Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1701510 du 13 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quarante-cinq jours.
Par un arrêt n° 17BX03206 du 26 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le préfet contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 23 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel du préfet de la Charente.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Blazy, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme A..., ressortissante guinéenne née le 10 janvier 1967, est entrée en France le 20 janvier 2013 ; qu'il lui a été délivré le 19 janvier 2015 un titre de séjour pour raisons médicales, qui a été renouvelé le 4 novembre 2015 puis le 2 août 2016 ; que, le 2 mars 2017, Mme A...a sollicité un nouveau renouvellement ; que, toutefois, au vu de l'avis émis le 27 avril 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet de la Charente a refusé, par un arrêté du 23 mai 2017, de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que, par un jugement du 13 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de Mme A...; que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 janvier 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le préfet contre le jugement du tribunal administratif ;
2. Considérant qu'en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) " ;
3. Considérant que l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé " ;
4. Considérant que l'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration " ;
5. Considérant que l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège " ;
6. Considérant qu'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office ; que si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité ;
7. Considérant, par suite, qu'en se fondant sur la circonstance que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office le 27 avril 2017 sur l'état de santé de Mme A...ne mentionnait pas le nom du médecin qui avait établi le rapport médical transmis au collège, pour en déduire que la procédure suivie par l'administration avait été irrégulière, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Charente, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical donnée au préfet par voie électronique par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme A...prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin et a été transmis le 6 avril 2017 pour être soumis au collège de médecins ; que ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, qui avaient été désignés pour participer aux collèges de médecins de l'Office par décision du directeur général de l'Office en date du 17 janvier 2017, s'est réuni le 27 avril 2017 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet de la Charente ; qu'il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé, pour annuler la décision attaquée par MmeA..., sur le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute que soient établis l'existence du rapport médical, sa transmission au collège de médecins et la date de cette transmission, la désignation régulière des médecins membres du collège et le fait que le médecin auteur du rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège ;
10. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...contre l'arrêté du 23 mai 2017 qu'elle attaque ;
11. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. Czerwinski, secrétaire général de la préfecture, avait reçu délégation du préfet de la Charente pour signer l'arrêté attaqué ; que le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été signé par une autorité incompétente ne peut, par suite, qu'être écarté ; qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté comporte la signature de son auteur, conformément à ce que prévoit l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'avis émis le 27 avril 2017 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme A...de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Charente aurait, en estimant que MmeA..., qui se prévaut de certificats médicaux indiquant qu'elle souffre d'une sciatique, ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, méconnu l'étendue de sa compétence et fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est née en 1967 en Guinée où elle a vécu jusqu'à son entrée en France le 20 janvier 2013 ; qu'il n'est pas contesté que son époux et ses trois enfants ne résident pas en France ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris ; que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
14. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision refusant à Mme A...le titre de séjour qu'elle sollicitait n'est pas entachée d'illégalité ; que l'intéressé ne saurait, par suite, soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français ou celle de la décision fixant la Guinée comme pays de renvoi seraient illégales en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
15. Considérant, en cinquième lieu, que si ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'état de santé de Mme A...ne faisait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire ;
16. Considérant, enfin, qu'en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays où il est légalement admissible ; que si les dispositions de cet article prévoient que l'autorité administrative " peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à MmeA..., à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à trente jours ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Charente est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté du 23 mai 2017 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme A...;
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A...tendant à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 janvier 2018 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 13 septembre 2017 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...A...devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus de ses conclusions sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....