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19/12/2018 | FRANCE | N°416801

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 19 décembre 2018, 416801


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 décembre 2017 et le 25 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Idexx demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 19 octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux, publié au Journal officiel de la République française en date du 26 octobre 2017, l'avis de la même ministre pris en application de l'arrêté du 19

octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle san...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 décembre 2017 et le 25 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Idexx demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 19 octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux, publié au Journal officiel de la République française en date du 26 octobre 2017, l'avis de la même ministre pris en application de l'arrêté du 19 octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux, publié au Journal officiel de la République française du même jour, et le courrier du bureau de la qualité des eaux de la Direction générale de la santé du 26 octobre 2017 intitulé " Conséquences de la publication du nouvel arrêté relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

- la directive (UE) 2015/1787 de la Commission du 6 octobre 2015 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 novembre 2018, présentée par la ministre des solidarités et de la santé.

Considérant ce qui suit :

1. La directive de la Commission européenne du 6 octobre 2015 modifiant les annexes II et III de la directive 98/83/CE du Conseil relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine précise, dans son annexe II, relative notamment aux paramètres microbiologiques pour lesquels des méthodes d'analyse sont spécifiées, que " Les méthodes utilisées pour les paramètres microbiologiques sont: / a) Escherichia coli (E. coli) et bactéries coliformes (EN ISO 9308-1 ou EN ISO 9308-2) ". Le troisième alinéa de l'article R. 1321-21 du code de la santé publique dispose que : " Les méthodes d'analyse des échantillons d'eau ainsi que leurs performances doivent être soit les méthodes de référence fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, soit des méthodes conduisant à des résultats équivalents. " L'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 19 octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux, publié au Journal officiel de la République française du 26 octobre 2017, pris pour la transposition de la directive précitée, prévoit que les méthodes d'analyse des eaux destinées à la consommation humaine correspondent aux normes EN ISO 9308-1 et EN ISO 9308-2 et que les millésimes de ces normes sont précisés dans un avis. L'avis relatif à l'application de l'arrêté du 19 octobre 2017, publié au Journal officiel du même jour, précise ainsi que les millésimes des normes mentionnées dans cet arrêté sont le millésime 2000 de la norme EN ISO 9308-1 et le millésime 2014 de la norme EN ISO 9308-2. Enfin, une lettre du bureau de la qualité des eaux de la direction générale de la santé du ministère des solidarités et de la santé intitulée " conséquences de la publication du nouvel arrêté relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux " a été adressée le 26 octobre 2017 aux agences régionales de santé pour leur transmettre notamment des informations relatives à l'utilisation des différentes méthodes de détection des bactéries coliformes et E. coli pour les analyses du contrôle sanitaire des eaux.

2. La société Idexx demande l'annulation de l'arrêté, de l'avis en tant qu'il fixe le millésime applicable à la norme EN ISO 9308-1 et de la lettre mentionnés au point précédent.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté :

3. Dans sa requête, la société requérante ne soulève aucun moyen critiquant la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2017. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la ministre, les conclusions de la requête dirigées contre cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre l'avis :

4. La société Idexx, qui commercialise un test de détection dans l'eau de bactéries coliformes ou E. Coli conforme à la norme EN ISO 9308-2, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité de l'avis du 26 octobre 2017 relatif à l'application de l'arrêté du 19 octobre 2017 qui détermine les tests susceptibles d'être utilisés dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux en fixant les millésimes des normes de référence. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la ministre des solidarités et de la santé doit être rejetée.

5. Aux termes du 1 de l'article 5 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet (...). ". Le f) du 1 de l'article 1er définit une règle technique comme : " une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l'article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ou interdisant de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir comme prestataire de services. " Le a) du 1 de l'article 7 exempte de notification les mesures par lesquelles les Etats membres " se conforment aux actes contraignants de l'Union qui ont pour effet l'adoption de spécifications techniques ou de règles relatives aux services ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 1 que l'avis publié au Journal officiel de la République française le 26 octobre 2017 restreint la présomption de conformité aux exigences de l'arrêté du 19 octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyse utilisées dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux, s'agissant de la norme EN ISO 9308-1, à son seul millésime 2000. Cet avis, qui a pour effet d'interdire le recours à la version 2014 de la norme EN ISO 9308-1 dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux effectué par les laboratoires agréés, alors que la directive du 6 octobre 2015 citée au point 1 autorise la norme EN ISO 9308-1 de manière générale, sans restriction quant à son millésime, ne peut être regardé comme une " simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne " au sens des dispositions de la directive du 9 septembre 2015. Il est constant que cet avis n'a pas été notifié en tant que règle technique à la Commission européenne, en méconnaissance des exigences de la directive du 9 septembre 2015. Si le ministre fait valoir que les autorités françaises ont informé la Commission européenne, par une note du 14 novembre 2017, de leur choix de conserver la version 2000 de la norme EN ISO 9308-1, cette simple communication ne saurait être regardée comme ayant tenu lieu de la procédure de notification prévue par la directive du 9 septembre 2015. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'avis attaqué en ce qu'il fixe le millésime applicable à la norme EN ISO 9308-1.

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 26 octobre 2017 :

7. En troisième lieu, l'interprétation que l'autorité administrative donne, notamment par voie de circulaires ou d'instructions, des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief.

8. Il ressort des énonciations de la lettre du bureau de la qualité des eaux de la direction générale de la santé du 26 octobre 2017 que ses auteurs ont entendu, dans sa section I, informer les agences régionales de santé des résultats des études d'équivalence entre la méthode EN ISO 9308-1 version 2000 et la méthode EN ISO 9308-2 et porter à leur connaissance les risques de discontinuité des résultats en cas de changement de méthode, en précisant qu'il était possible d'exiger, dans le cadre de la mise en oeuvre des marchés publics, le recours à une seule des deux méthodes autorisées, sans toutefois prescrire d'écarter le recours à la méthode EN ISO 9308-2, et, dans la section II, informer ses destinataires qu'il résultait de l'avis du ministre chargé de la santé daté du même jour que, pour la méthode NF EN ISO 9308-1, seul son millésime 2000 pouvait être utilisé. Il résulte de ce qui précède que cette lettre, qui ne contient pas de dispositions à caractère impératif, ne constitue pas une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir. Il y a lieu, par suite, de faire droit à la fin de non-recevoir opposée par la ministre des solidarités et de la santé et de rejeter comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de cette lettre.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Idexx d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'avis de la ministre des solidarités et de la santé du 26 octobre 2017 relatif à l'application de l'arrêté du 19 octobre 2017 est annulé en tant qu'il fixe le millésime applicable à la norme EN ISO 9308-1.

Article 2 : L'Etat versera à la société Idexx une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Idexx et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 416801
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 416801
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416801.20181219
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