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28/11/2018 | FRANCE | N°420951

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 28 novembre 2018, 420951


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mai et 10 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Fonds d'assurance formation du travail temporaire (FAF-TT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision contenue dans le courrier du 6 février 2018 par lequel le directeur de la législation fiscale du ministère de l'économie et des finances, d'une part, lui a fait connaître son interprétation des dispositions combinées des articles L. 1251-54 et R. 6331-1 du code du travail

en ce qui concerne les modalités de décompte des effectifs en vue de la dé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mai et 10 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Fonds d'assurance formation du travail temporaire (FAF-TT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision contenue dans le courrier du 6 février 2018 par lequel le directeur de la législation fiscale du ministère de l'économie et des finances, d'une part, lui a fait connaître son interprétation des dispositions combinées des articles L. 1251-54 et R. 6331-1 du code du travail en ce qui concerne les modalités de décompte des effectifs en vue de la détermination du taux de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue à laquelle sont assujetties les entreprises de travail temporaire et, d'autre part, l'a invité à modifier la documentation diffusée auprès des contribuables ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le fonds d'assurance-formation du travail temporaire, organisme paritaire collecteur agréé chargé du recouvrement de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auprès des entreprises de travail temporaire, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision contenue dans la lettre du 6 février 2018 par laquelle le directeur de la législation fiscale, d'une part, lui a indiqué que, pour calculer les effectifs de ces entreprises en vue de déterminer le taux de cette participation, il y avait lieu de " prendre en compte les salariés intérimaires ayant effectué au moins trois mois de mission d'intérim l'année civile précédant l'année de versement des rémunérations (et non au cours de l'année de versement), à la condition qu'ils soient titulaires d'un contrat de travail au cours du dernier jour de chacun des mois de cette même année de versement " et, d'autre part, l'a invité à aménager en ce sens la documentation afférente à la collecte de la participation des entreprises de travail temporaire qu'il diffuse auprès de ces dernières.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 6331-1 du code du travail : " Tout employeur concourt au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions mentionnées aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1. / Ce financement est assuré par : ... 2° Le versement des contributions prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 6331-2 du même code : " L'employeur de moins de onze salariés verse à l'organisme collecteur paritaire agréé désigné par l'accord de la branche dont il relève ou, à défaut, à l'organisme collecteur paritaire agréé au niveau interprofessionnel un pourcentage minimal du montant des rémunérations versées pendant l'année en cours s'élevant à 0,55 % ... / Les modalités de versement de cette participation sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 6331-9 du même code : " Sous réserve de l'article L. 6331-10, l'employeur d'au moins onze salariés verse à l'organisme collecteur paritaire agréé désigné par l'accord de la branche dont il relève ou, à défaut, à l'organisme collecteur paritaire agréé au niveau interprofessionnel un pourcentage minimal du montant des rémunérations versées pendant l'année en cours s'élevant à 1 %. / Pour les entreprises de travail temporaire, ce taux est fixé à 1,3 % des rémunérations versées pendant l'année en cours, quelles que soient la nature et la date de la conclusion des contrats de mission ... / Les modalités de versement de cette participation sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 6331-1 du même code, pris pour l'application de ces dispositions : " Pour la détermination du montant de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, l'effectif de l'entreprise calculé au 31 décembre, tous établissements confondus, est égal à la moyenne des effectifs déterminés chaque mois de l'année civile. / Pour la détermination des effectifs du mois, il est tenu compte des salariés titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, y compris les salariés absents, conformément aux dispositions des articles L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 1251-54. / ... Pour la détermination de la moyenne mentionnée aux premier et troisième alinéas, les mois au cours desquels aucun salarié n'est employé ne sont pas pris en compte ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1251-54 du même code : " Pour calculer les effectifs d'une entreprise de travail temporaire, il est tenu compte : ... 2° Des salariés temporaires qui ont été liés à cette entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives précitées et de celles de l'article R. 6331-1 du code du travail, qui sont applicables aux entreprises de travail temporaires et n'excèdent pas, contrairement à ce qui est soutenu, l'habilitation donnée par le législateur au pouvoir réglementaire pour préciser les conditions de mise en oeuvre des articles L. 6331-2 et L. 6331-9 du même code, que pour calculer les effectifs permettant de déterminer le taux de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue applicable aux entreprises de travail temporaire, il y a lieu de retenir les salariés temporaires qui, d'une part, ont effectué au moins trois mois de mission d'intérim au cours de l'année de versement des rémunérations constituant l'assiette de la participation, qui est l'année qui précède celle au cours de laquelle cette participation est acquittée, et, d'autre part, entrent dans le décompte des effectifs d'au moins un des mois de cette même année de versement des rémunérations pour avoir été titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de ce mois. Il en découle qu'en précisant, d'une part, que la " dernière année civile ", au sens de l'article L. 1251-54 du code du travail était celle précédant l'année de versement des rémunérations et, d'autre part, qu'il y avait lieu de ne tenir compte que des seuls salariés temporaires titulaires d'un contrat de travail au cours du dernier jour de chacun des mois de l'année de versement des rémunérations, le ministre a méconnu la portée des dispositions législatives qu'il entendait expliciter.

5. Il résulte de ce qui précède que le fonds d'assurance-formation du travail temporaire est fondé à demander dans cette mesure l'annulation de la lettre du 6 février 2018.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser au fonds d'assurance-formation du travail temporaire au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La lettre du 6 février 2018 du directeur de la législation fiscale est annulée en tant qu'elle indique, d'une part, que la " dernière année civile ", au sens de l'article L. 1251-54 du code du travail, est l'année qui précède celle du versement des rémunérations et, d'autre part, que les salariés des entreprises de travail temporaire pris en compte pour le calcul du taux de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue sont uniquement ceux titulaires d'un contrat de travail au cours du dernier jour de chacun des mois de cette même année.

Article 2 : L'Etat versera au Fonds d'assurance-formation du travail temporaire la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du fonds d'assurance-formation du travail temporaire est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Fonds d'assurance-formation du travail temporaire et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420951
Date de la décision : 28/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-05-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS ASSIS SUR LES SALAIRES OU LES HONORAIRES VERSÉS. PARTICIPATION DES EMPLOYEURS AU FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE. - DÉTERMINATION DU TAUX DE LA PARTICIPATION - CALCUL DE L'EFFECTIF DE L'ENTREPRISE - CAS DES ENTREPRISES DE TRAVAIL TEMPORAIRE - CRITÈRES DE PRISE EN COMPTE DES SALARIÉS TEMPORAIRES - SALARIÉS AYANT EFFECTUÉ AU MOINS TROIS MOIS DE MISSION D'INTÉRIM AU COURS DE L'ANNÉE DE VERSEMENT DES RÉMUNÉRATIONS, PRÉCÉDANT CELLE AU COURS DE LAQUELLE CETTE PARTICIPATION EST ACQUITTÉE ET SALARIÉS AYANT ÉTÉ TITULAIRES D'UN CONTRAT DE TRAVAIL LE DERNIER JOUR D'AU MOINS UN DES MOIS DE CETTE MÊME ANNÉE.

19-05-06 Il résulte de la combinaison des articles L. 1251-54, L. 6331-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et R. 6331-1 du code du travail, qui sont applicables aux entreprises de travail temporaires et n'excèdent pas l'habilitation donnée par le législateur au pouvoir réglementaire pour préciser les conditions de mise en oeuvre des articles L. 6331-2 et L. 6331-9, que pour calculer les effectifs permettant de déterminer le taux de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue applicable aux entreprises de travail temporaire, il y a lieu de retenir les salariés temporaires qui, d'une part, ont effectué au moins trois mois de mission d'intérim au cours de l'année de versement des rémunérations constituant l'assiette de la participation, qui est l'année qui précède celle au cours de laquelle cette participation est acquittée, et, d'autre part, entrent dans le décompte des effectifs d'au moins un des mois de cette même année de versement des rémunérations pour avoir été titulaires d'un contrat de travail le dernier jour de ce mois. Par suite, méconnaît ces articles la lettre du directeur de la législation fiscale précisant, d'une part, que la dernière année civile, au sens de l'article L. 1251-54 du code du travail est celle précédant l'année de versement des rémunérations et, d'autre part, qu'il y a lieu de ne tenir compte que des seuls salariés temporaires titulaires d'un contrat de travail au cours du dernier jour de chacun des mois de l'année de versement des rémunérations.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2018, n° 420951
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:420951.20181128
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