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03/10/2018 | FRANCE | N°403465

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 03 octobre 2018, 403465


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a refusé de lui communiquer, d'une part, l'accord du 9 avril 2015 ainsi que les avenants aux contrats, avec leurs annexes, passés entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes à la suite de cet accord, d'autre part, la liste des marchés conclus en 2013 et 2014, ainsi que le nom des attributaires, pour les marchés de travaux d'un montant

supérieur à 500 000 euros HT et les marchés de fournitures et de service...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a refusé de lui communiquer, d'une part, l'accord du 9 avril 2015 ainsi que les avenants aux contrats, avec leurs annexes, passés entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes à la suite de cet accord, d'autre part, la liste des marchés conclus en 2013 et 2014, ainsi que le nom des attributaires, pour les marchés de travaux d'un montant supérieur à 500 000 euros HT et les marchés de fournitures et de services d'un montant supérieur à 90 000 euros HT passés par les sociétés d'autoroutes privatisées en 2006, ainsi que par les sociétés d'économie mixte d'autoroutes, titulaires de contrats de délégation de service public passés avec 1'Etat, ensemble, la décision portant rejet du recours gracieux ;

2°) en deuxième lieu, d'enjoindre au ministre de lui communiquer les documents demandés, dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1514292/5-2 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande, sans assortir l'injonction au ministre d'une astreinte.

Par un pourvoi et un mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 septembre 2016, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision par laquelle il a refusé de communiquer l'accord du 9 avril 2015 conclu entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes ainsi que l'intégralité des documents annexés aux avenants passés à la suite de cet accord et lui enjoint de procéder à la communication de ces documents ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter les conclusions présentées par M. B...à ce titre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le décret n° 2015-1044 du 21 août 2015 ;

- le décret n° 2015-1045 du 21 août 2015 ;

- le décret n° 2015-1046 du 21 août 2015,

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier adressé le 28 avril 2015 au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, M. B...a sollicité la communication, d'une part, de l'accord passé le 9 avril 2015 entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, ainsi que de l'intégralité des avenants aux contrats passés entre l'Etat et ces sociétés à la suite de cet accord, avec leurs annexes, et d'autre part, de la liste des marchés conclus en 2013 et 2014, ainsi que du nom des attributaires, pour les marchés de travaux d'un montant supérieur à 500 000 euros HT et les marchés de fournitures et de services d'un montant supérieur à 90 000 euros HT passés par les sociétés d'autoroutes privatisées en 2006, ainsi que par les sociétés d'économie mixte d'autoroutes, titulaires de contrats de délégation de service public passés avec 1'Etat. Après avoir saisi la Commission d'accès aux documents administratifs le 4 juin 2015 et recueilli, le 9 juillet 2015, un avis favorable, M. B... a demandé, le 24 août 2015, au tribunal administratif de Paris, d'une part d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, née du silence gardé par le ministre, de refus de lui transmettre les documents demandés, d'autre part, de lui enjoindre de les lui communiquer dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande, sans assortir l'injonction au ministre d'une astreinte. Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il annule sa décision refusant de communiquer l'accord du 9 avril 2015 ainsi que les avenants aux contrats, avec l'intégralité de leurs annexes, passés entre l'Etat et ces sociétés à la suite de cet accord et qu'il lui enjoint de procéder à la communication de ces documents.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 13 juillet 2016 en tant qu'il statue sur le refus de communiquer les avenants aux contrats passés entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes conclus à la suite de l'accord du 9 avril 2015, avec leurs annexes :

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction en vigueur à la date du refus litigieux : " Le droit à communication ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique ".

3. La circonstance, dont le ministre se prévaut en cassation, que les avenants dont le requérant a demandé communication ont été publiés au Journal officiel de la République française du 23 août 2015 en annexe aux décrets n° 2015-1044 du 21 août 2015, n° 2015-1045 du 21 août 2015 et n° 2015 1046 du 21 août 2015 et que leurs annexes sont librement consultables soit sur le site internet du ministère chargé de l'environnement à l'adresse http://www.developpement-durable.gouv.fr, soit au siège de ce ministère n'est pas de nature à entacher d'erreur de droit, au regard des dispositions citées au point 2, le jugement attaqué en tant qu'il annule le refus de communiquer ces documents opposé à M. B...par une décision antérieure à leur diffusion publique. En revanche, le tribunal administratif de Paris a entaché son jugement, rendu postérieurement à cette diffusion publique, d'erreur de droit en enjoignant au ministre de l'économie et des finances, en exécution de l'annulation prononcée, de communiquer les avenants litigieux et leurs annexes.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est seulement fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il lui enjoint de communiquer à M. B...les avenants aux contrats passés entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes à la suite de l'accord du 9 avril 2015, avec leurs annexes.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 13 juillet 2016 en tant qu'il statue sur le refus de communiquer le protocole d'accord conclu le 9 avril 2015 entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes :

5. D'une part, il appartient au juge administratif de requérir des administrations compétentes la production de tous les documents nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, à la seule exception de ceux qui sont couverts par un secret garanti par la loi. D'autre part, si le caractère contradictoire de la procédure exige la communication à chacune des parties de toutes les pièces produites au cours de l'instance, cette exigence est nécessairement exclue en ce qui concerne les documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige.

6. L'état de l'instruction ne permettant pas d'apprécier le bien-fondé des prétentions du ministre de l'économie et des finances, dans l'hypothèse d'un règlement du litige, en cas de cassation du jugement attaqué, il y a lieu, afin de permettre au Conseil d'Etat d'apprécier les mérites de son argumentation, d'ordonner avant dire droit, tous droits et moyens des parties réservés, la production, dans un délai d'un mois, de l'accord du 9 avril 2015 à la chambre de la section du contentieux chargée de l'instruction de l'affaire, sans que communication de cette pièce ne soit faite à M.B....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2016 est annulé en tant qu'il enjoint au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique de communiquer à M. B...les avenants aux contrats passés entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes à la suite de l'accord du 9 avril 2015, avec leurs annexes.

Article 2 : Il est ordonné au ministre de l'économie et des finances, avant dire droit, tous droits et moyens des parties réservés, de communiquer au Conseil d'Etat l'accord conclu le 9 avril 2015 entre l'Etat et les sociétés d'autoroutes, dans les conditions précisées dans les motifs de la présente décision. Cette production devra intervenir dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette décision.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur les conclusions du pourvoi dirigées contre le jugement du 13 juillet 2016 en tant qu'il statue sur le refus de communiquer le protocole d'accord conclu le 9 avril 2015 entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. A... B....

Copie en sera adressée pour information à la Section du rapport et des études du Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 403465
Date de la décision : 03/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2018, n° 403465
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:403465.20181003
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