La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2019 | FRANCE | N°430065

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 mai 2019, 430065


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 avril et 14 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Mitry-Mory, représentée par son maire, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 14 février 2019 autorisant la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " à prendre possession immédiate de certaines propriétés privées nécessaires à l'exécution des

travaux de réalisation de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 avril et 14 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Mitry-Mory, représentée par son maire, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 14 février 2019 autorisant la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " à prendre possession immédiate de certaines propriétés privées nécessaires à l'exécution des travaux de réalisation de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, depuis la publication du décret litigieux, les travaux de réalisation de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express ont déjà commencé et, d'autre part, l'exécution du décret contesté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à son droit de propriété et aux intérêts qu'elle entend défendre par les difficultés de circulation découlant de la réalisation des travaux ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- le décret contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été pris sur l'avis conforme du Conseil d'Etat ;

- il est insuffisamment motivé dès lors que l'autorité expropriante ne justifie pas du recours à la procédure d'extrême urgence ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors, d'une part, que les travaux mentionnés dans ses visas ne sont pas de ceux susceptibles de permettre la procédure d'extrême urgence prévue à l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et, d'autre part, qu'aucune difficulté particulière n'est alléguée s'agissant de la procédure d'expropriation ;

- il est entaché d'un détournement de procédure et méconnaît le champ d'application de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dès lors que l'autorité expropriante pouvait se fonder sur les dispositions de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics afin de pénétrer sur ses propriétés ;

- il est entaché d'une erreur de fait en ce que la déclaration d'utilité publique est prorogée jusqu'en 2025 alors que les travaux doivent être réalisés dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris ;

- la condition d'urgence nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas remplie au regard, d'une part, de l'inertie de la société gestionnaire dans la mise en oeuvre de la déclaration d'utilité publique prise par arrêté inter-préfectoral et, d'autre part, de l'incertitude sur l'échéance des travaux d'achèvement de la ligne " CDG Express " fixée par le Gouvernement ;

- à titre subsidiaire, il a été pris sur le fondement du décret n° 2018-1006 du 19 novembre 2018, lequel méconnaît les dispositions de l'article L. 121-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en ce qu'il proroge les effets de la déclaration d'utilité publique du projet de liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express sans enquête publique préalable, alors qu'il modifie substantiellement les caractéristiques du projet au regard de l'augmentation des coûts qu'induisait cette prorogation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les effets d'une éventuelle suspension soient limités aux parcelles dont la commune de Mitry-Mory est propriétaire. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Par une intervention et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 et 14 mai 2019, la société " Gestionnaire d'infrastructure Charles-de-Gaulle Express " demande au juge des référés du Conseil d'Etat de rejeter la requête de la commune de Mitry-Mory. Elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 15 mai 2019, l'établissement public SNCF Réseau demande au juge des référés du Conseil d'Etat de rejeter la requête de la commune de Mitry-Mory et de mettre à la charge de celle-ci le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'il a intérêt à agir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Mitry-Mory et, d'autre part, le Premier ministre, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " et SNCF Réseau ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du jeudi 16 mai 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants de la commune de Mitry-Mory ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " ;

- les représentants de la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " ;

- Me Lécuyer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'établissement SCNF Réseau ;

- le représentant de SNCF Réseau ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au vendredi 17 mai 2019 à 18 heures ;

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 17 mai 2019, présentées par SNCF Réseau ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 mai 2019 avant la clôture de l'instruction, par lequel la commune de Mitry-Mory maintient ses conclusions et ses moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

- l'ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 ;

- le décret n° 2018-1006 du 19 décembre 2018 ;

- l'arrêté inter-préfectoral n° 2008-2250 du 19 décembre 2008 déclarant d'utilité publique le projet de liaison ferroviaire Charles de Gaulle Express ;

- l'arrêté inter-préfectoral n° 2013-336-0013 du 2 décembre 2013 prorogeant les effets de la déclaration d'utilité publique prononcée par l'arrêté du 19 décembre 2008 ;

- l'arrêté inter-préfectoral n° 75-2017-03-31-010 du 31 mars 2017 portant modification de l'arrêté du 19 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

Sur les interventions de la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " et de SNCF Réseau :

1. La société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " et SNCF Réseau, qui interviennent au soutien des conclusions présentées par le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire justifient, eu égard à leur objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Par un décret du 14 février 2019, la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " a été autorisée à prendre possession, dans les conditions prévues aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de terrains non bâtis nécessaires à l'exécution de travaux de réalisation de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express sur le territoire de la commune de Mitry-Mory. Celle-ci demande la suspension de l'exécution de ce décret.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque l'exécution des travaux de construction (...) de voies de chemins de fer (...) risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d'un ou de plusieurs terrains non bâtis, situés dans les emprises de l'ouvrage, un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'Etat peut, à titre exceptionnel, en autoriser la prise de possession ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le décret en litige a été pris, sur avis conforme du Conseil d'Etat, afin de permettre la prise de possession anticipée de terrains non bâtis dont l'expropriation a été prononcée par des ordonnances du juge compétent en date du 11 décembre 2018, compte tenu de difficultés et de délais risquant de compromettre la mise en service de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express avant les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Les terrains en litige apparaissent nécessaires à l'exécution des travaux de réalisation de cette liaison. En outre, leur occupation se poursuivra après la fin des travaux afin de permettre la maintenance des voies. Elle ne pouvait donc pas être autorisée sur le fondement des dispositions de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics, qui ne permet qu'une occupation temporaire de terrains. Ainsi, les moyens tirés de ce que le décret attaqué n'aurait pas été pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, qu'il serait insuffisamment motivé, qu'il serait entaché d'erreurs de droit et de fait au regard des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et qu'il constituerait un détournement de procédure ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à sa légalité. Il en est de même des moyens tirés de l'illégalité du décret du 19 novembre 2018 prorogeant les effets de la déclaration d'utilité publique du projet de liaison ferroviaire en litige.

6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ni sur la condition d'urgence, la requête présentée par la commune de Mitry-Mory doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par SNCF Réseau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Les interventions de la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " et de SNCF Réseaux sont admises.

Article 2 : La requête de la commune de Mitry-Mory est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de SNCF Réseau présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Mitry-Mory et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au Premier ministre, à la société " Gestionnaire d'infrastructure CDG Express " et à l'établissement SNCF Réseau.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 430065
Date de la décision : 24/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2019, n° 430065
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:430065.20190524
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award