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21/08/2018 | FRANCE | N°423079

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 août 2018, 423079


Vu la procédure suivante :

La société Oliver Pub a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné la fermeture de son établissement pour une durée d'un mois. Par une ordonnance n° 1803640 du 28 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l'exécution de cet arrêté à compter du 1er août 2018.

Par une requête enreg

istrée le 10 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre ...

Vu la procédure suivante :

La société Oliver Pub a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné la fermeture de son établissement pour une durée d'un mois. Par une ordonnance n° 1803640 du 28 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l'exécution de cet arrêté à compter du 1er août 2018.

Par une requête enregistrée le 10 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre du travail demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance et de rejeter la demande de la société Oliver Pub.

Elle soutient :

- que la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors que la décision litigieuse ne porte pas une atteinte grave et immédiate aux intérêts économiques et financiers de la société Oliver Pub en la privant d'une part importante de son chiffre d'affaires ; qu'en effet, cette société réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires en dehors de la période estivale ; que le prétendu déficit du compte bancaire de la société doit être regardé comme un incident momentané et que le chiffre d'affaires de la société est constant à hauteur d'un million d'euros chaque année ;

- que la décision contestée ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre de la société ;

- qu'en effet l'infraction de travail dissimulé est constituée, en ces éléments matériels et intentionnels, par le défaut de déclaration préalable à l'embauche pour huit salariés le 22 février 2018 et trois salariés le 23 mars 2018 ;

- que l'attitude de la société, qui, à deux reprises, n'a effectué les déclarations manquantes qu'après avoir fait l'objet d'un contrôle, démontre une volonté délibérée de ne pas respecter ses obligations déclaratives ;

- que la mesure de fermeture administrative de l'établissement pour une durée d'un mois est proportionnée à la gravité de l'infraction de travail dissimulé et à sa répétition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2018, la société Oliver Pub conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient :

- que la condition d'urgence est remplie, dès lors que son chiffre d'affaires a connu une baisse de 58 000 euros pour les quatre premiers mois de l'année 2018 et que l'activité de l'été lui est nécessaire pour éviter la faillite ;

- que la situation débitrice de son compte bancaire n'est pas un événement exceptionnel et que la société ne fait pas partie d'un groupe dans lequel des transferts financiers pourraient être opérés de façon licite ;

- que l'arrêté du 12 juillet 2018 du préfet de l'Hérault porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'entreprendre ;

- qu'en effet, s'agissant du prétendu manquement du 22 février 2018 concernant huit salariés, le défaut de déclaration préalable est dû à l'absence de personnel maîtrisant le logiciel de déclaration et que les déclarations ont été déposées le jour-même dans la boîte aux lettres de l'URSSAF ;

- que s'agissant du prétendu manquement du 23 mars 2018 concernant trois salariés, les déclarations ont été effectuées par le comptable depuis le siège administratif de l'entreprise ;

- que la sanction est disproportionnée à la gravité des faits.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la ministre du travail et, d'autre part, la société Oliver Pub ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 20 août 2018 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants de la ministre du travail ;

- Me Stéphane Laurent Texier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Oliver Pub ;

- le représentant de la société Oliver Pub ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au mardi 21 août 2018 à 10 heures, puis à 12 heures ;

La ministre du travail reprend les conclusions de sa requête d'appel et soutient, en outre, que le juge des référés a méconnu son office en modifiant la durée d'application de la décision litigieuse ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 août 2018, présenté par la société Oliver Pub qui indique en outre que le chiffre d'affaires de la société pour les huit premiers mois de l'année 2018 est en baisse de 61 % par rapport à 2017 et qui conclut au rejet de la requête.

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 août 2018, présenté par la ministre du travail qui conclut aux mêmes fins que la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. "

2. Aux termes de L. 8211-1 du code du travail : " Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : / 1° Travail dissimulé [...] ". Aux termes de l'article L. 8221-5 du même code : " Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:/ 1° (...) de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; (...) ". Aux termes enfin de l'article L. 8272-2 du même code : " Lorsque l'autorité administrative a connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 ou d'un rapport établi par l'un des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 constatant un manquement prévu aux mêmes 1° à 4°, elle peut, si la proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner par décision motivée la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois [...]. "

3. Il résulte de l'instruction que lors de deux contrôles effectués les

22 février 2018 et 23 mars 2018 dans l'établissement Oliver Pub, l'administration a relevé, lors du premier contrôle, que huit personnes en activité dans l'établissement n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et, lors du second, que trois personnes en activité n'avaient pas fait non plus l'objet d'une telle déclaration. Par un arrêté du 12 juillet 2018 le préfet de l'Hérault, se fondant sur la répétition de l'infraction et sur le nombre total de salariés concernés, a ordonné, en application des dispositions de l'article L. 8272-2 du code du travail citées ci-dessus, la fermeture de l'établissement pour une durée d'un mois. Par une ordonnance du 28 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de

cet arrêté à compter du 1er août 2018. La ministre du travail demande au juge des référés du

Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance et de rejeter les conclusions présentées par la société Oliver Pub.

4. La société Oliver Pub soutient, s'agissant des faits relevés lors du premier contrôle effectué le 22 février 2018 à partir de 19 h 55, qu'aucun responsable n'était disponible pour procéder aux déclarations préalables à l'embauche des huit salariés en cause par voie dématérialisée et que, face à cette situation, les déclarations préalables avaient été effectuées sur formulaires papier et déposées dans la boîte aux lettres de l'URSSAF le même jour peu après 17 h 30. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette démarche aurait été signalée à l'administration lors du contrôle. Par ailleurs, l'administration et la société Oliver Pub produisent des documents indiquant que des déclarations relatives à ces salariés ont été enregistrées par l'URSSAF après la réalisation du contrôle, le 23 février 2018, et la société n'établit pas, par exemple par une attestation de cet organisme, que les données ainsi enregistrées provenaient des formulaires papier qu'elle prétend avoir déposé la veille dans sa boîte aux lettres. Le manquement à l'obligation de déclaration préalable doit ainsi être regardé comme matériellement constitué, sans que la société établisse avoir été dans l'impossibilité d'y procéder à temps. S'agissant des faits relevés lors du second contrôle, effectué le 23 mars 2018 à partir de 19 h 15, l'enregistrement des déclarations préalables des trois salariés concernés par voie dématérialisée respectivement à 19 h 26, 19 h 28 et 19 h 32, alors que ces trois salariés étaient déjà en poste et que le contrôle venait de commencer, fait apparaître que le manquement à l'obligation définie à l'article L. 1221-10 du code du travail est matériellement caractérisé et qu'il résulte du fait intentionnel de l'entreprise.

5. Il résulte de ce qui précède que l'administration était fondée à édicter à l'encontre de la société Oliver Pub la sanction prévue par l'article L. 8272-2 du code du travail cité ci-dessus. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la réitération des faits et au nombre de salariés concernés, et alors que trois de ces salariés ont indiqué à l'administration avoir déjà été rémunérés dans le passé par la société Oliver Pub sans être déclarés auprès de l'URSSAF,

il n'apparaît pas qu'en ordonnant la fermeture de l'établissement pour une durée d'un mois, l'administration ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la ministre, d'annuler l'ordonnance attaquée et, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, de rejeter les conclusions présentées par la société Oliver Pub sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

6. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur ce fondement.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 28 juillet 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Oliver Pub sur le fondement des articles

L. 521-2 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre du travail et à la société Oliver Pub.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 423079
Date de la décision : 21/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 aoû. 2018, n° 423079
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:423079.20180821
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