La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2019 | FRANCE | N°403602

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 mai 2019, 403602


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de condamner le département de l'Essonne à leur verser la somme de 278 180 euros assortie des intérêts à compter de la date de réception de leur réclamation préalable du 9 mai 2012, en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en raison de la longueur excessive de la procédure d'expropriation pour la réalisation de la déviation de la route départementale n° 31 et en réparation du préjudice anormal et spécial causé par l'abandon de l'expropriation de leu

r terrain, d'autre part, d'annuler la décision du 18 juillet 2012 par laqu...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de condamner le département de l'Essonne à leur verser la somme de 278 180 euros assortie des intérêts à compter de la date de réception de leur réclamation préalable du 9 mai 2012, en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en raison de la longueur excessive de la procédure d'expropriation pour la réalisation de la déviation de la route départementale n° 31 et en réparation du préjudice anormal et spécial causé par l'abandon de l'expropriation de leur terrain, d'autre part, d'annuler la décision du 18 juillet 2012 par laquelle le département de l'Essonne a refusé de faire droit à leur demande d'indemnisation. Par un jugement n° 1205394 du 10 décembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15VE00301 du 19 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 septembre et 19 décembre 2016 et le 24 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du département de l'Essonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. et Mme B...et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du département de l'Essonne.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un projet du département de l'Essonne relatif à la réalisation d'une déviation de la route départementale 31, traversant le secteur d'Itteville où se situe la propriété de M. et MmeB..., a fait l'objet d'une enquête publique en novembre 1988. Ce projet, qui a donné lieu à un avis défavorable du commissaire-enquêteur, a été abandonné. Par une délibération du 18 novembre 1999, le conseil général de l'Essonne a ouvert une concertation et autorisé son président à demander l'ouverture d'une enquête publique sur un nouveau projet de déviation de la route départementale 31. Le ministre de la défense a été consulté en application des articles L. 5111-5 et L. 5111-6 du code de la défense, en raison de la proximité d'un centre de recherche de la société nationale des poudres et explosifs. Après deux avis défavorables en 2003 et 2004, qui ont conduit à une modification du fuseau du projet, le ministre de la défense a finalement émis un avis favorable en 2007. Par un arrêté du 18 décembre 2008, le préfet de l'Essonne a déclaré d'utilité publique, au bénéfice du département de l'Essonne, le projet de déviation ainsi modifié et a mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de la commune d'Itteville. Le fuseau retenu incluait partiellement la propriété des requérants, qui comporte deux parcelles, dont l'une supporte leur maison d'habitation. Toutefois, ces parcelles n'ont pas été incluses dans le périmètre de l'enquête parcellaire précédant l'arrêté de cessibilité. M. et MmeB..., qui n'ont donc pas été expropriés, ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le département de l'Essonne à leur verser une somme de 278 180 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de la longueur excessive de la procédure d'expropriation et du préjudice grave et spécial causé par l'abandon de l'expropriation de leur terrain. Le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 10 décembre 2014, rejeté leur demande. La cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 19 juillet 2016 contre lequel M. et Mme B...se pourvoient en cassation, rejeté leur appel contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors applicable : " I. L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête publique... ". Aux termes de l'article L. 11-5 du même code, alors en vigueur : " I. L'acte déclarant l'utilité publique doit intervenir au plus tard un an après la clôture de l'enquête préalable. Ce délai est majoré de six mois lorsque la déclaration d'utilité publique ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat. Passé l'un ou l'autre de ces délais, il y a lieu de procéder à une nouvelle enquête (...) ".

3. La juridiction administrative est compétente pour connaître de conclusions tendant à ce qu'une collectivité publique soit déclarée responsable des préjudices imputables à la phase administrative d'une procédure d'expropriation. Cette responsabilité peut être recherchée par les propriétaires concernés si la phase administrative a été anormalement longue, y compris si la collectivité publique renonce finalement à exproprier leur bien. Les intéressés peuvent obtenir réparation en cas de faute de la collectivité expropriante ou, en l'absence de faute, sur le terrain de l'égalité devant les charges publiques, lorsque le préjudice, en raison de son caractère grave et spécial, ne peut être regardé comme une charge leur incombant normalement.

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique citées au point 2 qu'une procédure d'enquête publique est caduque si elle n'est pas suivie de l'acte déclarant l'utilité publique dans les délais qu'elles prévoient. En jugeant que l'enquête publique réalisée en novembre 1988, qui concernait au demeurant un projet de déviation présentant des caractéristiques différentes, ne pouvait être regardée comme le début de la procédure ayant conduit, à la suite de la délibération du 18 novembre 1999 du conseil général de l'Essonne, à la déclaration d'utilité publique du 18 décembre 2008, la cour n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique.

5. En deuxième lieu, en jugeant que, eu égard à la complexité particulière de la procédure, résultant notamment de la nécessité d'obtenir du ministre de la défense un avis favorable sur le projet, qui a en l'espèce été délivré quatre ans après un premier avis négatif à la suite de plusieurs échanges ayant conduit à modifier le projet, la longueur de la phase administrative de la deuxième procédure d'expropriation ayant débuté en 1999 et s'étant achevée en 2010 n'avait pas été excessive, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point eu égard à la teneur de l'argumentation soulevée devant elle, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique.

6. En statuant ainsi qu'il a été dit au point précédent, la cour a implicitement mais nécessairement estimé que le département n'avait pas manqué de diligence dans ses discussions avec le ministre de la défense. Son arrêt est également exempt, à cet égard, d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en retenant, pour écarter l'existence d'un préjudice grave et spécial résultant de la renonciation du département à exproprier les requérants, que seule une partie de la parcelle, à l'exclusion de leur maison, était située dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique, qu'entre la déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité ils n'avaient pas été privés de la jouissance de leur bien, particulièrement de leur maison dont l'expropriation n'avait jamais été envisagée, et que, au demeurant, ils ne démontraient pas la réalité du projet de vente de leur maison.

8. En quatrième lieu, en se prononçant ainsi qu'il a été dit au point précédent, la cour a implicitement mais nécessairement jugé que la terrasse attenante à la maison d'habitation n'était pas incluse dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique. Son arrêt est donc exempt sur ce point d'insuffisance de motivation, eu égard à l'argumentation dont elle était saisie, et n'est pas entaché d'erreur de droit.

9. En cinquième et dernier lieu, la cour ayant jugé que la responsabilité du département de l'Essonne à raison de la procédure d'expropriation ne pouvait être engagée, le moyen tiré de ce que l'arrêt serait entaché d'une insuffisance de motivation faute d'indiquer pour quelles raisons les requérants n'avaient pas subi un préjudice moral doit être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge le versement au département de l'Essonne d'une somme au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Essonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...et Chantal B...et au département de l'Essonne.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 17 mai. 2019, n° 403602
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 17/05/2019
Date de l'import : 15/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 403602
Numéro NOR : CETATEXT000038486931 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-05-17;403602 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award