Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 414261, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 septembre 2017 et les 9 janvier et 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 6 juillet 2017 de l'Agence française de lutte contre le dopage lui infligeant la sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et, subsidiairement, de réformer cette décision en ramenant la sanction à une durée qui ne saurait être supérieure à six mois d'interdiction ;
2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° sous le n° 416215, par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 4 décembre 2017 et 5 mars, 5 avril et 3 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Agence mondiale antidopage demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 6 juillet 2017 de l'Agence française de lutte contre le dopage en tant qu'elle a limité à deux ans la sanction de l'interdiction infligée à M. B...de participer aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby, par la Fédération française du sport d'entreprise, par la Fédération sportive et culturelle de France, par la Fédération sportive et gymnique du travail et par l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique ;
2°) d'interdire pendant une durée de quatre ans la participation de M. B...à ces manifestions sportives ou, subsidiairement, d'enjoindre à l'Agence française de lutte contre le dopage de se prononcer à nouveau sur la situation de M. B...;
3°) d'ordonner la publication de la décision du Conseil d'Etat aux bulletins officiels du ministère des sports, de la Fédération française de rugby à XIII, de la Fédération française de rugby, dans " Sports d'entreprise ", publication de la Fédération française du sport d'entreprise, au bulletin officiel de la Fédération sportive et culturelle de France, dans " Sports et plein air ", publication de la Fédération sportive et gymnique du travail, et dans " En jeu, une autre idée du sport ", publication de l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique ;
4°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- le code du sport ;
- la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, notamment son article 221 ;
- l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 ;
- l'ordonnance n° 2015-1207 du 30 septembre 2015 ;
- la décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M.B..., à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Agence mondiale anti-dopage ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 10 juillet 2018, présentées par M. B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 juillet 2018, présentée par l'Agence mondiale antidopage ;
1. Considérant que les requêtes de M. B...et de l'Agence mondiale antidopage sont dirigées contre la même sanction ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution que lorsque le Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article 61-1, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article 62 en déterminant, après avoir déclaré inconstitutionnelle une disposition législative, les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, il appartient au juge administratif, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a fait l'objet, le 8 février 2017, d'une sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII, sous réserve de la déduction de la période de suspension provisoire prononcée par l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de cette fédération ; que, par une décision du 4 avril 2017, la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII a assorti cette sanction d'un sursis de vingt-et-un mois ; que, sur le fondement du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage a décidé, le 4 mai 2017, de se saisir des faits relevés à l'encontre de M. B...; que, par une décision du 6 juillet 2017, le collège de l'Agence a infligé à l'intéressé la sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII ainsi que par la Fédération française de rugby, la Fédération française du sport d'entreprise, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération sportive et gymnique du travail et l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique ;
5. Considérant que M. B...demande l'annulation de la sanction qui lui a été infligée ; que l'Agence mondiale antidopage demande que le Conseil d'Etat annule cette sanction en tant qu'elle limite à deux ans la durée de l'interdiction infligée à M. B...et interdise pendant une durée de quatre ans la participation de M. B...à ces manifestions sportives ou, subsidiairement, enjoigne à l'Agence française de lutte contre le dopage de se prononcer à nouveau sur la situation de M. B...;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-22 du code du sport, issu de l'ordonnance du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage, ratifiée par la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs : " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / (...) 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées " ;
7. Considérant que, par sa décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport ; que, s'il a reporté au 1er septembre 2018 la date de l'abrogation de ces dispositions et a décidé qu'il y avait lieu de juger que " pour préserver le rôle régulateur confié par le législateur à l'agence française de lutte contre le dopage jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er septembre 2018, le 3° de l'article L. 232-22 du code du sport impose à l'agence française de lutte contre le dopage de se saisir de toutes les décisions rendues en application de l'article L. 232-21 du même code postérieurement à la présente décision et de toutes les décisions rendues antérieurement à cette décision dont elle ne s'est pas encore saisie dans les délais légaux ", il a expressément jugé que " la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances relatives à une décision rendue sur le fondement de l'article L. 232-21 dont l'agence s'est saisie en application des dispositions contestées et non définitivement jugées à la date de la présente décision " ;
8. Considérant que l'instance engagée par M. B...avant que n'intervienne la décision du Conseil constitutionnel n'était pas définitivement jugée à la date de cette décision ; que M. B...peut dès lors, conformément à ce qu'a jugé le Conseil constitutionnel, se prévaloir de l'inconstitutionnalité des dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport ; qu'il est en conséquence fondé à demander l'annulation de la décision de l'Agence française de lutte contre le dopage qu'il attaque, qui a été prise sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ;
9. Considérant que l'annulation de la sanction infligée le 6 juillet 2017 à M. B... par l'Agence française de lutte contre le dopage rend sans objet les conclusions de l'Agence mondiale antidopage tendant à l'annulation de cette sanction en tant qu'elle serait d'une sévérité insuffisante ;
10. Considérant qu'en l'espèce, l'irrégularité des conditions dans lesquelles l'Agence française de lutte contre le dopage s'est saisie des manquements imputés à M. B...l'empêche de statuer à nouveau sur cette affaire ; que, si l'Agence mondiale antidopage peut, en vertu du second alinéa de l'article L. 232-24 du code du sport, saisir le Conseil d'Etat d'un recours, qui a la nature d'un recours de pleine juridiction, contre l'une des décisions de l'Agence française de lutte contre le dopage prises en application de l'article L. 232-22 du même code, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, après avoir annulé pour irrégularité la décision de sanction prise par l'Agence française de lutte contre le dopage, de se substituer à cette Agence pour apprécier s'il y a lieu d'infliger à l'intéressé une sanction à raison des faits qui lui sont reprochés ; que, par suite, les conclusions présentées par l'Agence mondiale antidopage tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige lui-même une sanction à M. B...à raison de l'ensemble des circonstances du contrôle antidopage effectué le 5 octobre 2016 ou, subsidiairement, à ce qu'il soit enjoint à l'Agence française de lutte contre le dopage de se prononcer à nouveau sur la situation de l'intéressé doivent être rejetées ;
11. Considérant, toutefois, que l'annulation par la présente décision de la sanction du 6 juillet 2017 de l'Agence française de lutte contre le dopage fait revivre la décision de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII du 4 avril 2017 qui a prononcé à l'encontre de M. B...la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans, dont vingt-et-un mois avec sursis, aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération ; qu'à la date à laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage s'était autosaisie de la procédure disciplinaire contre M.B..., le délai de recours dont disposait l'Agence mondiale antidopage pour contester la sanction prononcée par la commission disciplinaire d'appel de la fédération n'était pas expiré ; que, par suite, le délai de recours contentieux contre la décision de sanction prise par la commission disciplinaire d'appel de la fédération court à nouveau à l'égard de l'Agence mondiale antidopage à compter de la notification de la présente décision ; qu'il appartient le cas échéant à l'Agence mondiale antidopage, si elle s'y croit fondée, d'introduire un recours contre cette décision ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage ou de l'Agence mondiale antidopage ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 6 juillet 2017 de l'Agence française de lutte contre le dopage est annulée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'Agence mondiale antidopage tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2017.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à l'Agence mondiale antidopage, à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la Fédération française de rugby à XIII. Copie en sera adressée à la ministre des sports.