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21/11/2018 | FRANCE | N°410722

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 21 novembre 2018, 410722


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité des décisions de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes ayant prononcé à son encontre deux sanctions les 11 et 25 juin 2014. Par un jugement n° 1505210 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 aoû

t 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Con...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité des décisions de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes ayant prononcé à son encontre deux sanctions les 11 et 25 juin 2014. Par un jugement n° 1505210 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge l'Etat le versement à la SCP Monod-Colin-Stoclet de la somme de 3 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la requérante, incarcérée au.... Elle a, en conséquence, été placée en cellule disciplinaire pendant seize jours en exécution de deux sanctions respectivement prononcées à raison de ces faits les 11 et 25 juin 2014 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes. Ces décisions de sanction ont toutefois été retirées le 28 avril 2015 par deux décisions du directeur interrégional des services pénitentiaires de la région Grand Ouest aux motifs " qu'en raison d'une absence de traçabilité de cette fouille, nous ne pouvons vérifier et arguer qu'elle aurait été ponctuelle et justifiée ; que l'absence de décision motivée au sujet de cette fouille constitue un vice de procédure. " La requérante, dont la demande préalable d'indemnisation auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, a été implicitement rejetée, a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de ces décisions de sanction. Par un jugement du 30 décembre 2016 contre lequel elle se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / Lorsqu'il existe des raisons sérieuses de soupçonner l'introduction au sein de l'établissement pénitentiaire d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens, le chef d'établissement peut également ordonner des fouilles dans des lieux et pour une période de temps déterminés, indépendamment de la personnalité des personnes détenues. Ces fouilles doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Elles sont spécialement motivées et font l'objet d'un rapport circonstancié transmis au procureur de la République territorialement compétent et à la direction de l'administration pénitentiaire. / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire. ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elle ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elle prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller à ce que ces mesures soient proportionnées et ne portent pas atteinte à la dignité de la personne.

4. D'autre part, il résulte des dispositions du 3° de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale que, en dehors de l'hypothèse où l'injonction adressée à un détenu par un membre du personnel de l'établissement pénitentiaire serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine, tout ordre du personnel pénitentiaire doit être exécuté par les détenus. Par suite, le fait pour un détenu de refuser d'obtempérer à un ordre du personnel de l'établissement pénitentiaire constitue, en dehors de la seule hypothèse où cet ordre serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine, une faute disciplinaire de nature à justifier légalement une sanction.

5. En premier lieu, le tribunal administratif de Rennes a, par une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation et par une motivation suffisante, relevé que l'intéressée avait fait courir, à de multiples reprises, dans les centres de détention où elle a été incarcérée, des risques pour la sécurité des personnels pénitentiaires et le maintien du bon ordre, qu'elle n'établissait pas avoir fait l'objet de fouilles corporelles systématiques et que les deux fouilles en litige dont elle avait fait l'objet étaient adaptées et nécessaires. Par conséquent, le tribunal administratif, à qui, contrairement à ce qui est soutenu, il n'appartenait pas de rechercher si d'autres mesures d'investigation n'auraient pas été suffisantes, n'a pas commis d'erreur de droit au regard des règles rappelées aux points 3 et 4 en jugeant légales ces fouilles.

6. En second lieu, après avoir ainsi jugé, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que les deux fouilles en litige étaient adaptées et nécessaires, le tribunal administratif a estimé que les sanctions de six et dix jours de cellule disciplinaire prononcées à l'encontre de Mme A...pour avoir refusé de les subir, qui n'excédaient pas les limites des sanctions prévues par l'article R. 57-7-47 du code de procédure pénale pour les fautes du deuxième degré, étaient légalement justifiées sur le fond et présentaient un caractère proportionné. Le tribunal en a en conséquence déduit, par une exacte qualification juridique, que si ces sanctions avaient été retirées par le directeur de l'établissement en raison d'une irrégularité procédurale, il n'existait pas de lien direct entre cette irrégularité et le préjudice ayant résulté pour Mme A...de son placement en cellule disciplinaire pour une durée de seize jours.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat de MmeA....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410722
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2018, n° 410722
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410722.20181121
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