Vu la procédure suivante :
Mme C...A..., représentée par ses co-tutrices, Mme B...A...et Mme D...A...-E... ainsi que Mme B...A..., agissant en son nom propre, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines ", géré par l'association départementale des infirmes moteurs et cérébraux d'Ille-et-Vilaine (ADIMC 35), d'accueillir Mme C...A...à temps complet, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1900601 du 8 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Par une requête, enregistrée le 23 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C...A..., représentée par ses co-tutrices, et Mme B...A..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de condamner l'association départementale des infirmes moteurs et cérébraux d'Ille-et-Vilaine à verser à Mme C...A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, compte tenu de l'état de santé précaire de Mme B...A...et de la souffrance psychique de Mme C...A... ;
- le refus d'admettre à titre permanent Mme C...A...dans le foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines " porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme C...A...de recevoir une prise en charge adaptée aux besoins et aux difficultés entraînés par son handicap et au droit de Mme B...A...de mener une vie privée et familiale normale de même qu'à son " droit à la vie, à la sécurité et à la santé " ;
- le refus d'admission de Mme C...A...dans le foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines " a été prononcé en méconnaissance de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles.
Par deux mémoires en défense, enregistré les 13 et 14 mars 2019, l'association des infirmes moteurs cérébraux d'Ille-et-Vilaine (ADIMC 35) conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C...A...la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit seulement enjoint d'inscrire Mme C...A... " sur la liste des priorités départementales, à traiter avec la MDPH 35 et les partenaires gestionnaires d'établissements adaptés aux besoins ". Elle soutient qu'aucune des conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est remplie.
La requête a été communiquée à la maison départementale des personnes handicapées d'Ille-et-Vilaine et à la ministre des solidarités et de la santé qui n'ont pas présenté d'observations.
En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la décision du juge des référés du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du présent litige qui oppose une personne privée à une personne morale de droit privé dont la mission ne revêt pas le caractère d'un service public.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 14 mars 2019, Mme C...A...et Mme B...A...persistent dans leurs précédentes écritures, en faisant valoir que la juridiction administrative est compétente pour connaître du présent litige.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme C... A..., ses co-tutrices Mme B...A...et Mme D...
A...-E... ainsi qu'en tant qu'elle agit en son nom personnel, Mme B...A..., d'autre part, l'association départementale des infirmes moteurs cérébraux d'Ille-et-Vilaine, le Foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines ", la maison départementale des personnes handicapées d'Ille-et-Vilaine ainsi que la ministre des solidarités et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 15 mars 2019 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, représentant de Mme C...A...et de Mme B...A...;
- les représentants de Mme C...A...et de Mme B...A... ;
- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, représentant l'association des infirmes moteurs cérébraux d'Ille-et-Vilaine ;
- les représentants de l'association des infirmes moteurs cérébraux
d'Ille-et-Vilaine ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au lundi 18 mars 2019 à 12 heures.
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 mars 2019, présenté par
Mme C...A...et Mme B...A..., par lequel elles persistent dans leurs précédentes écritures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 mars 2019, avant la clôture de l'instruction, présenté par l'association des infirmes moteurs cérébraux d'Ille-et-Vilaine, par lequel elle persiste dans ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;
- la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A..., adulte handicapée qui réside à
Saint-Anne-sur-Vilaine chez sa mère, Mme B...A..., laquelle est née en 1937, bénéficie d'un accueil de jour régulier dans le service d'accueil de jour " Pass'R'aile ", situé à Piriac, ainsi que d'un accueil de nuit, une fois par semaine, dans le foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines ", également situé à Piriac. En 2011, pour la période 2011-2016, puis en 2016, pour la période 2016-2021, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'Ille-et-Vilaine a décidé son orientation à titre permanent vers une maison d'accueil spécialisé ou un foyer d'accueil médicalisé, sans toutefois désigner un ou plusieurs établissements plus particulièrement adaptés. Après avoir demandé, en vain, au foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines " d'admettre à titre permanent Mme C...A..., cette dernière, représentée par ses co-tutrices, ainsi que Mme B...A..., agissant en son nom personnel, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, afin qu'il enjoigne à ce foyer de procéder à l'admission qu'elles sollicitaient. Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes ayant rejeté leur demande, elles relèvent appel de son ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'Etat.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
3. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés
ci-après : (...) / 7° Les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques (...) ".
4. Il résulte des dispositions de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et
médico-sociale que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires des établissements et services aujourd'hui mentionnés au 7° de l'article
L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles revête le caractère d'une mission de service public. Par suite, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'un litige relatif à l'admission d'une personne handicapée au sein d'un tel établissement ou service lorsqu'il est géré par une personne morale de droit privé.
5. Il résulte de l'instruction que le foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines " est géré par l'association départementale des infirmes moteurs et cérébraux d'Ille-et-Vilaine (ADIMC 35), laquelle est une personne morale de droit privé régie par la loi du 1er juillet 1901. Conformément à ce qui a été dit au point précédent, la juridiction administrative n'est donc manifestement pas compétente pour connaître de la demande de Mme C...A...et de Mme B...A...tendant à ce qu'il soit enjoint à ce foyer d'accueillir à titre permanent Mme C...A.... Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens présentées au soutien de la requête d'appel, il y a lieu d'annuler l'ordonnance en date du
8 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, après avoir retenu la compétence de la juridiction administrative, a rejeté la demande de Mme C...A...et de Mme B...A...et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association départementale des infirmes moteurs et cérébraux d'Ille-et-Vilaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...A...demande, tant en première instance qu'en appel, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en outre, de rejeter les conclusions présentées au même titre par l'association départementale des infirmes moteurs et cérébraux d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal administratif comme devant le Conseil d'Etat.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'ordonnance du 8 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est annulée.
Article 2 : La demande de Mme C...A...et de Mme B...A...est rejetée comme portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C...A...et par l'association départementale des infirmes moteurs et cérébraux d'Ille-et-Vilaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mmes C...A..., B...A...et D...A...-E... et à l'association départementale des infirmes moteurs cérébraux d'Ille-et-Vilaine.
Copie en sera adressée pour information à la maison départementale des personnes handicapées d'Ille-et-Vilaine, au Foyer d'accueil médicalisé " Les Glycines " et à la ministre des solidarités et de la santé.