Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 24 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2016-1798 du 20 décembre 2016 modifiant le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier des attachés territoriaux et, d'autre part, le décret n° 2016-1799 du 20 décembre 2016 modifiant le décret n° 87-1100 du 30 décembre 1987, portant échelonnement indiciaire applicable aux attachés territoriaux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;
- le décret n° 87-1100 du 30 décembre 1987 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Laure Denis, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui est attaché principal territorial, demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, du décret n° 2016-1798 du 20 décembre 2016, modifiant le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier des attachés territoriaux et du décret n° 2016-1799 du 20 décembre 2016 modifiant le décret n° 87-1100 du 30 décembre 1987, portant échelonnement indiciaire applicable aux attachés territoriaux ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité :
2. Considérant que l'article 49 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que : " La hiérarchie des grades dans chaque cadre d'emploi ou corps, le nombre d'échelons dans chaque grade, les règles d'avancement d'échelon et de promotion au grade supérieur sont fixés par les statuts particuliers. / Le nombre maximum de fonctionnaires appartenant à l'un des cadres d'emplois ou corps régis par la présente loi, à l'exception du cadre d'emplois des agents de police municipale, pouvant être promus à l'un des grades d'avancement de ce cadre d'emplois ou de ce corps est déterminé par application d'un taux de promotion à l'effectif des fonctionnaires remplissant les conditions pour cet avancement de grade. Ce taux de promotion est fixé par l'assemblée délibérante après avis du comité technique. / Les statuts particuliers peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, à celles des dispositions relatives aux modalités de recrutement qui ne correspondraient pas aux besoins propres des ces corps, cadres d'emplois et emplois compte tenu des missions que leurs membres ou leurs titulaires sont destinés à assurer " ; qu'aux termes de l'article 79 de la même loi " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. / Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; / 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par voie d'examen professionnel ; / 3° Soit par sélection opérée exclusivement par voie de concours professionnel. / Pour les fonctionnaires relevant des cadres d'emplois de catégorie A, il peut également être subordonné à l'occupation préalable de certains emplois ou à l'exercice préalable de certaines fonctions correspondant à un niveau particulièrement élevé de responsabilité et définis par un décret en Conseil d'Etat. Les statuts particuliers peuvent, dans ce cas, déroger au deuxième alinéa de l'article 49 " ;
3. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1er du décret du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux, dans sa rédaction issue du décret du 20 décembre 2016 attaqué, ce cadre d'emplois, comprend, d'une part, les grades d'attaché, d'attaché principal et d'attaché hors classe et, d'autre part, le grade de directeur territorial, qui est simultanément mis en extinction ; qu'en vertu de l'article 21 du décret du 30 décembre 1987, peuvent être nommés attaché hors classe par voie d'inscription à un tableau d'avancement les attachés principaux répondant à diverses conditions, notamment, en vertu du a) du 3° de cet article, ceux justifiant de huit années d'exercice dans un cadre d'emplois de catégorie A de fonctions de direction, d'encadrement, de conduite de projet, ou d'expertise, correspondant à un niveau élevé de responsabilité, en particulier de niveau hiérarchiquement inférieur immédiatement inférieur à celui du directeur général des services dans les communes de 10 000 à moins de 40 000 habitants ;
5. Considérant que le requérant soutient qu'en excluant, pour l'accès au grade d'attaché hors classe, de prendre en compte les fonctions exercées, comme cela a été son cas, en qualité de directeur général des services dans une commune de moins de 10 000 habitants et de responsable de service dans une commune de 10 000 à 40 000 habitants, nonobstant les spécificités des petites communes d'outre-mer, les dispositions du 3° de l'article 21 du décret du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux ont méconnu le principe d'égalité ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale que l'avancement de grade des fonctionnaires relevant des cadres d'emplois de catégorie A peut être légalement subordonné à l'occupation préalable de certains emplois ou à l'exercice préalable de certaines fonctions correspondant à un niveau particulièrement élevé de responsabilité et définis par un décret en Conseil d'Etat ; que la différence de traitement instituée par les dispositions critiquées, qui tend à favoriser la promotion d'agents ayant exercé des responsabilités de premier plan, repose sur un critère objectif, qui est en rapport direct avec l'objet de la réglementation relative à l'avancement dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux et n'est pas disproportionnée par rapport aux motifs qui la justifient ; que le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit, par suite, être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21-1 du décret du 30 décembre 1987 portant statut particulier des attachés territoriaux issues, dans sa rédaction issue de l'article 12 du décret du 20 décembre 2016 attaqué : " En application des dispositions du dernier alinéa de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, le nombre d'attachés hors classe en position d'activité ou de détachement dans les collectivités et établissements mentionnés au quatrième alinéa de l'article 2 ne peut excéder 10 % de l'effectif des fonctionnaires en position d'activité et de détachement dans ce cadre d'emplois au sein de la collectivité, considéré au 31 décembre de l'année précédant celle au titre de laquelle sont prononcées les promotions. / Lorsque le nombre calculé en application du pourcentage mentionné à l'alinéa précédent est inférieur à un, celui-ci est arrondi à un. / Dans le cas d'une mutation externe à la collectivité ou à l'établissement, l'application du plafond de 10 % n'est pas opposable à la nomination d'un attaché hors classe. Cette nomination est toutefois prise en compte dans le calcul de ce même plafond pour la détermination des avancements suivants. " ; que le requérant soutient qu'en excluant de l'application du plafond de 10 %, qui est opposable aux seuls fonctionnaires promouvables en activité ou déjà détachés dans la collectivité, les fonctionnaires faisant l'objet d'une mutation externe, le pouvoir réglementaire a méconnu le principe d'égalité entre les membres d'un même cadre d'emplois ; que, toutefois, la différence de traitement ainsi instituée, qui tend notamment à encourager la mobilité des agents, est en rapport direct avec l'objet de la réglementation relative à l'avancement et n'est pas disproportionnée par rapport aux motifs qui la justifient ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 2 du décret du 30 décembre 1987 portant statut particulier des attachés territoriaux issues de l'article 13 du décret du 20 décembre 2016 attaqué prévoient que les titulaires du grade d'attaché hors classe exercent leurs fonctions dans des communes de plus de 10 000 habitants ; que le requérant soutient qu'en édictant une telle règle, alors que les fonctionnaires de niveau similaire de l'Etat ne sont pas soumis à une telle condition, l'auteur du décret attaqué aurait méconnu le principe d'égalité ; que ce principe ne saurait toutefois, en tout état de cause, trouver application, en matière statutaire, entre des corps ou cadres d'emplois relevant de fonctions publiques différentes ; que le moyen précité ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime :
8. Considérant, en premier lieu, que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; qu'il incombe toutefois à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;
9. Considérant que les dispositions critiquées, entrant en vigueur le 1er janvier 2017, ont pour objet de mettre en extinction le grade de directeur territorial et de créer un grade sommital d'attaché territorial hors classe, soumis à des conditions d'accès plus restrictives, consistant notamment dans l'exercice préalable de certaines fonctions de responsabilité ; que la seule circonstance que ces nouvelles dispositions rendront plus difficile l'accès à ce grade supérieur de fonctionnaires qui remplissaient auparavant les conditions statutaires requises pour accéder au grade de directeur territorial ne porte pas aux intérêts des intéressés, eu égard à la situation statutaire et réglementaire dans laquelle ils se trouvent, une atteinte telle qu'elle aurait justifié de prévoir, pour des motifs de sécurité juridique, des dispositions transitoires ;
10. Considérant, en second lieu, que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit ; qu'aucun texte du droit de l'Union européenne n'a pour objet de régir les modalités d'avancement dans la fonction publique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les décrets attaqués méconnaîtraient le principe de confiance légitime doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décrets qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de l'action et des comptes publics.