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22/05/2019 | FRANCE | N°420649

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 22 mai 2019, 420649


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mai et 2 août 2018 et le 11 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association professionnelle nationale des militaires de la marine nationale (APNM-Marine) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mars 2018 modifiant l'arrêté du 21 octobre 2016 pris en application des articles R. 4126-1 à R. 4126-7 du code de la défense relatifs aux associations professionnelles nationales de militaires,

en tant qu'il insère de nouvelles dispositions à l'article 3 de l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mai et 2 août 2018 et le 11 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association professionnelle nationale des militaires de la marine nationale (APNM-Marine) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mars 2018 modifiant l'arrêté du 21 octobre 2016 pris en application des articles R. 4126-1 à R. 4126-7 du code de la défense relatifs aux associations professionnelles nationales de militaires, en tant qu'il insère de nouvelles dispositions à l'article 3 de l'arrêté du 21 octobre 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la défense ;

- le décret n° 2016-1043 du 29 juillet 2016 ;

- le décret n° 2018-848 du 5 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mai 2019, présentée par l'APNM-Marine ;

Considérant ce qui suit :

1. Les dispositions du chapitre VI du titre II du livre premier de la 4ème partie du code de la défense, issues de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, ont ouvert aux militaires en activité la possibilité d'adhérer à des groupements professionnels à la condition que ces derniers soient constitués sous la forme d'associations professionnelles nationales de militaires. Ces dispositions réservent aux associations professionnelles nationales de militaires reconnues représentatives la possibilité de participer au dialogue organisé, au niveau national, par les ministres de la défense et de l'intérieur ainsi que par les autorités militaires sur les questions générales intéressant la condition militaire.

2. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 4121-4 du code de la défense : " L'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que, sauf dans les conditions prévues au troisième alinéa, l'adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire. / Les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires régie par le chapitre VI du présent titre, y adhérer et y exercer des responsabilités ". Selon l'article L. 4126-1 du même code : " Les associations professionnelles nationales de militaires sont régies par le présent chapitre et, en tant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et, pour les associations qui ont leur siège dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle, par les dispositions du code civil local ". Aux termes de l'article L. 4126-8 du même code : " I. - Peuvent être reconnues représentatives les associations professionnelles nationales de militaires satisfaisant aux conditions suivantes : / (...) 4o Une influence significative, mesurée en fonction de l'effectif des adhérents, des cotisations perçues et de la diversité des groupes de grades mentionnés aux 1o à 3o du I de l'article L. 4131-1 représentés. / II. Peuvent siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire les associations professionnelles nationales de militaires ou leurs unions et fédérations reconnues, en outre, représentatives d'au moins trois forces armées autres que les services de soutien mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 3211-1 et de deux formations rattachées ou services de soutien mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 3211-1, dans des conditions fixées par le décret mentionné à l'article L. 4126-10. / III. - La liste des associations professionnelles nationales de militaires représentatives est fixée par l'autorité administrative compétente (...) ". En vertu de l'article L. 4126-10 du même code, les conditions d'application de ces dispositions sont fixées par un décret en Conseil d'Etat.

3. Pour l'application de ces dispositions, le décret du 29 juillet 2016 relatif aux associations professionnelles nationales de militaires a inséré les articles R. 4126-1 à R. 4126-17 dans le code de la défense. L'article R. 4126-6 de ce code dispose que : " Une association professionnelle nationale de militaire doit, pour être regardée comme bénéficiant d'une influence significative au sens du 4o du I de l'article L. 4126-8, satisfaire à l'ensemble des conditions suivantes : /1o L'effectif des adhérents doit être égal à un pourcentage minimal de l'effectif total de la force armée ou de la formation rattachée représentée ; /2o L'association doit compter parmi ses adhérents des militaires relevant de chacun des groupes de grade mentionnés à l'article R. 4131-14. L'effectif des adhérents relevant de chaque groupe de grade doit être égal à un pourcentage minimal de l'effectif total des militaires relevant de ce groupe de grade au sein de la force armée ou de la formation rattachée représentée. Ce pourcentage minimal peut être différent selon le groupe de grade. / (...) Lorsque les adhérents sont issus de plusieurs forces armées ou formations rattachées, ces pourcentages doivent être respectés pour l'une d'entre elles au moins. (...) /Jusqu'au 1er janvier 2021, les pourcentages prévus aux alinéas précédents sont compris entre 1% et 5 % et sont fixés par le ministre de la défense de manière à assurer le caractère effectif du dialogue social prévu à l'article L. 4126-9. Ils peuvent être différents selon la force armée ou la formation rattachée concernée. / (...) Lorsque le militaire adhère à plusieurs associations professionnelles nationales de militaires, une seule adhésion, de son choix, est comptabilisée, dans les conditions fixées par l'arrêté prévu à l'article R. 4126-17 (...) ". L'article R. 4126-7 du même code détermine les conditions d'appartenance à diverses forces armées ou services de soutien et d'effectifs d'adhérents que doivent remplir les associations professionnelles nationales de militaires représentatives pour pouvoir siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire et prévoit que, jusqu'au 1er janvier 2021, les pourcentages minimaux d'effectifs " sont compris entre 1 % et 5% et sont fixés par le ministre de la défense ". Aux termes de l'article R. 4126-8 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté attaqué : " A chaque renouvellement du Conseil supérieur de la fonction militaire, le ministre de la défense fixe la liste des associations professionnelles nationales de militaires représentatives. Il détermine également parmi ces associations, celles pouvant siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire. Le nombre d'adhérents déclarés par les associations est préalablement vérifié par la commission prévue à l'article R. 4124-22. / Le traitement des informations contenues dans les listes d'adhérents ainsi que la conservation de ces informations sont assurés dans le respect des obligations de sécurité et de confidentialité prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ". L'article R. 4126-17 du même code énonce que : " Un arrêté du ministre de la défense précise les modalités d'application du présent chapitre. "

4. Enfin, aux termes de l'article R. 4124-22 du code de la défense, dans sa rédaction en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté attaqué : " L'élection ou le tirage au sort des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire et des membres des conseils de la fonction militaire sont effectués sous le contrôle d'une commission présidée par un conseiller d'Etat et comprenant le secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire, un membre du corps militaire du contrôle général des armées, un officier, un sous-officier ou officier marinier et un militaire du rang désignés par le ministre de la défense. "

5. Sur le fondement de ces dispositions, le ministre de la défense a pris, le 21 octobre 2016, un arrêté dont l'article 3 prévoyait que les listes des adhérents déclarés par les associations professionnelles nationales de militaires souhaitant être reconnues représentatives seraient transmises au secrétariat général du Conseil supérieur de la fonction militaire. Par une décision n° 406742 du 9 février 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet article 3, au motif que ni les dispositions réglementaires du code de la défense ni aucune autre n'habilitaient le ministre à prévoir par arrêté que ces listes nominatives feraient l'objet d'une telle transmission à cet organe administratif.

6. A la suite de cette décision, le ministre des armées a pris, le 7 mars 2018, un nouvel arrêté, dont l'association professionnelle nationale des militaires de la marine nationale (APNM-Marine) demande l'annulation. Cet arrêté insère dans l'arrêté du 21 octobre 2016 pris en application des articles R. 4126-1 à R. 4126-7 du code de la défense relatifs aux associations professionnelles nationales de militaires un article 3 ainsi rédigé : " I. - Les associations professionnelles nationales de militaires ou fédérations ou unions qui demandent la reconnaissance de leur représentativité doivent transmettre à la commission visée à l'article R. 4124-22 du code de la défense dans les deux mois suivant la publication des effectifs de référence conformément à l'article R. 4126-6 du code de la défense : / 1° Les listes d'adhérents de chaque association professionnelle nationale de militaires détaillant le grade, les nom et prénoms, la force armée ou la formation rattachée et le numéro identifiant défense (NID) de chaque adhérent. / 2° Les formulaires en annexe dûment complétés par chacun des militaires ou des réservistes ayant souscrit un contrat d'engagement en cas d'adhésion à plusieurs associations professionnelles nationales de militaires (...) ". La rédaction de l'article 3 de l'arrêté du 21 octobre 2016, telle qu'elle résulte de l'arrêté du 7 mars 2018, diffère de la rédaction initiale en ce que, d'une part, ne figure plus la mention selon laquelle le secrétariat de la commission visée à l'article R. 4124-22 du code de la défense est assuré par le secrétariat général du Conseil supérieur de la fonction militaire et, d'autre part, il est prévu que les listes nominatives doivent être transmises à la commission elle-même, et non plus au secrétariat général du Conseil supérieur de la fonction militaire.

7. Ce n'est que postérieurement à l'intervention de l'arrêté contesté que le décret du 5 octobre 2018 modifiant diverses dispositions du code de la défense relatives aux organismes consultatifs et de concertation des militaires a complété l'article R. 4126-8 du code de la défense en prévoyant que " les informations nominatives relatives aux adhérents de ces associations sont transmises au président de la commission aux seules fins de vérifier qu'elles remplissent les conditions fixées au 4° du I et au II de l'article L. 4126-8 ". En outre, le même décret a complété l'article R. 4124-22 du même code par un alinéa aux termes duquel la commission dispose de son propre secrétariat, dont les membres, désignés par le ministre de la défense, " sont tenus à une stricte obligation de confidentialité et de discrétion professionnelle pour toutes les informations dont ils ont connaissance. "

8. Toutefois, à la date à laquelle a été pris l'arrêté contesté, aucune disposition réglementaire n'habilitait le ministre à prévoir par arrêté que les listes nominatives des adhérents des associations professionnelles nationales de militaires fassent l'objet d'une transmission à un organe administratif. Dans ces conditions, et alors même que les dispositions des articles R. 4126-8 et R. 4124-22 du code de la défense prévoient désormais une telle habilitation et sont assorties des garanties nécessaires pour que puisse être légalement prévue, par arrêté du ministre de la défense, la transmission de ces listes nominatives à la commission chargée de contrôler l'élection ou le tirage au sort des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire et des membres des conseils de la fonction militaire, les dispositions de l'arrêté attaqué insérant un nouvel article 3 dans l'arrêté du 21 octobre 2016 doivent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulées.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'APNM-Marine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les dispositions de l'arrêté du ministre des armées du 7 mars 2018 sont annulées en tant qu'elles insèrent un nouvel article 3 dans l'arrêté du 21 octobre 2016 pris en application des articles R. 4126-1 à R. 4126-7 du code de la défense relatifs aux associations professionnelles nationales de militaires.

Article 2 : Le surplus des conclusions de l'APNM-Marine est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association professionnelle nationale des militaires de la marine nationale et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420649
Date de la décision : 22/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2019, n° 420649
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420649.20190522
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