La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2019 | FRANCE | N°414064

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 06 février 2019, 414064


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

La société générale de valorisation (Géval) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Solios Environnement à lui payer la somme totale de 518 775,88 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes qu'elle a commises dans la conception et la construction du dispositif de traitement des fumées de l'usine d'incinération des ordures ménagères de Plouharnel.

Le syndicat mixte de la région d'Auray-Belz-Quiberon a demandé au tribunal administratif de Renne

s de condamner la société Solios Environnement à lui payer la somme de 4 219 479,42 e...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

La société générale de valorisation (Géval) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Solios Environnement à lui payer la somme totale de 518 775,88 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes qu'elle a commises dans la conception et la construction du dispositif de traitement des fumées de l'usine d'incinération des ordures ménagères de Plouharnel.

Le syndicat mixte de la région d'Auray-Belz-Quiberon a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Solios Environnement à lui payer la somme de 4 219 479,42 euros, en réparation des préjudices subis du fait des fautes qu'elle a commises dans la conception et la construction du même dispositif.

Après jonction de ces instances, par un jugement n°s 0904541, 1000859 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Solios Environnement à payer, d'une part, à la société Géval la somme de 64 662,31 euros, et d'autre part, à la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, venue aux droits du syndicat mixte de la région d'Auray-Belz-Quiberon, la somme de 971 041,24 euros.

Par un arrêt n°s 15NT02571, 15NT02572 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a partiellement fait droit aux conclusions d'appel de la société Fives Solios, venue aux droits de la société Solios Environnement, en ramenant à 229 800,01 euros le montant de sa condamnation à l'égard de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique et a rejeté le surplus de ses conclusions, en particulier celles relatives aux appels en garantie qu'elle a formés contre la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et la société Litwin, en la personne de son mandataire liquidateur Me A...B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre et 6 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fives Solios demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et la société Litwin, en la personne de son mandataire liquidateur Me B...;

2°) de mettre à la charge solidaire de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, de la société Vinci Environnement, de la société Ingerop Conseil et Ingénierie et de la société Litwin, en la personne de son mandataire liquidateur, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Fives Solios, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Vinci Environnement, à la SCP Richard, avocat de MeB..., mandataire liquidateur de la société Litwin, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Alantique.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 1998, le syndicat intercommunal de valorisation des ordures ménagères (SIVOM) d'Auray-Belz-Quiberon, aux droits duquel est venue la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, a décidé de réaliser des travaux de modernisation de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Plouharnel. A cette fin, une mission de maîtrise d'œuvre a été confiée à la société Ingerop, qui a cédé une partie de ses activités à la société Litwin. Après une procédure d'appel d'offres sur performance, un marché de travaux a été passé le 2 juillet 1999, dont le lot n° 1 a été attribué à la société Vinci Environnement et le lot n° 2 " traitement des fumées " à la société Procédair, devenue Solios Environnement et désormais dénommée Fives Solios. Le 18 juillet 2000, la société Géval s'est vu confier l'exploitation de l'usine pour une durée de huit ans. La réception des travaux a été prononcée, à effet du 1er juillet 2001, par un arrêt du 18 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes, devenu définitif. Des désordres étant survenus pendant les travaux, le SIVOM Auray-Belz-Quiberon, d'une part, et la société Géval, d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société Solios Environnement à réparer les préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait des fautes commises par celle-ci dans la conception et la construction du dispositif de traitement des fumées de l'usine d'incinération. Par un jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Solios Environnement à verser les sommes de 64 662,31 euros à la société Géval et de 971 041,24 euros à la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique. La société Fives Solios se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que celle-ci a rejeté ses appels en garantie tendant à ce que la communauté de communes et les sociétés Vinci Environnement, Ingerop et Me B..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin, la garantissent de la somme de 64 662,31 euros qu'elle doit verser à la société Géval.

2. Lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public, le constructeur de celui-ci est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

3. Il suit de là qu'en rejetant les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Fives Solios contre la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, maître de l'ouvrage, au seul motif que celle-ci n'avait commis aucune faute contractuelle susceptible de fonder l'appel en garantie, alors même que la réception du chantier avait été prononcée avec effet au 1er juillet 2001, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Fives Solios est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant qu'il a rejeté la requête n° 15NT02571 par laquelle elle a présenté des conclusions d'appel en garantie contre la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et la société Litwin, en la personne de son mandataire liquidateur, MeB....

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, de la société Vinci Environnement et de MeB..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin, la somme de 1 000 euros à verser chacun à la société Fives Solios, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Fives Solios qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il rejette la requête n° 15NT02571 de la société Fives Solios.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement et MeB..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin, verseront chacun à la société Fives Solios une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la société Vinci Environnement, de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique et de MeB..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin, présentées au titre des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Fives Solios et Vinci Environnement, à MeB..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin et à la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique.

Copie en sera adressée aux sociétés Ingerop Conseil et Ingénierie et Acergy France.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE ET DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DES TIERS - ACTIONS EN GARANTIE - MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DU CONSTRUCTEUR D'UN OUVRAGE PUBLIC - APPEL EN GARANTIE DU CONSTRUCTEUR À L'ENCONTRE DU MAÎTRE D'OUVRAGE - EXISTENCE - DÈS LORS QUE LA RÉCEPTION DES TRAVAUX A ÉTÉ PRONONCÉE SANS RÉSERVE ET QUE CE CONSTRUCTEUR NE PEUT PAS ÊTRE POURSUIVI AU TITRE DE LA GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT NI DE LA GARANTIE DÉCENNALE - EXCEPTIONS - CLAUSE CONTRACTUELLE CONTRAIRE ET RÉCEPTION ACQUISE À LA SUITE DE MANŒUVRES FRAUDULEUSES OU DOLOSIVES DU CONSTRUCTEUR [RJ1].

39-06-02-02 Lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public, le constructeur de celui-ci est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

TRAVAUX PUBLICS - RÈGLES COMMUNES À L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITÉ PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVÉE - ACTION EN GARANTIE - MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DU CONSTRUCTEUR D'UN OUVRAGE PUBLIC - APPEL EN GARANTIE DU CONSTRUCTEUR À L'ENCONTRE DU MAÎTRE D'OUVRAGE - EXISTENCE - DÈS LORS QUE LA RÉCEPTION DES TRAVAUX A ÉTÉ PRONONCÉE SANS RÉSERVE ET QUE CE CONSTRUCTEUR NE PEUT PAS ÊTRE POURSUIVI AU TITRE DE LA GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT NI DE LA GARANTIE DÉCENNALE - EXCEPTIONS - CLAUSE CONTRACTUELLE CONTRAIRE ET RÉCEPTION ACQUISE À LA SUITE DE MANŒUVRES FRAUDULEUSES OU DOLOSIVES DU CONSTRUCTEUR [RJ1].

67-02-05-01-01 Lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public, le constructeur de celui-ci est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, Section, 15 juillet 2004, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau des communes de la Seyne et de la région Est de Toulon, n° 235053, p. 345.


Publications
Proposition de citation: CE, 06 fév. 2019, n° 414064
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP RICHARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Date de la décision : 06/02/2019
Date de l'import : 06/08/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 414064
Numéro NOR : CETATEXT000038101448 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-02-06;414064 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award