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26/07/2018 | FRANCE | N°421612

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 26 juillet 2018, 421612


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 500 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 19 novembre 2012 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-50-10-40 en tant qu'ils prévoient que l'impôt étranger n'est imputable sur l'impôt sur le revenu dû en cas de transfert du domicile fiscal hors de France qu'à proportion du rapport entre le montan

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 500 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 19 novembre 2012 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-50-10-40 en tant qu'ils prévoient que l'impôt étranger n'est imputable sur l'impôt sur le revenu dû en cas de transfert du domicile fiscal hors de France qu'à proportion du rapport entre le montant de la plus-value latente, calculé après application de l'abattement pour durée de détention, et la plus-value imposée par l'Etat de résidence ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 63 ;

- le code général des impôts, notamment son article 167 bis ;

- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;

- la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du 5 du VIII de l'article 167 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 : " L'impôt éventuellement acquitté par le contribuable dans son Etat de résidence dans les cas prévus au a du 1 du VII est imputable, dans la limite de l'impôt définitif dû en France : / a) Sur les prélèvements sociaux afférents à la plus-value calculée en application du premier alinéa du 2 du I et des 1 et 4 bis, à proportion du rapport entre, d'une part, cette même plus-value et, d'autre part, l'assiette de l'impôt acquitté hors de France ; / b) Puis, pour le reliquat, sur l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value calculée en application des 2 à 3 du I et des 1,3 et 4 bis, à proportion du rapport entre, d'une part, cette même plus-value et, d'autre part, l'assiette de l'impôt acquitté hors de France. ".

3. M. et Mme B...demandent le renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du b du 5 du VIII de l'article 167 bis précité, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013. Ils soutiennent que ce b est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques en tant qu'il prévoit, pour le calcul de la fraction de l'impôt étranger imputable sur l'impôt sur le revenu dû à raison d'une plus-value latente imposable en cas de transfert du domicile fiscal hors de France, l'application à cette plus-value de l'abattement pour durée de détention, ce dont il résulterait une double imposition juridique de la plus-value contraire à l'objectif poursuivi par le législateur tel qu'il est exprimé dans les travaux parlementaires de cette loi.

4. Toutefois, le litige soulevé par M. et Mme B...a trait aux commentaires administratifs publiés au BOFiP - Impôts le 19 novembre 2012, qui sont relatifs au 5 du VIII de l'article 167 bis dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. La disposition dont la conformité à la Constitution est contestée n'est, en conséquence, pas applicable au présent litige.

5. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les énonciations attaquées réitèreraient des dispositions législatives qui portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur l'autre moyen de la requête :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. ".

7. Aux termes du paragraphe 500 des commentaires administratifs publiés au BOFiP - Impôts le 19 novembre 2012 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-50-10-40 : " Afin de permettre son imputation, l'impôt acquitté hors de France (dans l'État de résidence du contribuable) est converti en euros sur la base du taux de change en vigueur à la date de son paiement. / La fraction de l'impôt étranger est, dans un premier temps, imputable sur les prélèvements sociaux dus sur la plus-value latente (plafonnée au montant de la plus-value réelle) puis, dans un second temps, sur l'impôt sur le revenu dû sur cette même plus-value latente (déterminée en fonction du montant de la plus-value réelle et de l'abattement pour durée de détention déterminé au jour de la cession ou du rachat). / (...) ".

8. M. et Mme B...soutiennent que ces commentaires réitèrent les dispositions du 5 du VIII de l'article 167 bis, qui sont incompatibles avec la liberté de circulation des capitaux qui découle de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en tant qu'elles conduisent à imposer, lors de la cession des titres grevés d'une plus-value latente taxable au titre de cet article 167 bis, un ancien résident français devenu résident étranger plus lourdement qu'un résident français.

9. Toutefois, l'imposition des plus-values latentes constatées lors du transfert du domicile fiscal hors de France, qui est dépourvue de lien avec tout transfert de capitaux, n'emporte par elle-même aucune conséquence sur la liberté de circulation des capitaux.

10. En tout état de cause, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale qu'un redevable cédant des titres qui étaient grevés, à la date du transfert de son domicile fiscal hors de France, d'une plus-value latente pour l'imposition de laquelle il a bénéficié d'un sursis de paiement, supporte du fait de la décision de son Etat membre de résidence d'exercer sa compétence fiscale, le désavantage pouvant résulter pour lui de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constituant pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation de capitaux prohibée par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La loi française ne soumettant pas les gains nets qu'un contribuable retire de la cession de valeurs mobilières à l'impôt en France dans des conditions différentes selon que celui-ci a transféré son domicile fiscal hors de France ou est demeuré résident de ce pays, la discrimination alléguée manque en fait.

11. Par suite, le moyen de la requête tiré de la méconnaissance de l'article 63 précité ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des énonciations attaquées. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B....

Article 2 : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 421612
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 421612
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:421612.20180726
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