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18/07/2018 | FRANCE | N°417266

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18 juillet 2018, 417266


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 janvier, 13 mars et 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 14 septembre 2016 du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, en tant qu'elle porte le taux des pénalités, pour le

s demandes de régularisation déposées à compter du 14 septembre 2016, de 15 à...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 janvier, 13 mars et 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 14 septembre 2016 du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, en tant qu'elle porte le taux des pénalités, pour les demandes de régularisation déposées à compter du 14 septembre 2016, de 15 à 25 % pour les contribuables dits " passifs " et de 30 à 35 % pour les contribuables dits " actifs " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : / (...) 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives ". Par une circulaire du 21 juin 2013, ultérieurement modifiée notamment par une circulaire du 12 décembre 2013 et par la circulaire attaquée du 14 septembre 2016, le ministre délégué chargé du budget a entendu définir, à titre transitoire, des modalités d'exercice du pouvoir de transiger que la loi reconnaît ainsi à l'administration fiscale, pour le traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, notamment dans le but d'inciter les contribuables concernés à déposer de telles déclarations, constitutives d'autant de demandes de transaction.

Sur la méconnaissance alléguée de la portée de la décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 du Conseil constitutionnel :

2. Par une décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, comme instituant une sanction manifestement disproportionnée, le deuxième alinéa du IV de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012, qui prévoyait, à partir d'un certain montant d'avoirs, une amende fiscale proportionnelle au solde créditeur d'un compte non déclaré ouvert, utilisé ou clos à l'étranger par un contribuable fiscalement domicilié.en France

3. Par la circulaire attaquée du 14 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics ont, tirant les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel, rappelé sa portée à leurs services pour l'amende fiscale proportionnelle alors codifiée au second alinéa du IV de l'article 1736 du code général des impôts. En outre, ils leur ont indiqué que l'exercice du pouvoir de transiger en matière de pénalités, dans le cadre défini au point 1 ci-dessus, devrait se traduire, par rapport à ce que prévoyait la précédente circulaire du 12 décembre 2013 du ministre délégué chargé du budget, par une moindre atténuation des majorations forfaitaires de 40 % pour manquement déclaratif encourues en application du 5 de l'article 1728 du code général des impôts et de l'article 1729 du même code.

4. Le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée méconnaîtrait sur ces points l'article 62 de la Constitution en remettant en cause la décision du Conseil constitutionnel visée ci-dessus, relative à l'amende prévue au IV de l'article 1736 du même code, ne peut qu'être écarté. Est indifférente à cet égard la circonstance, à la supposer établie, que les auteurs de la circulaire n'auraient poursuivi d'autre objectif que le maintien d'un niveau global d'atténuation des majorations et amendes encourues par les contribuables.

Sur la méconnaissance alléguée du principe d'égalité :

5. En premier lieu, si le requérant soutient que, en ce qu'elle modifie, dans la mesure décrite au point 3 ci-dessus, les modalités d'exercice par l'administration fiscale de son pouvoir de transiger, la circulaire attaquée méconnaît le principe d'égalité, en créant une différence de traitement entre les demandes de régularisation déposées avant son entrée en vigueur et les demandes déposées après cette date, un tel moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté dès lors que les contribuables n'ont aucun droit au maintien des conditions dans lesquelles l'administration fiscale envisage d'user de la faculté que lui donne la loi de conclure des transactions ;

6. En deuxième lieu, les modalités d'application des majorations pour manquement déclaratif délibéré envisagées par la circulaire attaquée reprennent la distinction, déjà mentionnée par la première circulaire mentionnée au point 1 ci-dessus, entre les avoirs reçus dans le cadre d'une succession ou d'une donation ou constitués par le contribuable lorsqu'il ne résidait pas fiscalement en France, d'une part, et les avoirs d'autres origines, constitués notamment par le contribuable lorsqu'il résidait fiscalement en France, d'autre part. Le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir qu'une telle distinction, qui repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi par l'exercice du pouvoir de transiger dans le cadre décrit au point 1 ci-dessus, méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

7. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination résultant de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement soulevé indépendamment de l'invocation du droit ou de la liberté garanti par la convention dont la jouissance serait affectée par la discrimination alléguée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation partielle de la circulaire attaquée. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417266
Date de la décision : 18/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2018, n° 417266
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417266.20180718
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