La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/08/2018 | FRANCE | N°407541

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 16 août 2018, 407541


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 février et 26 mai 2017 et le 29 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 mars 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son encontre la sanction de révocation ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 mars 2014 du Président de la République le radiant des cadres de la magistrature à compter

du 12 mars 2014 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2016 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 février et 26 mai 2017 et le 29 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 mars 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son encontre la sanction de révocation ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 mars 2014 du Président de la République le radiant des cadres de la magistrature à compter du 12 mars 2014 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'abrogation du décret du 31 mars 2014 ;

4°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 janvier 2017 par laquelle le Président de la République a rejeté sa demande d'abrogation du décret du 31 mars 2014 ;

5°) d'ordonner la reconstitution de sa carrière ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la recommandation du comité des ministres du Conseil de l'Europe du 6 octobre 2000 relative au rôle du ministère public dans le système de justice pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la décision du 27 décembre 2017 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. B...A..., alors substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, a fait l'objet d'une sanction de révocation prononcée par le garde des sceaux, ministre de la justice, le 5 mars 2014, après avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature rendu le 28 janvier 2014. Par un décret du Président de la République en date du 31 mars 2014, M. A...a été radié des cadres de la magistrature à compter du 12 mars 2014. M. A...a ultérieurement demandé au Président de la République la " réformation " de la décision de révocation et l'abrogation du décret le radiant des cadres au motif qu'il avait été relaxé par la cour d'appel de Paris des fins de poursuite pour certains des faits ayant motivé sa révocation. Par décision du 22 décembre 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté les demandes de M.A.... Ce dernier a à nouveau saisi le Président de la République qui a rejeté sa demande le 12 janvier 2017. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de révocation du 5 mars 2014, du décret du 31 mars 2014, de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant sa demande d'abrogation du décret du 5 mars 2014 ainsi que de la décision du Président de la République du 12 janvier 2017.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de révocation du 5 mars 2014 et le décret de radiation des cadres du 31 mars 2014 :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a reçu notification de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 5 mars 2014 et du décret du 31 mars 2014 le radiant des cadres. Les lettres de notification comportaient l'indication des voies et délais de recours exigée par l'article R. 421-5 du code de justice administrative. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 mars 2014 et le décret du 31 mars 2014 ont été présentées au-delà du délai de deux mois pendant lequel un recours pour excès de pouvoir pouvait être exercé contre ces actes. Elles doivent, en conséquence, être rejetées comme tardives.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du Président de la République du 12 janvier 2017 :

4. Si M. A...soutient que, par sa décision du 12 janvier 2017, le Président de la République a rejeté sa demande d'abrogation du décret du 31 mars 2014, il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande que lui a adressé le requérant par lettres des 29 et 30 décembre 2016, que ce dernier se bornait à solliciter un entretien du Président de la République. Ainsi, la décision du 12 janvier 2017 lui opposant un refus n'a pas la portée que lui prête M. A...et ne constitue pas une décision faisant grief. Par suite, ses conclusions dirigées contre cette décision sont irrecevables.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 22 décembre 2016 :

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 22 décembre 2016 doit être regardée comme refusant, d'une part, de proposer au Président de la République l'abrogation du décret de radiation de M.A..., d'autre, de réexaminer la situation de ce dernier au regard de la décision de relaxe dont il a bénéficié.

6. En premier lieu, le garde des sceaux, ministre de la justice, compétent pour prononcer une sanction, y compris de révocation, à l'égard d'un magistrat du parquet en vertu de l'article 48 de l'ordonnance portant loi organique relative au statut de la magistrature du 22 décembre 1958, qui ne méconnait pas sur ce point les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, le point 5 de la recommandation (2000)19 adoptée le 6 octobre 2000 par le comité des ministres du Conseil de l'Europe, est compétent pour rejeter ainsi qu'il l'a fait une demande tendant à un nouvel examen de la situation du magistrat ayant fait l'objet d'une telle sanction. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de M. A...tendant à l'abrogation du décret le radiant des cadres du corps judiciaire serait entachée d'incompétence doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a pour base légale le premier acte ou a été prise pour son application.

8. La décision rejetant la demande de M. A...tendant à l'abrogation de la décision le radiant des cadres du corps judiciaire et au réexamen de sa situation, ne trouve pas sa base légale dans la décision de révocation ou dans la décision de radiation et n'est pas davantage prise pour leur application. Par suite, M. A...ne peut utilement exciper, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision rejetant sa demande d'abrogation du décret du 31 mars 2014 et de réexamen de sa situation, de l'illégalité des décisions de révocation et de radiation des cadres prises à son encontre.

9. En dernier lieu, l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs ne s'attache qu'aux constatations de fait contenues dans leur jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif dudit jugement. La personne qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire a droit à ce que sa situation soit réexaminée lorsque les faits qui ont motivé la sanction et qui avaient fait l'objet de poursuites pénales ont donné lieu à un jugement de relaxe.

10. Il ressort des pièces du dossier que la sanction de révocation prononcée à l'encontre de M. A...est fondée sur des carences professionnelles d'une particulière gravité incompatibles avec les devoirs de son état de magistrat et une méconnaissance de ses devoirs de prudence et d'impartialité à l'occasion de la rédaction d'un courrier adressé à un avocat pour servir dans une procédure devant une juridiction étrangère ainsi que sur des déclarations mensongères auprès de l'administration fiscale concernant ses frais professionnels et le versement d'une pension alimentaire, constituant un manquement grave à son devoir de probité et portant atteinte à l'image de la justice et au crédit de l'institution judiciaire. L'arrêt du 30 septembre 2016 de la cour d'appel de Paris relaxant M. A...des poursuites de blanchiment de fraude fiscale ne remet pas en cause la matérialité des faits reprochés à l'intéressé. Il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, a illégalement refusé de procéder à un nouvel examen de sa situation à la suite de l'arrêt qui l'a relaxé et de " réformer " la décision de révocation qu'il a prononcée à son encontre en raison de son caractère disproportionné.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque. Il suit de là que ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 aoû. 2018, n° 407541
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 16/08/2018
Date de l'import : 21/08/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 407541
Numéro NOR : CETATEXT000037317279 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-08-16;407541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award