Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Beaudonnet Serge a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction, d'une part, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014, dans les rôles de la commune de Lectoure (Gers), d'autre part, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la même commune. Par un jugement nos 1601089, 1601090 du 6 juillet 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 6 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Beaudonnet Serge demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la société Beaudonnet Serge.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte du 28 avril 2009, la société Beaudonnet Serge, qui exerce une activité de mécanique générale et de fabrication de bennes et polybennes à Lectoure (Gers), a exercé l'option d'achat prévue par un contrat de crédit-bail qu'elle avait conclu avec la communauté de communes de la Lomagne gersoise, acquérant ainsi un terrain et un bâtiment à usage industriel. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a réévalué ses bases d'imposition à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises au titre des années postérieures à 2012, en estimant qu'elles devaient être déterminées, en application de la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts, à partir du prix de revient d'origine du bien pour le crédit bailleur, tel que mentionné au contrat de bail. Par un jugement du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de la société Beaudonnet Serge tendant à la réduction, d'une part, des suppléments de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2012 à 2014, à concurrence de 85 105 euros, et, d'autre part, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, à concurrence de 72 132 euros. La société se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il statue sur cette seconde demande.
2. D'une part, aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide de coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1499-0 A de ce code, issu du I de l'article 100 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 et applicable, en vertu du III de ce même article 100, à compter des impositions établies au titre de l'année 2009 et aux seules acquisitions postérieures au 31 décembre 2006 : " Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 pris en crédit-bail sont acquis par le crédit-preneur, la valeur locative de ces biens ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année d'acquisition ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1500 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / - selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ". Selon l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. / (...) La valeur d'origine à prendre en considération est le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale. Il en est de même pour les immobilisations partiellement réévaluées ou amorties en tout ou en partie ". L'article 38 quinquies de cette annexe prévoit que : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. / (...) ". L'article 324 AF de la même annexe dispose : " Lorsqu'il ne résulte pas des énonciations du bilan, le prix de revient est déterminé, en tant que de besoin, à partir de tous documents comptables ou autres pièces justificatives et à défaut par voie d'évaluation sous réserve du droit de contrôle de l'administration ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la valeur locative minimale applicable, à compter de 2009, à l'acquéreur de biens immobiliers industriels auprès d'un crédit-bailleur, au sens et pour l'application de l'article 1499-0 A du code général des impôts, est la valeur locative qui devait être effectivement retenue l'année de l'acquisition pour l'imposition du crédit-bailleur, y compris dans le cas où ce précédent propriétaire relevait, lors de l'acquisition, des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, sous réserve des omissions d'imposition éventuellement constatées chez ce dernier. Toutefois, les dispositions dérogatoires de l'article 1499-0A du code général des impôts ne trouvent à s'appliquer que dans l'hypothèse où la valeur locative plancher qu'elles instituent est supérieure à la valeur locative des immobilisations industrielles en cause déterminée, dans les conditions de droit commun prévues à l'article 1499, à partir du prix de revient de ces immobilisations pour le crédit preneur, qui correspond au montant acquitté lors de la levée d'option, majoré de la fraction hors intérêt des loyers prévus par le contrat et versés antérieurement à la levée d'option qui excède le coût de la mise à disposition du bien, ou qui, à défaut de ces éléments, s'entend de la différence entre, d'une part, la valeur du bien au moment de la signature du contrat de crédit-bail et, d'autre part, le total des dotations aux amortissements qui auraient été enregistrées si le bien avait été acquis dès ce moment, au regard notamment des engagements hors bilan. Si la valeur locative déterminée en application de l'article 1499 du code général des impôts à partir du prix de revient ainsi établi est supérieure à la valeur minimale définie par l'article 1499-0 A du code général des impôts, elle doit être retenue pour l'établissement des bases d'imposition.
5. En jugeant que l'administration avait légalement pu retenir, pour établir les bases d'imposition des années postérieures à l'acquisition par le crédit-preneur des biens immobiliers industriels en litige, la valeur locative résultant de l'application de la méthode de l'article 1499 du code général des impôts au prix de revient d'origine du bien pour le crédit-bailleur, tel que mentionné initialement par le contrat de crédit-bail, alors qu'il convenait de retenir soit la valeur locative effectivement retenue l'année de l'acquisition pour l'imposition du crédit-bailleur, lequel était une collectivité publique non soumise aux obligations prévues à l'article 53 A du code général des impôts, soit celle qui résulte de l'application des règles de l'article 1499 au prix de revient de l'immobilisation pour le crédit-preneur dans les conditions indiquées au point 4, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Beaudonnet Serge est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Pau.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Beaudonnet Serge et au ministre de l'action et des comptes publics.