Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Le Printemps Immobilier a demandé au tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la restitution d'une somme de 326 855 euros qu'elle a acquittée en paiement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 mars 2008. Par un jugement n° 1409009 du 31 décembre 2015, le tribunal a fait droit à cette demande et a enjoint à l'Etat de restituer à la société la somme en litige.
Par un arrêt n° 16VE01267 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 20 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Printemps Immobilier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la societe Le Printemps Immobilier.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 septembre 2018, présentée par la société Le Printemps Immobilier ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à compter du 31 janvier 2009, la société France Printemps a apporté sa branche d'activité " distribution " à la société Printemps Participations, renommée par la suite société Printemps, et qu'à compter du 29 octobre 2009, la société France Printemps a fait apport de toutes ses autres branches d'activité à la société Le Printemps Immobilier, qui l'a absorbée. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société France Printemps, portant sur l'activité de sa branche " distribution " pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, la société Le Printemps Immobilier, venue aux droits de cette société, s'est vu notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui ont été mis en recouvrement à son nom par un avis du 17 janvier 2011. La société Le Printemps Immobilier a acquitté ces rappels, puis en a vainement demandé la restitution à l'administration fiscale. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil qui lui avait accordé la restitution des impositions en litige et rejeté sa demande.
2. La recevabilité du recours de plein contentieux par lequel la personne qui a été conduite à payer indûment l'impôt dû par un tiers peut en demander la restitution est subordonnée à la condition que la personne qui a effectué le versement ne soit ni débitrice, ni susceptible de voir sa responsabilité solidaire mise en oeuvre pour le paiement de l'impôt, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'elle puisse être, le cas échéant, le redevable légal de l'impôt. Il en découle que la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que la société Le Printemps Immobilier n'était pas débitrice des impositions qu'elle avait acquittées à la suite de la réception de l'avis de mise en recouvrement, que celle-ci n'était pas recevable à introduire un recours de plein contentieux en restitution au seul motif qu'elle était le redevable légal des impositions en cause. La société Le Printemps Immobilier est, par suite, fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
4. Lorsqu'une société apporte une partie de son actif à une autre société et que, d'un commun accord entre les parties, cette opération est, comme le permet l'article L. 236-22 du code de commerce, soumise aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 de ce code, relatives aux scissions de société, il s'opère, sauf dérogation expresse prévue dans le traité d'apport ou circonstance, telle qu'une fraude à l'égard de tiers, de nature à la rendre inopposable à ceux-ci, une transmission universelle de tous les droits, biens et obligations de la société apporteuse, afférents à la branche d'activité faisant l'objet de l'apport, à la société qui bénéficie de celui-ci. Il résulte, en particulier, dans ce cas, des dispositions de l'article L. 236-20 du code de commerce que la société bénéficiaire de l'apport devient seule débitrice des dettes qui s'y rattachent et qui ont été contractées par la société apporteuse, à laquelle elle est substituée à l'égard des créanciers. En revanche, la société apporteuse n'est pas déchargée de la qualité de redevable légal des impositions dont le fait générateur est intervenu antérieurement à la réalisation de l'opération d'apport.
5. Il en résulte que la société Printemps était seule débitrice des impositions que la société Le Printemps Immobilier a acquittées, dès lors qu'elles se rapportent à l'activité de la branche " distribution " de la société France Printemps, pour une période antérieure à la date à laquelle cette société a fait apport de cette branche d'activité à la société Printemps Participations, renommée société Printemps.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société Le Printemps Immobilier, qui avait absorbé, à la fin de l'année 2009, toutes les branches restantes de la société France Printemps, a été destinataire des propositions de rectification, en tant que redevable légal des impositions supplémentaires envisagées et était ainsi parfaitement informée du fait que le redressement concernait la branche d'activité de la société France Printemps qui avait été transférée à la société Printemps Participations au début de l'année 2009. Dans ces circonstances, la société Le Printemps Immobilier doit donc être regardée, comme le soutient le ministre, comme ayant acquitté de manière spontanée les impositions objet du litige, par un versement effectué à la suite de la réception de l'avis de mise en recouvrement que l'administration fiscale était tenue de lui adresser, dès lors qu'elle était le redevable légal des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause, et sur la portée duquel elle était à même de ne pas se méprendre. Il en résulte que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Le Printemps Immobilier. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la société.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles et le jugement du 31 décembre 2015 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la société Le Printemps Immobilier devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Le Printemps Immobilier devant le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Versailles et le tribunal administratif de Montreuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Le Printemps Immobilier et au ministre de l'action et des comptes publics.