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07/05/2019 | FRANCE | N°430312

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 mai 2019, 430312


Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le préfet de police a prononcé sa reconduite à la frontière et fixé le Libéria comme pays de destination et, en second lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2019 par lequel le préfet de police l'a placé en rétention administrative. Par une ordonnance n° 1908473/9 du 25 avril 2019, le

juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

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Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le préfet de police a prononcé sa reconduite à la frontière et fixé le Libéria comme pays de destination et, en second lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2019 par lequel le préfet de police l'a placé en rétention administrative. Par une ordonnance n° 1908473/9 du 25 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) à titre principal, de suspendre l'exécution, d'une part, de l'arrêté préfectoral du 18 avril 2019 le plaçant en rétention, d'autre part, de l'arrêté préfectoral du 19 avril 2019 fixant le pays de renvoi ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer son assignation à résidence ;

4°) à titre plus subsidiaire, d'ordonner qu'il soit statué sur la demande de M. A... d'assignation à résidence du 29 avril 2019 dans les plus brefs délais ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie, dans la mesure où son éloignement peut intervenir à tout moment ;

- s'agissant de l'arrêté du 19 avril 2019, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A..., en retenant qu'il a perdu la qualité de réfugié, quand seule l'attestation émise par le Haut Commissariat des Nations Unies avait expiré ;

- la peine d'interdiction définitive de territoire prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 décembre 2013 est prescrite ;

- ces illégalités portent une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la vie privée et familiale, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- s'agissant de l'arrêté du 18 avril 2019, si le juge des libertés et de la détention est compétent pour connaître de la régularité d'une décision de placement en rétention, le juge administratif demeure compétent pour se prononcer sur sa légalité ;

- la personne faisant l'objet d'une interdiction de territoire doit pouvoir obtenir d'être assignée à résidence, et non en rétention, afin de pouvoir présenter une demande de relèvement de cette sanction ;

- son placement en rétention, en lieu et place d'une assignation à résidence, porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la vie privée et familiale, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de ses enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de l'Organisation de l'Unité africaine du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 6 mai 2019 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Rameix-Seguin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- les représentantes du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. M. B...A..., né en 1978 au Libéria, est entré en France en 2001 où il réside depuis lors. Par un arrêt du 18 décembre 2013, devenu définitif, la cour d'appel de Paris l'a condamné pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé la peine d'emprisonnement de deux ans prononcée par le tribunal de grande instance de Meaux et prononcé à son encontre une interdiction définitive du territoire français. Interpellé le 17 avril 2019 par les forces de police, M. A...a été placé en rétention administrative en exécution d'un arrêté du préfet de police du 18 avril 2019 et, par un arrêté du 19 avril 2019, le préfet de police a décidé qu'il serait reconduit à destination du Libéria, pays dont il a la nationalité. M. A... fait appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 25 avril 2019 ayant rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de ces deux arrêtés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 avril 2019 plaçant M. A... en rétention administrative :

3. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par une ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas au juge administratif, y compris s'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de connaître de conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de M. A... contre la décision de placement en rétention dont celui-ci fait l'objet comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 avril 2019 prononçant la reconduite de M. A... à la frontière et fixant le Liberia comme pays de destination :

4. D'une part, par son arrêt du 18 décembre 2013, la cour d'appel de Paris a prononcé à l'encontre de M. A...une peine d'interdiction définitive du territoire français, mesure qui n'est pas prescrite contrairement à ce que soutient le requérant et dont le préfet de police s'est borné à assurer l'exécution par l'arrêté en cause. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation, de ce qu'il aurait été porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à mener une vie familiale normale et à l'intérêt supérieur de ses cinq enfants résidant en France, dont deux sont Français, ne peuvent être utilement invoqués devant le juge administratif à l'appui des conclusions de sa requête tendant à ce que soit suspendu l'exécution de la mesure d'éloignement prise par le préfet de police en exécution de la mesure d'interdiction du territoire prise par le juge judiciaire.

5. D'autre part, s'il résulte de l'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d'une interdiction du territoire que si le ressortissant étranger réside hors de France, l'article L. 561-1 du même code prévoit que l'étranger faisant l'objet d'une telle interdiction peut demander à être assigné à résidence en France pour pouvoir y présenter sa demande de relèvement lorsqu'il justifie soit qu'il se trouve dans l'impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français, soit que sa vie ou sa liberté sont menacés dans le pays de destination qui lui est assigné ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En l'espèce, M.A..., qui ne soutient pas être dans l'impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français, ne fait pas état de risque de se voir exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des risques sur sa vie ou sa liberté ni à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si M. A...se prévaut d'un courrier daté du 3 juin 1997 de la délégation du Haut commissariat aux réfugiés au Mali attestant qu'il s'est vu reconnaître le statut de réfugié par les autorités maliennes et le Haut commissariat aux réfugiés sur le fondement du 2 de l'article 1er de la convention de l'Organisation de l'Unité africaine du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique, il ressort, en tout état de cause, de ce document que l'attestation invoquée n'était valable que jusqu'au 3 septembre 1997. Par ailleurs, il est constant que M. A...a retiré en 2004 la demande d'octroi du statut de réfugié qu'il avait déposée en 2001 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Enfin, M. A...ne fait état d'aucun élément, ni relatif à sa situation personnelle ni même à la situation générale prévalant actuellement au Libéria, de nature à justifier qu'il soit assigné à résidence en France en application de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste en décidant de le placer en rétention plutôt que l'assigner à résidence doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'il attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés du préfet de police des 18 et 19 avril 2019 le plaçant en rétention administrative et fixant son pays de destination. Il y a lieu, dès lors, de rejeter sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 430312
Date de la décision : 07/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2019, n° 430312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:430312.20190507
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