La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2018 | FRANCE | N°414742

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 18 juillet 2018, 414742


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 septembre 2017 et 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société NRJ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 26 juillet 2017 par laquelle le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de respecter les stipulations de l'article 3-2 de l'annexe III de la convention du 2 octobre 2012 relatives à la diffusion d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France ;

2

°) de mettre à la charge du CSA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 septembre 2017 et 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société NRJ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 26 juillet 2017 par laquelle le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de respecter les stipulations de l'article 3-2 de l'annexe III de la convention du 2 octobre 2012 relatives à la diffusion d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France ;

2°) de mettre à la charge du CSA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 34 et 56 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

1. Considérant que l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication subordonne la délivrance de l'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique à tout service diffusé par voie hertzienne terrestre, autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation ; qu'aux termes du premier alinéa du 2° bis de cet article, cette convention porte notamment sur " la proportion substantielle d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France, qui doit atteindre un minimum de 40 % de chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, diffusées aux heures d'écoute significative par chacun des services de radio autorisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour la part de ses programmes composée de musique de variétés " ; que les alinéas suivants de ce même 2° bis prévoient, pour les radios répondant à certains critères, des règles de quotas dérogatoires portant notamment sur la programmation de nouveaux talents et de nouvelles productions ; que la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a complété le 2° bis par un alinéa introduisant un mécanisme dit de " plafonnement des rotations " ou " malus ", ainsi défini : " Dans l'hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur les dix oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France les plus programmées par un service, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ou n'intervenant pas à des heures d'écoute significative ne sont pas prises en compte pour le respect des proportions fixées par la convention pour l'application du présent 2° bis " ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 4-2-1 de la convention relative au service radiophonique " NRJ ", conclue le 2 octobre 2012, en application de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, entre le CSA et la société NRJ, éditrice de ce service, le conseil supérieur peut mettre l'éditeur en demeure de respecter ses obligations conventionnelles ; que, le 26 juillet 2017, le CSA a, sur le fondement de cet article, mis la société en demeure de respecter les stipulations de la convention relatives à la diffusion par cette société d'une proportion substantielle d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France conformément aux dispositions précitées de l'article 2° bis de la loi du 30 septembre 1986 ; que la société NRJ demande l'annulation de cette mise en demeure ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant que les dispositions et stipulations qui confèrent au CSA le pouvoir de procéder à une mise en demeure impliquent qu'un tel acte, alors même qu'il n'entre dans aucune des catégories de décisions administratives qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, mentionne les faits constatés par le CSA ainsi que les obligations dont il estime qu'elles ont été méconnues et auxquelles il invite l'éditeur, le distributeur ou l'opérateur à se conformer à l'avenir ; que, contrairement à ce que soutient la société NRJ, la mise en demeure qui lui a été adressée le 26 juillet 2017 comporte l'ensemble de ces éléments ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres " ; qu'aux termes de l'article 56 de ce traité : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation... " ; que la société requérante soutient que la mise en demeure attaquée et les dispositions législatives qu'elle met en oeuvre méconnaissent ces stipulations en apportant aux importations et à la libre prestation des services dans l'Union des restrictions qui ne sont ni nécessaires pour atteindre l'objectif d'intérêt général défini par le législateur, ni proportionnées à cet objectif ;

5. Considérant que l'obligation faite aux titulaires d'autorisations d'usage de la ressource radioélectrique de diffuser une proportion substantielle d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France constitue un élément de politique culturelle défini par le législateur dans l'intérêt général et ayant pour but d'assurer à la fois la défense et la promotion de la langue française et des langues de France et le renouvellement du patrimoine musical francophone ; que le dispositif de " plafonnement des rotations " introduit au 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 n'a pas pour objet d'augmenter la proportion de chansons d'expression française diffusées par les éditeurs de services de radio, mais vise seulement à favoriser la diversité des titres francophones programmés ; qu'à supposer même qu'il ait pour effet indirect de conduire les éditeurs qui maintiendraient un niveau important de rotation des mêmes titres à programmer une quantité plus importante de chansons d'expression française au détriment du répertoire en langue étrangère, la restriction quantitative à l'importation de marchandises ou la limitation à la libre prestation des services qui en résulteraient sont justifiées par l'objectif d'intérêt général qui vient d'être rappelé, alors au surplus qu'elles trouveraient leur origine dans le choix des éditeurs concernés de ne pas diversifier la programmation francophone afin de maintenir une même part de chansons en langue étrangère ; qu'ainsi les dispositions de l'article 2° bis de l'article 28, telles qu'elles résultent de la loi du 7 juillet 2016 précitée et sur lesquelles se fonde la mise en demeure attaquée, n'apparaissent pas disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi, dès lors qu'elles sont propres à en garantir la réalisation et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ;

6. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la société NRJ n'est pas fondée à demander l'annulation de la mise en demeure qu'elle attaque ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société NRJ est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société NRJ, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la ministre de la culture.


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414742
Date de la décision : 18/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2018, n° 414742
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Leforestier
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:414742.20180718
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award