a renvoyé les parties devant le juge administratif pour que soit tranchée la question de l'appartenance au domaine public des locaux qui font l'objet de la convention conclue le 29 mai 2008 entre le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville et la société à responsabilité limitée (SARL) DL Moisseron Boulangers.

La société DL Moisseron Boulangers a demandé au tribunal administratif de Caen de juger que ces locaux ne cons

tituent pas des dépendances du domaine public. Par un jugement n° 16015...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 19 novembre 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Coutances a renvoyé les parties devant le juge administratif pour que soit tranchée la question de l'appartenance au domaine public des locaux qui font l'objet de la convention conclue le 29 mai 2008 entre le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville et la société à responsabilité limitée (SARL) DL Moisseron Boulangers.

La société DL Moisseron Boulangers a demandé au tribunal administratif de Caen de juger que ces locaux ne constituent pas des dépendances du domaine public. Par un jugement n° 1601529 du 2 novembre 2017, ce tribunal a déclaré qu'ils n'appartiennent pas au domaine public.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 janvier, 2 février et 26 février 2018, le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de dire que les locaux qui font l'objet de la convention conclue le 29 mai 2008 appartiennent au domaine public ;

3°) de mettre à la charge de la société DL Moisseron Boulangers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de la société DL Moisseron Boulangers et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Me B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un acte sous seing privé en date du 31 janvier 2001, le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée (SARL) au Délice Granvillais, pour une durée trouvant son terme le 31 décembre 2010, un local d'une superficie de 54 m² à destination d'activité commerciale de dépôt de pain, pâtisserie et confiserie. La société DL Moisseron Boulangers a, par un acte du 29 mai 2008, acquis le fonds de commerce auprès de M. et Mme C...qui eux-mêmes venaient aux droits de la société Au Délice Granvillais. Par une convention du même jour, le syndicat intercommunal représenté par son président, dénommé " le bailleur ", et la société DL Moisseron Boulangers ont convenu notamment que le bailleur avait pour projet de supprimer les emplacements commerciaux situés à l'entrée du camping, comprenant le commerce exploité par M.C..., et qu'il s'engageait à proposer au cocontractant " un nouvel emplacement commercial équivalent dans le camping, pour l'exploitation de son fonds de commerce (...) aux mêmes charges et conditions ". La société DL Moisseron Boulangers a sollicité le 9 septembre 2010 le renouvellement du bail commercial. Le 18 décembre 2010, MeA..., notaire, a précisé à la société DL Moisseron Boulangers qu'il avait reçu un courrier du président du syndicat intercommunal donnant son accord au renouvellement du bail commercial avec extension à une activité de salon de thé et s'engageant à indemniser le défaut d'exploitation du fait des travaux mais en exigeant une augmentation de loyer à hauteur de 25 % lors de l'entrée en jouissance dans de nouveaux locaux. Cette proposition ayant été refusée, un projet de mise à disposition à titre précaire d'un local commercial de 37 m² a été transmis en mai 2013, sous la forme d'une " convention d'occupation du domaine public ", à la société Moisseron Boulangers qui l'a refusé. La société a alors saisi le tribunal de grande instance de Coutances d'une action tendant à ce qu'un bail commercial lui soit attribué à compter du 31 décembre 2010, à ce que la société civile professionnelle (SCP) de notaires A...et autres soit condamnée à lui verser une indemnité de 72 000 euros et, enfin, à ce que le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville soit condamné, solidairement avec la SCP de notaires, à lui verser une somme de 374 000 euros au cas où elle ne pourrait se prévaloir d'une propriété commerciale. Le juge de la mise en état, par une ordonnance du 19 novembre 2015, a renvoyé les parties devant le juge administratif au motif qu'" il incombe exclusivement à la juridiction administrative de statuer sur la domanialité publique des locaux objets de la convention passée par le syndicat intercommunal au profit de la société DL Moisseron Boulangers ", pour que soit tranchée la question préjudicielle du " caractère public ou non du terrain à usage de camping objet de la convention passée par le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville au profit de la société DL Moisseron Boulangers ". Le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville se pourvoit en cassation contre le jugement du 2 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a déclaré que les locaux sur lesquels porte la convention passée le 29 mai 2008 entre le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville et la société DL Moisseron Boulangers n'appartiennent pas au domaine public.

2. En premier lieu, il résulte de l'ordonnance du 19 novembre 2015 que la question préjudicielle posée par le juge de la mise en état ne portait que sur le terrain objet de la convention passée le 29 mai 2008 entre le syndicat intercommunal et la société et non sur le terrain de 37 m² dont la société s'est vu proposer, en mai 2013, la mise à disposition à titre précaire, sous la forme d'une " convention d'occupation du domaine public " qu'elle a refusée. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit, faute de se prononcer sur l'appartenance au domaine public de ce second local ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, si le camping de Donville-Granville appartient au domaine public, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les locaux litigieux étaient, avant le réaménagement de la zone d'entrée du camping liée à l'installation d'un centre de thalassothérapie sur les parcelles contigües, situés en-deçà des barrières pour automobiles permettant l'accès aux emplacements du camping et que, longeant la route, ils étaient directement accessibles depuis celle-ci. Par suite, ils ne pouvaient être regardés comme formant, avec le reste de camping, un seul et même ensemble immobilier. La circonstance que les deux unités appartiendraient à la même emprise cadastrale est, à cet égard, indifférente.

4. En troisième lieu, les locaux litigieux, exploités commercialement par la société sous forme de dépôt de pain, ne pouvaient davantage être regardés comme affectés à l'usage direct du public ni comme affectées au service public du tourisme, la convention du 29 mai 2008 n'imposant aucune obligation de cette nature à la société DL Moisseron Boulangers. Par suite, en jugeant qu'ils ne constituaient pas, par eux-mêmes, une dépendance du domaine public, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En dernier lieu, en se fondant, pour juger que les locaux litigieux ne pouvaient être regardés comme un accessoire de la dépendance du domaine public constituée par le terrain de camping, d'une part, sur ce que ces derniers étaient situés à l'entrée de ce terrain et, d'autre part, sur ce qu'ils ne présentaient pas d'utilité directe au regard du service public, le tribunal, qui a ainsi examiné l'existence d'un éventuel lien fonctionnel comme d'un lien physique, n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville doit être rejeté.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville une somme de 2 000 euros à verser à la société DL Moisseron Boulangers et une somme de 2 000 euros à verser à Me A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville est rejeté.

Article 2 : Le syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville versera à la société DL Moisseron Boulangers et à Me A...une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville, à la société à responsabilité limitée DL Moisseron Boulangers et à Me B...A....


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 417012
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2019, n° 417012
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417012.20190529
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