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11/07/2018 | FRANCE | N°396968

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 11 juillet 2018, 396968


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 février et 3 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 370 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 2 juillet 2015 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 en tant qu'ils excluent du champ d'application des abattements pour durée de détention les plus-values réalisées antérieurem

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 février et 3 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 370 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 2 juillet 2015 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 en tant qu'ils excluent du champ d'application des abattements pour durée de détention les plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts ;

2°) à titre subsidiaire, de leur reconnaître le bénéfice du taux d'imposition de 19 % prévu au 2 bis de l'article 200 A dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

3°) de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité des modalités d'imposition des plus-values placées en report d'imposition avec les dispositions de l'article 8 de la directive n° 2009/133/CE du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, ainsi qu'au transfert du siège statutaire d'une SE ou d'une SCE d'un Etat membre à un autre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, notamment son article 10 ;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, notamment son article 17 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, notamment son article 23-5 ;

- la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 du Conseil constitutionnel ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 mars 2018, Jacob et Lassus (C-327/16 et C-421/16) ;

- la décision du 19 juillet 2016 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B...;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dans sa version issue de l'article 18 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 applicable aux plus-value réalisées à compter du 14 novembre 2012 : " L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'elles ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. Le montant de la plus-value est ainsi calculé en appliquant les règles d'assiette en vigueur l'année de sa réalisation, mais son imposition obéit aux règles de calcul de l'impôt en vigueur l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition.

3. En vertu du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013 et résultant de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont pris en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. L'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 dispose, au deuxième alinéa de son 1, que : " Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7,7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...) ". Il définit, à son 1 ter, l'abattement pour durée de détention de droit commun et, à son 1 quater, l'abattement pour durée de détention renforcé applicable à certaines situations. Le III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013.

4. Le paragraphe 370 des commentaires administratifs publiés au BOFiP-Impôts le 2 juillet 2015 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 indique que les plus-values dont le report d'imposition expire sont imposables suivant les règles de taxation en vigueur au titre de l'année d'expiration du report pour en déduire que les plus-values placées en report d'imposition pour lesquelles le report expire à compter du 1er janvier 2013 sont donc imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Il précise que " S'agissant d'une règle d'assiette, les abattements prévus au 1 de l'article 150-0 D du CGI et à l'article 150-0 D ter du CGI ne s'appliquent pas à ces plus-values ".

5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été rappelé au point 2 ci-dessus que les dispositions relatives aux abattements pour durée de détention qui, ainsi que l'a d'ailleurs également jugé le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016, constituent une règle de détermination de l'assiette des plus-values mobilières, ne peuvent dès lors s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition, la circonstance que la cession mettant fin à ce report intervient après le 1er janvier 2013 étant sans incidence à cet égard. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que les commentaires administratifs litigieux, en prévoyant que ces abattements ne s'appliquent pas aux plus-values placées en report d'imposition antérieurement au 1er janvier 2013 et pour lesquelles le report expire à compter du 1er janvier 2013, ajouteraient incompétemment aux dispositions de l'article 150-0 D du code général des impôts. En outre, dès lors que les commentaires en litige se bornent à réitérer une règle législative, le moyen tiré de ce qu'ils méconnaîtraient, en l'absence de dispositions transitoires, le principe de sécurité juridique, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, dans sa décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016, le Conseil constitutionnel a assorti sa déclaration de conformité à la Constitution des trois premiers alinéas du 1 ter et le A du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts d'une réserve d'interprétation en précisant au point 15 que ces dispositions ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de conduire à appliquer à des plus-values placées obligatoirement en report des règles d'assiette et de taux autres que celles applicables à la date fait générateur de l'imposition. Il en résulte que la plus-value résultant d'un apport à une société contrôlée réalisé entre le 14 novembre et le 31 décembre 2012, placée en report d'imposition en application des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, sera taxée, à l'expiration de ce report de plein droit, sans abattement, au taux forfaitaire de 24 % applicable à la date du fait générateur.

7. Si les requérants soutiennent qu'ils devraient pouvoir bénéficier du taux d'imposition de 19 %, applicable sur option dans certaines situations en vertu des dispositions combinées du deuxième alinéa du 1 du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 et du 2 bis de l'article 200 A dans sa rédaction résultant de cette loi, cette circonstance, à la supposée avérée, est sans incidence sur la légalité des commentaires administratifs attaqués, lesquels se bornent à prendre position sur l'application des abattements pour durée de détention.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents, ainsi qu'au transfert du siège statutaire d'une SE ou d'une SCE d'un État membre à un autre : " 1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé. / (...) 6. L'application des paragraphes 1, 2 et 3 n'empêche pas les États membres d'imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant l'acquisition. ".

9. M. et Mme B...soutiennent qu'il résulte de ces dispositions que les plus-values d'échange résultant des opérations qui entrent dans le champ de la directive " fusions " doivent être soumises au même régime d'imposition que les plus-values réalisées lors de la cession des titres reçus lors de l'échange et que, en énonçant que les plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition ne bénéficient pas, lorsque le report expire postérieurement à cette date, des abattements pour durée de détention, les commentaires attaqués réitèreraient des dispositions législatives qui seraient incompatibles, dans le champ de la directive " fusions " du 19 octobre 2009, avec les objectifs de son article 8 précité, ce dont il résulterait une différence de traitement constitutive d'une discrimination " à rebours ", au détriment des opérations placées hors du champ d'application territorial ou matériel de cette directive, et par suite d'une méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

10. Toutefois, le moyen tiré de ce que les dispositions législatives commentées par les énonciations attaquées seraient à l'origine d'une discrimination qui méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des commentaires administratifs litigieux. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 396968
Date de la décision : 11/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2018, n° 396968
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:396968.20180711
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