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19/04/2019 | FRANCE | N°429111

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 avril 2019, 429111


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 15 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 678 du 17 janvier 2019 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer tout acte chirurgical, tout acte obstétrical et tout acte d'échographie pe

ndant une durée d'un an ;

2°) de mettre à la charge du conseil national de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 15 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 678 du 17 janvier 2019 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer tout acte chirurgical, tout acte obstétrical et tout acte d'échographie pendant une durée d'un an ;

2°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision attaquée, d'une part, préjudicie gravement et de façon immédiate à sa situation financière en ce qu'elle le place dans l'impossibilité de faire face à ses frais personnels et professionnels et, d'autre part, conduit à la perte irréversible de la majeure partie de sa clientèle ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée a été prise sur le fondement d'une expertise irrégulière en ce que celle-ci a notamment consisté en un interrogatoire sur les plaintes et doléances émanant de cinq patientes alors qu'elle devait exclusivement porter sur l'évaluation des connaissances théoriques et pratiques du médecin ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le conseil national de l'ordre des médecins s'est fondé sur l'insuffisante maîtrise de la langue française, alors qu'il s'agit d'un motif impropre à caractériser une insuffisance professionnelle au sens des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le conseil national de l'ordre des médecins a retenu une maîtrise imparfaite de son art médical alors que l'approximation de ses réponses résultait de sa maîtrise imparfaite de la conversation en français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le conseil national de l'ordre des médecins a retenu à son encontre une insuffisance professionnelle alors qu'il dispose de l'ensemble des connaissances théoriques et pratiques requises pour l'exercice de la profession de gynécologue-obstétricien ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle prononce à son encontre une suspension du droit d'exercer des actes chirurgicaux, obstétricaux et d'échographie pour une durée d'un an, alors que les formations qu'elle met à sa charge ne requièrent pas une telle durée pour être achevées ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle a prononcé une mesure de suspension portant sur l'exercice d'actes d'échographie, sans relever aucune insuffisance professionnelle à son encontre sur ce point.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2019, le conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête. Il soutient, d'une part, que la condition d'urgence n'est pas remplie, d'autre part, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le représentant du conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 16 avril 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. A... ;

- M.A... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;

- la représentante du conseil national de l'ordre des médecins ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., gynécologue-obstétricien exerçant à Narbonne, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 17 janvier 2019 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer tout acte chirurgical, tout acte obstétrical et tout acte d'échographie, et a limité son activité à des consultations de gynécologie médicale, pendant une durée d'un an, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique relatives aux cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession. Le conseil a subordonné la reprise de l'ensemble de l'activité du requérant à la justification du suivi des trois formations prescrites par la décision.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I. - En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. (...) / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts (...) / IV. - Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien (...) Le rapport d'expertise (...) indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. / (...) VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié (...) avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision (...) ".

4. En premier lieu, la circonstance que les experts ont interrogé M. A...sur sa manière de traiter le cas de cinq patientes ne paraît pas de nature à avoir entaché la décision attaquée d'un vice de procédure.

5. En deuxième lieu, eu égard à l'importance pour un médecin d'être en mesure de délivrer des informations claires et aisément compréhensibles par les patients et par le personnel médical, le moyen tiré de ce que le conseil national de l'ordre aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en prenant en compte les difficultés d'expression du requérant ne paraît pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

6. En troisième lieu, eu égard à l'absence ou à l'imprécision des réponses de M. A...aux questions posées par les experts, que les difficultés de maîtrise de la langue française de l'intéressé ne peuvent suffire à justifier, à l'appréciation unanime des experts dans leurs conclusions et compte tenu, au surplus, du fait que plusieurs patientes ont porté plainte contre le requérant devant le conseil régional de l'ordre, dont la chambre disciplinaire a d'ailleurs infligé le 15 janvier 2010 un avertissement à M.A..., le moyen tiré de ce que le conseil national de l'ordre aurait commis une erreur d'appréciation en retenant une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession ne paraît pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

7. Enfin, compte tenu des insuffisances professionnelles relevées par les experts et au regard des arguments soulevés tant dans les mémoires des parties qu'au cours de l'audience, les moyens tirés de ce que le conseil national de l'ordre aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en exigeant que le requérant obtienne notamment un diplôme inter-universitaire (DIU) d'échographie gynécologique et obstétricale et en estimant qu'une durée d'un an était justifiée par les délais d'inscription et de suivi liés à cette formation ne paraissent pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de M. A...doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 429111
Date de la décision : 19/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2019, n° 429111
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:429111.20190419
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