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07/12/2018 | FRANCE | N°420326

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 07 décembre 2018, 420326


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 30 avril et 13 juillet 2018 et 29 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... E...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 août 2017 rapportant le décret du 19 juin 2015 lui accordant la nationalité française ;

2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de le rétablir dans la nationalité française dans un délai d'un mois, sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;

2°) d

e mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du co...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 30 avril et 13 juillet 2018 et 29 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... E...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 août 2017 rapportant le décret du 19 juin 2015 lui accordant la nationalité française ;

2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de le rétablir dans la nationalité française dans un délai d'un mois, sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Bertinotti, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., ressortissant sénégalais, a déposé une première demande de naturalisation le 20 août 2014, dans laquelle il a indiqué être célibataire et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par un décret du 19 juin 2015 ; que, toutefois, par un courrier électronique du 1er septembre 2015, M. B...a informé le ministre chargé des naturalisations qu'il avait épousé au Sénégal, le 19 août 2014, une ressortissante sénégalaise résidant habituellement au Sénégal ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret du 19 juin 2015 prononçant la naturalisation de M. B...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale ; que M. B...demande l'annulation de ce décret ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte la situation familiale en France de l'intéressé ; que, par suite, la circonstance que l'intéressé ait été marié au Sénégal où résidait son épouse était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts ;

4. Considérant que, si M. B...soutient que son union coutumière avec Mme D...A..., ressortissante sénégalaise résidant au Sénégal, célébrée le 19 août 2014 n'avait pas de valeur officielle avant sa confirmation par une union civile, il ressort des pièces du dossier que cette union a fait l'objet d'un acte dressé le 16 janvier 2015 par l'officier d'état civil du centre de Wakhinane-Nimzatt (Sénégal) et constituait un acte de mariage opposable en France ; que ce mariage devait être porté à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, ce que M. B...n'a pas fait ni à l'occasion du dépôt de sa demande et de l'entretien d'assimilation qui s'est tenu le 20 août 2014, ni par la suite au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation ; que l'intéressé, qui maîtrise la langue française, comme en atteste le procès-verbal d'assimilation établi le 20 août 2014, ne pouvait se méprendre sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée en déposant sa demande de naturalisation ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant sciemment dissimulé sa situation matrimoniale ; que, par suite, en rapportant dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la naturalisation de M.B..., le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;

5. Considérant que les conditions dans lesquelles le décret attaqué a été notifié à M. B...sont sans conséquence sur sa légalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...E...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 420326
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2018, n° 420326
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Bertinotti
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:420326.20181207
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