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30/01/2019 | FRANCE | N°410518

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 30 janvier 2019, 410518


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mai et 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des enseignements de second degré demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2017-050 du 15 mars 2017 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à l'amélioration du dispositif de remplacement des personnels enseignants ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au tit

re de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mai et 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des enseignements de second degré demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2017-050 du 15 mars 2017 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à l'amélioration du dispositif de remplacement des personnels enseignants ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2017-050 du 15 mars 2017 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à l'amélioration du dispositif de remplacement des personnels enseignants. Compte-tenu de l'argumentation qu'elle soulève, la requête du SNES doit être regardée comme tendant seulement à l'annulation, à l'annexe 1 de cette circulaire intitulée " Vade-mecum sur les autorisations d'absence ", des dispositions du A du I, des B et C du II, des B, C et D du III et du C du IV.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Par cette annexe 1, la circulaire attaquée, adressée par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche aux rectrices et recteurs d'académie et aux chancelières et chanceliers des universités, rappelle les règles applicables aux autorisations d'absence de courte durée dont peuvent bénéficier les personnels enseignants des établissements des premier et second degrés, en indiquant, pour chacun des motifs d'absence mentionnés, les conditions et modalités d'attribution des autorisations d'absence. Elle comporte ainsi, y compris pour les motifs d'absence qui ne sont susceptibles de donner lieu qu'à des autorisations accordées à titre gracieux, des dispositions impératives à caractère général et revêt, par suite, le caractère d'un acte faisant grief. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'éducation nationale contre l'ensemble des conclusions de la requête doit être écartée.

3. Toutefois, il ressort des statuts du syndicat requérant que celui-ci a pour objet la défense des intérêts des seuls enseignants du second degré. Il en résulte que ce syndicat n'a intérêt à demander l'annulation de la circulaire litigieuse qu'en tant qu'elle concerne ces enseignants. La requête du SNES est, par suite, irrecevable dans la mesure où elle demande l'annulation des dispositions de l'annexe 1 de la circulaire en tant qu'elles s'appliquent aux enseignants du premier degré.

Sur la légalité externe de la circulaire :

4. En vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 sur les délégations de signature des membres du gouvernement, la directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale avait, par l'effet de sa nomination par le décret du 5 juillet 2012, publié au Journal officiel le 6 juillet 2012, qualité pour signer la circulaire attaquée. Ainsi, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté.

Sur la légalité interne des dispositions attaquées :

En ce qui concerne l'exercice de fonctions électives ou de représentation (point A du I de l'annexe 1) :

5. Aux termes de l'article L. 3142-79 du code du travail : " L'employeur laisse au salarié, candidat à l'Assemblée nationale ou au Sénat, le temps nécessaire pour participer à la campagne électorale dans la limite de vingt jours ouvrables. / Le même droit est accordé, sur sa demande, dans la limite de dix jours ouvrables au salarié candidat : / 1° Au Parlement européen ; / 2° Au conseil municipal dans une commune d'au moins 1 000 habitants ; / 3° Au conseil départemental ou au conseil régional ; / 4° A l'Assemblée de Corse ". Les modalités d'application de ces dispositions sont fixées par l'article L. 3142-80 du même code qui dispose : " Le salarié bénéficie à sa convenance des dispositions de l'article L. 3142-79, à condition que chaque absence soit au moins d'une demi-journée entière. Il avertit son employeur vingt-quatre heures au moins avant le début de chaque absence ". Enfin, ces dispositions sont, en vertu de l'article L. 3142-87 de ce même code, " applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l'Etat (...) sauf s'ils bénéficient de dispositions plus favorables ".

6. En premier lieu, il résulte des dispositions cités ci-dessus que les autorisations d'absence sollicitées par un agent en qualité de candidat à une fonction publique élective doivent être délivrées à la convenance de l'intéressé, dans les seules limites du crédit global d'heures d'absence autorisées, des délais de prévenance du chef de service et de la durée minimale de chaque absence. Ainsi, en prévoyant que " ces autorisations d'absence peuvent être accordées en une ou plusieurs fois, en fonction des besoins de l'agent sous réserve des nécessités du service ", les dispositions attaquées introduisent, au motif d'éventuelles nécessités du service, une restriction dans la faculté, pour l'agent, de demander le fractionnement de ses absences qui excède les conditions légales. Par suite, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation des mots " sous réserve des nécessités de service " au premier alinéa du point A du I de l'annexe 1, qui sont divisibles des autres dispositions de la circulaire.

7. En deuxième lieu, si la circulaire attaquée ne mentionne pas les autorisations d'absence dont peuvent bénéficier les agents candidats à l'Assemblée de Corse, omettant ainsi de reproduire intégralement ce que prévoit l'article L. 3142-79 code du travail, cette circonstance n'a pas pour objet et ne saurait légalement avoir pour effet d'exclure ces agents du bénéfice de ces autorisations. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la circulaire est, pour ce motif, entachée d'illégalité.

8. Enfin, si les dispositions du point A du I de l'annexe 1 de la circulaire attaquée prévoient que les durées d'absence de l'enseignant peuvent être déduites des jours dits " de RTT ", alors que cette catégorie de personnels ne dispose pas de tels jours de repos, cette circonstance est sans incidence sur leur légalité.

En ce qui concerne l'exercice d'un mandat syndical (points B et C du II de l'annexe 1) :

9. En premier lieu, l'article 13 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique prévoit que des autorisations spéciales d'absence ne pouvant excéder vingt jours sont accordées à l'agent lorsque celui-ci est appelé à participer " a) Aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des organisations syndicales internationales ; / b) Aux congrès ou réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations de syndicats représentées au conseil commun de la fonction publique ". Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les dispositions relatives aux modalités d'attribution de ces autorisations prévues au point B du II de l'annexe 1 n'excluent pas la possibilité, pour les représentants mandatés d'une organisation syndicale, qu'elle soit représentée ou non au conseil commun de la fonction publique, de bénéficier d'autorisations d'absence dans la limite de vingt jours par an pour participer aux congrès ou réunions des organismes directeurs des organisations syndicales internationales. Le moyen tiré ce qu'elles seraient illégales pour ce motif doit, par suite, être écarté.

10. En second lieu, l'article 15 du décret du 28 mai 1982 institue un régime d'autorisations de droit et prévoit, aux termes de son I, que les représentants syndicaux, titulaires et suppléants, appelés à siéger dans diverses instances de concertation, dont l'alinéa 1er fixe la liste, se voient accorder une autorisation d'absence " sur simple présentation de leur convocation ou du document les informant de la réunion de ces organismes ". Si ce même article ouvre la possibilité, dans un département ministériel donné, d'adapter la liste de ces instances par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique et du ministre intéressé, l'arrêté en cause ne saurait avoir d'autre objet que de compléter la liste des instances de concertation ouvrant droit à autorisation d'absence et ne pourrait légalement plafonner les durées de ces absences autorisées. Ainsi, en prévoyant, au point C du II de son annexe 1, un maximum " de deux à trois jours par an " pour les autorisations susceptibles d'être accordées à ce titre, la circulaire attaquée a méconnu les dispositions du décret du 28 mai 1982 citées ci-dessus. Par suite, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation des mots " dans la limite de deux à trois jours par an ", qui sont divisibles des autres dispositions de la circulaire.

En ce qui concerne les autres motifs d'absence (points B, C et D du III et point C du IV de l'annexe 1) :

Quant à l'opposabilité des dispositions litigieuses :

11. Les points B, C et D du III de l'annexe I de la circulaire attaquée fixent les conditions dans lesquelles des autorisations d'absence peuvent être accordées, en cas de mariage et de pacte civil de solidarité, de décès ou de maladie très grave du conjoint et, enfin, d'enfant malade ou de garde d'enfant. Le point C du IV de la même annexe est relatif aux absences qui peuvent être accordées pour raison de santé.

12. Ces dispositions, qui, par leurs termes mêmes, se bornent à indiquer la simple faculté, pour le chef de service compétent, d'accorder à ses agents des autorisations d'absence à titre gracieux, doivent être regardées comme ne créant aucun droit pour les agents qu'elles concernent, y compris quant aux modalités ou aux durées des autorisations qu'ils sont susceptibles de solliciter. Pour les mêmes motifs, elles ne sauraient fonder un refus opposé par l'administration à une telle demande.

Quant à leur légalité :

S'agissant du point B du III de l'annexe 1 :

13. Si l'article L. 3142-1 du code du travail prévoit le droit à des congés pour différents motifs familiaux, notamment pour un mariage ou la conclusion d'un pacte civil de solidarité, cet article n'est pas applicable aux personnels liés à l'administration par un lien de droit public. Aucune autre règle ni aucun principe n'imposent à l'administration de délivrer une autorisation d'absence à un de ses agents qui se marie ou qui conclut un pacte civil de solidarité. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du point B du III de l'annexe 1 sont entachées d'illégalité en ce qu'elles se bornent, ainsi qu'il a été dit au point précédent, à laisser aux chefs de service la simple faculté d'accorder à leurs agents des journées d'absence pour mariage ou conclusion d'un pacte civil de solidarité.

14. Par ailleurs, si le syndicat requérant soutient que la différence de traitement entre les fonctionnaires et les agents contractuels quant au nombre de jours d'absence ou de " délai de route " susceptibles d'être accordés pour des motifs familiaux est contraire au principe d'égalité, ce moyen est, s'agissant de durées qui doivent être regardées, ainsi qu'il a été dit, comme purement indicatives, inopérant.

S'agissant des points C et D du III et du point C du IV de l'annexe 1 :

15. Si les dispositions du point C du III de l'annexe 1 de la circulaire attaquée, intitulées " décès ou maladie très grave du conjoint " ne mentionnent expressément ni le cas de décès ou de maladie très grave d'un conjoint ni les situations de concubinage, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que soient également octroyées, à titre gracieux, des autorisations de congé dans de telles situations. Le moyen tiré de ce qu'elles seraient, pour ce motif, entachées d'erreur manifeste d'appréciation est, par suite, inopérant.

16. Les dispositions du point D du III de l'annexe 1 de la circulaire attaquée, qui subordonnent la délivrance d'une autorisation d'absence pour enfant malade à la " présentation d'un certificat médical ", n'ont pas d'autre portée que de rappeler l'obligation, pour tout agent, de justifier auprès de son chef de service, par tout moyen, du motif de l'absence qu'il sollicite. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'elles sont entachées d'incompétence.

17. Enfin, le moyen tiré de ce que les dispositions du point C du IV de l'annexe 1 de la circulaire litigieuse, relatives aux autorisations d'absence susceptibles d'être accordées aux agents cohabitant avec une personne atteinte d'une maladie contagieuse, ne seraient pas identiques à celles d'une circulaire ministérielle antérieure, en l'espèce une instruction ministérielle du 23 mars 1950, est inopérant.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le SNES n'est fondé à demander l'annulation de la circulaire qu'il attaque qu'en tant que, pour les enseignants du second degré, elle comporte, au premier alinéa du point A du I de son annexe 1, les mots : " sous réserve des nécessités du service " et, au premier alinéa du point C du II de la même annexe, les mots : " dans la limite de deux à trois jours par an ".

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que le SNES demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Sont annulés, à l'annexe 1 de la circulaire du 15 mars 2017 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à l'amélioration du dispositif de remplacement des personnels enseignants, en tant qu'ils s'appliquent aux enseignants du second degré :

- les mots : " sous réserve des nécessités du service ", au premier alinéa du point A du I ;

- les mots : " dans la limite de deux à trois jours par an ", au premier alinéa du point C du II.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des enseignements de second degré et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410518
Date de la décision : 30/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2019, n° 410518
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:410518.20190130
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