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24/05/2019 | FRANCE | N°430050

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 mai 2019, 430050


Vu la procédure suivante :

M. C...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du préfet de police portant prolongation du délai de transfert de six à dix-huit mois, d'enjoindre au préfet de police de procéder à la mainlevée du placement en rétention, à l'enregistrement de sa demande d'asile, de lui remettre une attestation de demande d'asile et un formulaire de saisine de l'office français de protection des réfugiés et ap

atrides (OFPRA) ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation. P...

Vu la procédure suivante :

M. C...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du préfet de police portant prolongation du délai de transfert de six à dix-huit mois, d'enjoindre au préfet de police de procéder à la mainlevée du placement en rétention, à l'enregistrement de sa demande d'asile, de lui remettre une attestation de demande d'asile et un formulaire de saisine de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation. Par une ordonnance n° 1906674 du 8 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Par un recours, enregistré le 19 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance présentées par M. B....

Il soutient que :

- l'ordonnance est entachée d'une erreur de fait en considérant que M. B... aurait demandé, le jour de l'embarquement, à pouvoir consulter un médecin, dès lors que les éléments produits par le préfet de police en première instance tendent à démontrer l'inexistence de ce fait ;

- l'ordonnance est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits, le seul refus d'embarquer suffisant à caractériser la fuite ;

- aucun des autres moyens invoqués en première instance par M. B...n'est fondé ; la décision par laquelle le délai de transfert a été porté à dix-huit mois a été prise par une autorité compétente après que les autorités suédoises ont été informés de la prolongation du délai de transfert à 18 mois dans les formes requises ; la requête qu'il a formée contre l'arrêté de transfert a été définitivement rejetée et M. B...ne peut utilement soutenir que son transfert vers la Suède porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2019, M. B... demande à être admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et conclut au rejet de la requête ainsi qu'au versement de la somme de 1 500 euros à son avocat, MeA..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 1560/2003 modifié par le règlement d'exécution n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, M. B...;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 15 mai 2019 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentantes du ministre de l'intérieur ;

- Me Baraduc, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- M.B... ;

- la représentante de M.B... ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, susceptible d'être portée à dix-huit mois dans les conditions prévues à l'article 29 de ce règlement si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

3. M.B..., ressortissant afghan né le 29 novembre 1999, a déclaré être entré en Suède en 2015, à l'âge de quatorze ans, où il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée le 27 novembre 2017. Cette décision des autorités suédoises a été confirmée par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel, respectivement les 26 février et 7 juin 2018. Par décision du 22 août 2018, les autorités suédoises ont refusé de prolonger son droit au séjour. M. B... a formé une demande d'asile en France le 26 septembre 2018, enregistrée selon la procédure dite Dublin. Un arrêté de transfert vers la Suède a été pris par le préfet de police le 22 novembre 2018, après l'accord exprès des autorités suédoises en date du 5 octobre 2018. M. B... a été placé en centre de rétention administrative par décision du préfet de police du 11 mars 2019. Le requérant a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du préfet de police portant prolongation du délai de transfert de six à dix-huit mois, d'enjoindre au préfet de police de procéder à la mainlevée du placement en rétention, à l'enregistrement de sa demande d'asile, de lui remettre une attestation de demande d'asile et un formulaire de saisine de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation. Par une ordonnance n° 1906674 du 8 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande. Le ministre de l'intérieur fait appel de cette ordonnance.

4. Il résulte de l'instruction que le terme du délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement mentionné au point 2 est, en l'espèce, le 5 avril 2019. M. B...a été placé en centre de rétention administrative le 11 mars 2019 en vue de son embarquement à bord d'un vol à destination de la Suède le 12 mars. Il est constant que l'intéressé souffre de troubles nécessitant la prise quotidienne de médicaments et qu'il ne disposait pas de ces médicaments ni de l'ordonnance correspondante au moment de son placement en rétention. Il résulte également de l'instruction que l'antenne médicale du centre de rétention était fermée au moment où M. B...y a été admis et qu'il n'a pas été informé de la possibilité d'y bénéficier d'une consultation ultérieurement. C'est dans ces conditions que, n'ayant pu consulter un médecin, il a refusé d'embarquer dans l'avion pour la Suède le 12 mars 2019. Or, son placement en centre de rétention s'est poursuivi au-delà du 5 avril 2019, laissant le temps à l'administration d'organiser un nouveau transfert avant cette date, ce qu'elle a fait, et si ce nouveau transfert prévu pour le 25 mars 2019 n'a pu avoir lieu, c'est pour des raisons indépendantes de M. B...qui n'a pas tenté de s'y soustraire. Eu égard à cette dernière circonstance, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a considéré que le refus d'embarquer à bord du vol pour la Suède opposé par M. B...le 12 mars 2019 ne pouvait pas être assimilé à une situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Son appel doit, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle de M.B..., être rejeté.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. C...B....

Copie en sera adressée au préfet de police.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 430050
Date de la décision : 24/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2019, n° 430050
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:430050.20190524
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