La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2019 | FRANCE | N°418211

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 mars 2019, 418211


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation pour excès de pouvoir des deux arrêtés du 29 avril 2016 par lesquels la préfète de l'Essonne a décidé sa remise aux autorités hongroises et l'a placé en rétention administrative. Par un jugement n° 1603200 du 2 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°16VE02082 du 24 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la préfète de l'Essonne, annul

ce jugement et rejeté les conclusions dirigées contre les deux arrêtés.

Par un...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation pour excès de pouvoir des deux arrêtés du 29 avril 2016 par lesquels la préfète de l'Essonne a décidé sa remise aux autorités hongroises et l'a placé en rétention administrative. Par un jugement n° 1603200 du 2 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°16VE02082 du 24 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la préfète de l'Essonne, annulé ce jugement et rejeté les conclusions dirigées contre les deux arrêtés.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 15 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de M. A...B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, a sollicité, le 30 octobre 2015, l'admission au séjour au titre de l'asile. Par deux arrêtés du 29 avril 2016, la préfète de l'Essonne a, d'une part, décidé, sur le fondement de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013, la remise de l'intéressé aux autorités hongroises, et, d'autre part, ordonné son placement en rétention administrative. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt n°16VE02082 du 24 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles qui a annulé le jugement n° 1603200 du 2 mai 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux arrêtés.

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il statue sur l'arrêté du 29 avril 2016 décidant la remise aux autorités hongroises :

2. Il ressort des pièces produites par le ministre de l'intérieur devant le Conseil d'Etat que, le 16 novembre 2017, la demande d'asile formulée par M. B...a été enregistrée selon la procédure normale par les autorités françaises. Cette décision par laquelle la France reconnaît sa responsabilité dans l'examen de la demande d'asile de M. B...a eu pour effet de mettre fin à l'arrêté litigieux qui n'avait auparavant reçu aucune exécution.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du pourvoi de M. B...qui étaient dépourvues d'objet à la date de sa présentation, doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il statue sur l'arrêté du 29 avril 2016 décidant le placement en rétention administrative :

4. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 551-1 et du 1° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut placer en rétention administrative l'étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code après l'intervention de la décision de transfert et dans le seul cas où il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1.

5. Or la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C-528/15), que : " L'article 2, sous n), et l'article 28, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lus conjointement, doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent aux États membres de fixer, dans une disposition contraignante de portée générale, les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert. L'absence d'une telle disposition entraîne l'inapplicabilité de l'article 28, paragraphe 2, de ce règlement ".

6. Dès lors que les cas retenus par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour caractériser un risque de fuite ne sauraient être regardés, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation dans son arrêt n° 17-15.160 du 27 septembre 2017, comme valant définition des raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert, le placement en rétention administrative d'un demandeur d'asile pour lequel a été engagée une procédure aux fins de remise, n'était pas, en l'état du droit applicable à la date de l'arrêté litigieux, légalement possible au regard des exigences attachées au respect du règlement " Dublin III ", tel qu'interprété par la Cour de justice. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la préfète de l'Essonne avait pu légalement ordonner le placement en rétention administrative de M. B...sur le fondement de ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède que M.B..., qui a intérêt à agir, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur l'arrêté du 29 avril 2016 décidant son placement en rétention administrative.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros à verser à Me Occhipinti, avovat de M.B..., au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 octobre 2017 est annulé en tant qu'il statue sur l'arrêté du 29 avril 2016 décidant le placement en rétention administrative de M.B....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à Me Occhipinti, avovat de M.B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 2000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 29 mar. 2019, n° 418211
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard Senghor
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : OCCHIPINTI

Origine de la décision
Formation : 10ème chambre
Date de la décision : 29/03/2019
Date de l'import : 02/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 418211
Numéro NOR : CETATEXT000038318009 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-03-29;418211 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award