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03/10/2018 | FRANCE | N°421963

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 03 octobre 2018, 421963


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé par le Premier ministre à sa demande tendant à l'abrogation des dispositions du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat qui confèrent des pouvoirs disciplinaires aux chambres de discipline des conseils régionaux des notaires, composés exclusivement de notaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-

la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé par le Premier ministre à sa demande tendant à l'abrogation des dispositions du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat qui confèrent des pouvoirs disciplinaires aux chambres de discipline des conseils régionaux des notaires, composés exclusivement de notaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 ;

- l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Laure Denis, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

1. M. B...demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par le Premier ministre à sa demande tendant à l'abrogation des dispositions du décret du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat qui confèrent aux chambres de discipline des conseils régionaux des notaires, qui sont composés exclusivement de notaires, des pouvoirs disciplinaires. Il soutient que ces dispositions ont été prises sur le fondement du premier alinéa de l'article 5-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, issu de la loi du 11 février 2004, qui méconnaît les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.

2. Aux termes de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ". Le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, impose que toute personne appelée à siéger dans une juridiction se prononce en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit. Le principe d'impartialité des juridictions s'oppose notamment à ce que soient conférés à une même autorité le pouvoir de poursuivre et celui de juger.

4. En vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat : " Il y a, dans chaque département, une chambre des notaires, dans chaque cour d'appel un conseil régional des notaires, et auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, un conseil supérieur du notariat ". L'article 5-1 de la même ordonnance dispose que : " Le conseil régional siégeant en chambre de discipline prononce ou propose, selon le cas, des sanctions disciplinaires. / Cette formation disciplinaire comprend au moins cinq membres, de droit et désignés parmi les délégués au conseil régional. / En sont membres de droit le président du conseil régional qui la préside, les présidents de chambre départementale ainsi que, le cas échéant, les vice-présidents de chambre interdépartementale. (...). ". Les sanctions prononcées par le conseil régional siégeant en chambre de discipline sont, en vertu des dispositions combinées des articles 3 et 9 de l'ordonnance du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, le rappel à l'ordre, la censure simple et la censure devant la chambre assemblée.

5. Contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que les membres des chambres de discipline des conseils régionaux des notaires, compétentes pour se prononcer sur les seules sanctions disciplinaires mentionnées ci-dessus, exercent eux-mêmes cette profession n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte aux exigences d'indépendance et d'impartialité de cet organe. Par suite, la question tirée de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article 5-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 porteraient atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en prévoyant que les chambres de discipline des conseils régionaux des notaires soient composées exclusivement de notaires, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, que le moyen tiré de ce que l'article 5-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté. M.B..., qui n'invoque aucun autre moyen à l'appui de sa requête, n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation du refus opposé par le Premier ministre à sa demande d'abrogation des dispositions du décret du 19 décembre 1945 relatives à la composition des chambres de discipline des conseils régionaux des notaires. La requête présentée par M. B...doit donc être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : La requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au Conseil supérieur du notariat.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 421963
Date de la décision : 03/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2018, n° 421963
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure Denis
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:421963.20181003
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