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24/04/2019 | FRANCE | N°418912

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 24 avril 2019, 418912


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Corsica Ferries France a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. Par un jugement n° 1400705 du 25 août 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA03961 du 25 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Corsica

Ferries France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complément...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Corsica Ferries France a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. Par un jugement n° 1400705 du 25 août 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA03961 du 25 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Corsica Ferries France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 mars et 15 mai 2018 et le 8 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Corsica Ferries France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 92/111/CEE du 14 décembre 1992 ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le règlement (CEE) n° 4055/86 du 22 décembre 1986 ;

- le code général des impôts, son annexe III et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Corsica Ferries France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 avril 2019, présentée par la société Corsica Ferries France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à la société Corsica Ferries France des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 résultant de l'assujettissement, d'une part, des prestations de transport de fret entre la Corse et l'Italie et, d'autre part, des prestations de restauration fournies aux passagers effectuant la liaison entre la France continentale et la Corse. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 janvier 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre le jugement du 25 août 2016 rejetant sa demande en décharge des rappels de TVA et des pénalités correspondantes.

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article R.* 256-6 du livre des procédures fiscales : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître (...), de l' "ampliation" prévue à l'article R.* 256-3. / (...) La notification de l'avis de mise en recouvrement peut également être effectuée par le ministère d'un huissier. Elle est alors soumise aux règles de signification des actes d'huissier. " Aux termes de l'article R.* 256-7 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié: / a) Dans le cas où l' "ampliation" a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ; b) Lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation. "

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a notifié à la société Corsica Ferries France l'avis de mise en recouvrement des rappels de taxe en litige par signification d'huissier, le 12 décembre 2013. Si la société avait été rendue auparavant destinataire, par un courrier électronique de l'administration en date du 10 décembre 2013, d'une version de cet avis comportant des mentions incomplètes, il résulte des dispositions citées au point 2 que cet envoi opéré par voie électronique ne pouvait valoir notification de l'avis de mise en recouvrement. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cet envoi était resté sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur les motifs de l'arrêt relatifs au bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la TVA correspondant aux prestations de transport de fret entre la Corse et l'Italie :

4. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " Aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : / (...) 3° Les prestations de transports intracommunautaires de biens meubles corporels ainsi que les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui et interviennent dans la fourniture de ces prestations : / a) Lorsque le lieu de départ se trouve en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a mis à la charge de la société Corsica Ferries France des rappels de TVA au titre de ses prestations de transport de fret entre la France et l'Italie au motif que la société s'était abstenue de recueillir les numéros d'identification à la TVA de ses clients en méconnaissance des dispositions du a du 3° de l'article 259 A du code général des impôts précité. Pour contester le bien-fondé des rappels devant la cour, la société requérante s'est bornée à affirmer que le respect de cette obligation légale se traduisait par des difficultés matérielles excessives compte tenu des délais d'embarquement, sans remettre en cause la compatibilité de la loi interne avec le droit de l'Union européenne ni établir la qualité d'assujetti des preneurs des prestations de fret en litige par d'autres moyens que la collecte de leurs numéros d'identification à la TVA. En jugeant que la société ne pouvait invoquer, pour se soustraire à ses obligations fiscales, les difficultés pratiques de collecter les informations utiles auprès des chauffeurs routiers, la cour a écarté comme inopérante l'argumentation de la société selon laquelle ces difficultés étaient disproportionnées eu égard à l'objectif poursuivi de neutralité de la taxe. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. La société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la cour aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que l'assujettissement à la TVA des prestations de fret entre la Corse et l'Italie constituerait une discrimination prohibée par le règlement (CEE) n° 4055/86 du 22 décembre 1986 portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre Etats membres et entre Etats membres et pays tiers, que la cour a, en tout état de cause, implicitement mais nécessairement écarté en jugeant que la discrimination invoquée par la société requérante n'était que la conséquence, imputable à la seule société, de l'absence d'identification à la TVA des preneurs de ces prestations.

En ce qui concerne la TVA correspondant aux prestations de restauration à bord :

7. Aux termes du II de l'article 262 du code général des impôts : " II. - Sont également exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7° Les prestations de services effectuées pour les besoins directs des bateaux ou des aéronefs désignés aux 2° et 4° et de leur cargaison. " Les articles 73 B à 73 E de l'annexe III au code général des impôts précisent la nature des prestations mentionnées à cet alinéa.

8. En jugeant que les services de restauration à bord ne pouvaient être qualifiés de prestations accessoires au sens du 7° du II de l'article 262 du code général des impôts au motif qu'ils n'étaient pas au nombre des prestations limitativement énumérées aux articles 73 B à 73 E de l'annexe III au même code, alors que ces dispositions réglementaires ne pouvaient être regardées comme restreignant le champ de l'exonération défini par la loi, la cour a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur le bien-fondé des rappels de TVA correspondant aux prestations de restauration à bord et en tant qu'il statue sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette partie de l'arrêt.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et dans la mesure de la cassation prononcée au point 9 ci-dessus.

Sur le règlement au fond :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'envoi, par courrier électronique en date du 10 décembre 2013, d'une version incomplète de l'avis de mise en recouvrement est resté sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

En ce qui concerne la prescription :

12. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. "

13. Il résulte de l'instruction que l'administration a notifié à la société Corsica Ferries France une première proposition de rectification en date du 10 octobre 2010, par laquelle elle l'a informée des motifs de fait et de droit à l'origine des rappels de TVA envisagés. Cette proposition de rectification, qui était suffisamment motivée, a interrompu la prescription conformément aux dispositions précitées de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales. La circonstance que l'administration ait notifié le 23 mars 2011 une nouvelle proposition de rectification annulant et remplaçant la précédente n'a pas remis en cause l'effet interruptif de la prescription attaché à la première notification. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le rappel de TVA restant en litige aurait été prescrit.

En ce qui concerne l'assujettissement à la TVA des prestations de restauration à bord :

14. En premier lieu, la société Corsica Ferries France soutient que les prestations de restauration à bord devaient, en tant que prestations accessoires, bénéficier du régime d'exonération prévu, en application du 11° du II de l'article 262 du code général des impôts, pour " les transports entre la France continentale et les départements de la Corse pour la partie du trajet située en dehors du territoire continental ".

15. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

16. Il résulte de l'instruction que la société Corsica Ferries France met à disposition des passagers de ses navires différents services de restauration, dont le coût n'est jamais compris dans le prix de la prestation de transport mais fait l'objet d'une facturation distincte à raison des choix de chaque client parmi les offres proposées. De plus, les passagers, qui ne sont pas soumis à une obligation d'achat de ces services et sont autorisés à consommer les vivres qu'ils emportent à bord, peuvent sans difficulté, compte tenu de la durée des trajets entre le continent et la Corse, se dispenser de recourir à des services de restauration, qui doivent être regardés comme destinés seulement à agrémenter leur voyage. Dès lors, il résulte des règles énoncées au point 15 ci-dessus que les prestations de restauration à bord, qui constituaient pour les clients une fin en soi, ne pouvaient en l'espèce être regardées comme des prestations accessoires susceptibles de bénéficier du régime d'exonération applicable aux transports de passagers entre la France continentale et la Corse en application du 11° du II de l'article 262 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis les prestations de restauration à bord à la taxe sur la valeur ajoutée.

17. En deuxième lieu, la société Corsica Ferries France n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait pris lors d'un précédent contrôle une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, en se prévalant d'un extrait d'une précédente notification de redressement en date du 18 décembre 1998 et de la réponse aux observations du contribuable du 19 janvier 2011 qui s'y réfère, dès lors que cet extrait ne porte, en tout état de cause, d'appréciation que sur l'application du d du I de l'article 258 du code général des impôts relatif au lieu de livraison de biens meubles corporels au cours d'un transport dont le lieu d'arrivée est situé sur le territoire d'un autre Etat membre et sur la directive 92/111/CEE du 14 décembre 1992 modifiant la sixième directive, qui n'était plus applicable au litige.

18. En troisième lieu, la société n'est pas fondée à soutenir que les rappels de TVA litigieux caractériseraient une distorsion de concurrence et une discrimination prohibées par le droit de l'Union européenne en se bornant à affirmer que l'Italie appliquerait un régime d'exonération aux services de restauration à bord.

19. En quatrième et dernier lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle serait contrainte, pour s'acquitter des rappels de TVA, de procéder à un prélèvement sur ses fonds propres faute d'avoir recouvré cette imposition auprès de ses clients.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Corsica Ferries France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande en décharge des rappels de TVA correspondant aux prestations de restauration à bord.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Marseille du 25 janvier 2018 est annulé en tant qu'il statue sur les rappels de TVA correspondant aux prestations de restauration à bord.

Article 2 : Les conclusions d'appel de la société Corsica Ferries France portant sur les rappels de TVA correspondant aux prestations de restauration à bord ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour administrative d'appel de Marseille sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Corsica Ferries France est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Corsica Ferries France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418912
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - FISCALITÉ - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PRESTATIONS DE SERVICES - IDENTIFICATION DES PRESTATIONS [RJ1] - 1) CRITÈRES DÉFINIS PAR LA CJUE POUR SAVOIR SI UNE OPÉRATION ÉCONOMIQUE ASSUJETTIE À LA TVA CONSTITUE UNE SEULE PRESTATION OU PEUT ÊTRE DIVISÉE EN PRESTATIONS DISTINCTES [RJ2] - 2) APPLICATION - PRESTATIONS DE RESTAURATION FOURNIES AUX PASSAGERS EFFECTUANT LA LIAISON ENTRE LA FRANCE CONTINENTALE ET LA CORSE - PRESTATIONS ACCESSOIRES DE LA PRESTATION DE TRANSPORT - ABSENCE.

15-05-11-01 1) Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.,,,2) Société mettant à disposition des passagers de ses navires différents services de restauration, dont le coût n'est jamais compris dans le prix de la prestation de transport mais fait l'objet d'une facturation distincte à raison des choix de chaque client parmi les offres proposées. De plus, les passagers, qui ne sont pas soumis à une obligation d'achat de ces services et sont autorisés à consommer les vivres qu'ils emportent à bord, peuvent sans difficulté, compte tenu de la durée des trajets entre le continent et la Corse, se dispenser de recourir à des services de restauration, qui doivent être regardés comme destinés seulement à agrémenter leur voyage. Dès lors, les prestations de restauration à bord, qui constituent pour les clients une fin en soi, ne peuvent en l'espèce être regardées comme des prestations accessoires susceptibles de bénéficier du régime d'exonération applicable aux transports de passagers entre la France continentale et la Corse en application du 11° du II de l'article 262 du code général des impôts (CGI). Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis les prestations de restauration à bord à la TVA.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PERSONNES ET OPÉRATIONS TAXABLES - OPÉRATIONS TAXABLES - PRESTATIONS DE SERVICES - IDENTIFICATION DES PRESTATIONS [RJ1] - 1) CRITÈRES DÉFINIS PAR LA CJUE POUR SAVOIR SI UNE OPÉRATION ÉCONOMIQUE ASSUJETTIE À LA TVA CONSTITUE UNE SEULE PRESTATION OU PEUT ÊTRE DIVISÉE EN PRESTATIONS DISTINCTES [RJ2] - 2) APPLICATION - PRESTATIONS DE RESTAURATION FOURNIES AUX PASSAGERS EFFECTUANT LA LIAISON ENTRE LA FRANCE CONTINENTALE ET LA CORSE - PRESTATIONS ACCESSOIRES DE LA PRESTATION DE TRANSPORT - ABSENCE.

19-06-02-01-01 1) Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.,,,2) Société mettant à disposition des passagers de ses navires différents services de restauration, dont le coût n'est jamais compris dans le prix de la prestation de transport mais fait l'objet d'une facturation distincte à raison des choix de chaque client parmi les offres proposées. De plus, les passagers, qui ne sont pas soumis à une obligation d'achat de ces services et sont autorisés à consommer les vivres qu'ils emportent à bord, peuvent sans difficulté, compte tenu de la durée des trajets entre le continent et la Corse, se dispenser de recourir à des services de restauration, qui doivent être regardés comme destinés seulement à agrémenter leur voyage. Dès lors, les prestations de restauration à bord, qui constituent pour les clients une fin en soi, ne peuvent en l'espèce être regardées comme des prestations accessoires susceptibles de bénéficier du régime d'exonération applicable aux transports de passagers entre la France continentale et la Corse en application du 11° du II de l'article 262 du code général des impôts (CGI). Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis les prestations de restauration à bord à la TVA.


Références :

[RJ1]

Cf., décision du même jour, CE, Société Xerox et autre, n°s 411007 411013, à mentionner aux Tables., ,

[RJ2]

Rappr., sous l'empire de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, CE, 24 juin 2015, Société Center Parcs Resorts France, n° 365849, T. pp. 586-658.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2019, n° 418912
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP GOUZ-FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418912.20190424
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