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06/02/2019 | FRANCE | N°421892

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 06 février 2019, 421892


Vu la procédure suivante :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, en qualité d'héritier venant aux droits de MmeE..., de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de cette dernière au titre des années 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1204504 du 12 janvier 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16BX00843 du 3 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.

Par un pourvoi

sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 ju...

Vu la procédure suivante :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, en qualité d'héritier venant aux droits de MmeE..., de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de cette dernière au titre des années 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1204504 du 12 janvier 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16BX00843 du 3 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juillet, 28 septembre et 13 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M.C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'entreprise " E...Frères " a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 9 juillet au 6 novembre 2009, portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, au terme de laquelle l'administration a procédé à la rectification des bases imposables de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de M. F...C...et de sa tante, Mme D...E..., en leur qualité de co-indivisaires. Cette dernière étant décédée le 21 octobre 2009 au cours des opérations de contrôle, l'administration a réclamé le paiement des impositions supplémentaires établies à son nom à MM.B..., A...etF... C..., ses héritiers. M. F... C...a demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dont le paiement lui a été réclamé en sa qualité de co-héritier de MmeE.... Par un jugement du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. M. F...C...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mai 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est régulièrement saisi à l'issue de l'audience d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision et de la viser.

3. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'après l'audience publique qui s'est tenue le 30 mars 2018, M. C...a adressé à la cour une note en délibéré le 3 avril 2018. Elle n'a pas été visée par l'arrêt attaqué, qui est ainsi entaché d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. C...est fondé à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. En vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". Lorsque l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise en indivision, elle doit, sauf dans le cas où elle peut se prévaloir de l'existence d'une société de fait, informer chaque indivisaire de ce qu'elle entreprend une telle vérification.

6. Il résulte de l'instruction que l'entreprise " E...Frères " était en indivision entre Mme D...E...et son neveu M. F...C...et que Mme E..., très âgée, était résidente d'une maison de retraite et n'a pas pris part au cours des années concernées par la procédure de vérification à la gestion de l'entreprise, dont la direction était assurée par son neveu. Il résulte également de l'instruction que, lors de l'engagement de la vérification de comptabilité de cette entreprise au titre des exercices clos entre 2006 et 2008, seul M. C...a été destinataire d'un avis l'informant de ce contrôle. Par suite, dès lors que l'administration ne pouvait, eu égard aux modalités de gestion de l'entreprise, se prévaloir en l'espèce de l'existence d'une société de fait, il résulte de ce qui précède que Mme E... a été privée, en sa qualité de co-indivisaire, de la garantie résultant des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. M. C..., agissant en sa qualité d'ayant-droit de sa tante, décédée avant l'achèvement du contrôle, est donc fondé à soutenir que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de cette dernière était entachée d'une irrégularité. La circonstance qu'il a régulièrement été averti, en sa qualité de co-indivisaire, de l'engagement de la vérification de comptabilité de l'entreprise " E...Frères " ne saurait être regardée comme de nature à placer M. C...dans une situation distincte de celle des autres héritiers au regard de l'irrégularité de la procédure suivie à l'encontre de sa tante. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été notifiées en sa qualité d'ayant-droit de Mme E... à la suite de la vérification de comptabilité de l'entreprise " E...Frères " et des pénalités correspondantes.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 3 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 12 janvier 2016 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 2 : M. C...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge en sa qualité d'héritier de Mme E...au titre des années 2006, 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M.F... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421892
Date de la décision : 06/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2019, n° 421892
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421892.20190206
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