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24/04/2019 | FRANCE | N°414584

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 24 avril 2019, 414584


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) la décision du 2 juin 2008 par laquelle le maire de Cran-Gevrier l'a placée en congé de maladie ordinaire et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

2°) les décisions du 18 juillet 2008 et du 12 mars 2010 par lesquelles le maire de cette commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

3°) les décisions des 9 juillet 2009 et 14 décembre 2009 par lesquelles le maire de cette c

ommune l'a placée en disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter, respectivem...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) la décision du 2 juin 2008 par laquelle le maire de Cran-Gevrier l'a placée en congé de maladie ordinaire et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

2°) les décisions du 18 juillet 2008 et du 12 mars 2010 par lesquelles le maire de cette commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

3°) les décisions des 9 juillet 2009 et 14 décembre 2009 par lesquelles le maire de cette commune l'a placée en disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter, respectivement, des 1er et 2 juin 2009.

Par un jugement n° 0900179-0900181-0904374-1000709-1003957 du 25 janvier 2011, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à ces demandes.

Par décision n° 347929 du 22 janvier 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les articles 2 à 5 de ce jugement et a renvoyé dans cette mesure le jugement de l'affaire au tribunal administratif de Grenoble.

Par un jugement n° 1303484, 1303514, 1303516 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions du 2 juin 2008, du 18 juillet 2008 et du 12 mars 2010 refusant de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie, en tant qu'elles portaient sur la période antérieure au 21 février 2013, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Par un arrêt n° 16LY00902 du 25 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de MmeA..., annulé l'article 2 de ce jugement ainsi que les décisions des 2 juin 2008, du 18 juillet 2008, du 12 mars 2010 en tant qu'elles refusent de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A...pour la période postérieure au 21 février 2013.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Annecy demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A...;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents publics de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la commune d'Annecy et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., assistant qualifié de conservation du patrimoine et des bibliothèques de première classe employée au sein de la bibliothèque de la commune de Cran-Gevrier, a été placée en congé de maladie du 23 janvier 2006 au 1er juin 2009, puis mise en disponibilité d'office à compter du 2 juin 2009. La commune nouvelle d'Annecy, venant aux droits de la commune de Cran-Gevrier, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2016 qui a rejeté, après annulation d'un premier jugement et renvoi de l'affaire par décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 22 janvier 2013, la demande de Mme A... tendant à l'annulation des décisions du maire de la commune de Cran-Gevrier du 2 juin 2008 la plaçant en congé de maladie ordinaire et refusant implicitement de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, du 18 juillet 2008 refusant expressément cette imputabilité et du 12 mars 2010 refusant à nouveau de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie, en tant que ces décisions concernent la période postérieure au 21 février 2013.

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite (...) ".

3. La cour administrative d'appel de Lyon a jugé qu'il ressortait des pièces du dossier et, en particulier, de quatre certificats médicaux établis les 20 novembre 2006, 26 décembre 2006, 15 juin 2007, 28 décembre 2008, d'une attestation du 29 mars 2007 et d'une expertise psychiatrique réalisée le 24 janvier 2012 que Mme A..., souffrait, depuis le 4 octobre 2005, d'un état dépressif qui, s'il ne pouvait être regardé comme exclusivement imputable au service, présentait un lien suffisamment direct avec l'exercice de ses fonctions du fait, notamment des difficultés relationnelles qu'elle avait rencontrées avec la directrice et le directeur-adjoint de la bibliothèque au sein de laquelle elle était affectée, en raison de leur comportement à son égard.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond que les certificats médicaux des 20 novembre 2006, 26 décembre 2006 et 24 janvier 2012 ne se prononcent pas sur l'imputabilité au service de la maladie de MmeA.... Si le certificat médical établi le 28 décembre 2008 admet qu'une souffrance au travail a provoqué un syndrome anxio-dépressif, celui du 15 juin 2007 conclut, en dépit du caractère réactionnel de cette pathologie, qu'elle n'est pas imputable au service. De même, un certificat médical établi le 3 novembre 2009 estime, à l'instar des quatre avis successifs de la commission de réforme émis les 6 septembre 2006, 4 juillet 2007 et 9 janvier 2008 et 3 mars 2010, que les troubles présentés par l'intéressée ne sont pas imputables au service et ne constituent pas une maladie professionnelle. En outre, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a été placée sous l'autorité du directeur adjoint des bibliothèques de la commune à compter du 5 juillet 2005, du fait des importantes difficultés que connaissait le personnel de ce service sous la conduite de l'intéressée. Il ressort de ces même pièces que Mme A..., qui est décrite comme rétive à la hiérarchie et comme ayant proféré des insultes et des menaces à l'encontre de ses supérieurs, n'est pas étrangère aux difficultés relationnelles qu'elle a connues dans son milieu professionnel, si bien que tant le directeur adjoint que la directrice des bibliothèques de la commune, qui ont vainement tenté d'intégrer l'intéressée au sein des équipes placées sous leur autorité, ont tous deux demandé à être déchargés de leurs responsabilités à son égard en janvier 2006, estimant qu'ils n'avaient plus les moyens de les exercer. Par suite, en estimant, pour juger que Mme A...était en droit de prétendre au bénéfice des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, que l'affection dont elle souffrait pouvait être regardée comme présentant un lien direct avec un événement survenu dans le cadre du service, la cour a entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique des faits. Par suite, la commune d'Annecy est, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

6. En premier lieu, d'une part, l'arrêté du 2 juin 2008 comporte la mention des considérations de droit et de fait sur la base desquelles le maire de la commune de Cran-Gevrier a décidé de placer Mme A...en congé de maladie ordinaire. D'autre part, par ses décisions des 18 juillet 2008 et 12 mars 2010 rejetant la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection dont souffrait MmeA..., le maire de cette commune a indiqué faire siens les avis et motifs de la commission de réforme, qui, notifiés à l'intéressée en même temps que ces décisions, concluaient, respectivement, que sa pathologie n'était pas directement imputable au service et ne répondait pas aux critères de reconnaissance des maladies professionnelles, et qu'aucun élément médico-légal ne permettait d'affirmer qu'il aurait existé une quelconque relation directe et certaine entre les troubles présentés et l'environnement professionnel. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, la seule circonstance que le maire de la commune s'est approprié les avis de la commission de réforme n'implique pas qu'il se serait estimé tenu d'en reprendre le sens, méconnaissant ainsi sa propre compétence.

8. En troisième lieu, l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents publics de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière prévoit que la commission de réforme comprend, notamment, deux praticiens de médecine générale auxquels est adjoint, s'il y a lieu, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes. Dès lors qu'il ne résulte pas des éléments du dossier que les troubles anxio-depressifs dont souffrait Mme A...requéraient nécessairement, pour l'examen de l'imputabilité au service de sa pathologie, le concours d'un médecin psychiatre afin d'éclairer la commission de réforme, la circonstance que cette commission ait siégé les 6 septembre 2006, 4 juillet 2007 et 9 janvier 2008 sans la présence d'un tel médecin spécialiste est sans incidence sur la régularité des décisions attaquées. En outre, contrairement à ce que soutient MmeA..., la commission de réforme a siégé le 3 mars 2010 en présence d'un médecin psychiatre. Par ailleurs, si Mme A... soutient qu'un seul représentant du personnel aurait siégé lors des séances de la commission de réforme des 6 septembre 2006 et 4 juillet 2007, alors que l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 prévoit la présence de deux de ces représentants, cette circonstance n'a, en l'espèce, ni exercé une influence sur la décision prise, ni privé Mme A...d'une garantie à laquelle elle avait droit dès lors que la commission a, lors de chacune de ces séances, adopté à l'unanimité un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Ainsi, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que les avis formulés par cette instance l'auraient été à l'issue d'une procédure irrégulière.

9. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le maire de la commune de Cran-Gevrier n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre MmeA....

10. Enfin, Mme A...ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de son recours, de l'illégalité d'arrêtés postérieurs aux décisions attaquées la reclassant dans un nouvel emploi ou la radiant des cadres.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Annecy qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juin 2017 est annulé.

Article 2 : La requête de Mme A...présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A...et de la commune d'Annecy présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Annecy et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 414584
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2019, n° 414584
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414584.20190424
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