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04/07/2018 | FRANCE | N°419914

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 04 juillet 2018, 419914


Vu la procédure suivante :

M. B...A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance n° 1500076 du 11 février 2015, de condamner en conséquence la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 465 500 euros, ou subsidiairement la somme de 186 200 euros et, d'autre part, de réitérer l'injonction prononcée à l'encontre de la commune de Saint-Denis en fixant désormais l'astreinte à 1 000

euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1800212 du 30 mars 20...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance n° 1500076 du 11 février 2015, de condamner en conséquence la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 465 500 euros, ou subsidiairement la somme de 186 200 euros et, d'autre part, de réitérer l'injonction prononcée à l'encontre de la commune de Saint-Denis en fixant désormais l'astreinte à 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1800212 du 30 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a, d'une part, condamné la commune de Saint-Denis de la Réunion, au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance du 11 février 2015 à verser une somme de 192 400 euros à M. A...C...et, d'autre part, fixé la taux d'astreinte à 400 euros par jour de retard.

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 17 avril, 30 avril et 21 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commune de Saint-Denis de la Réunion demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion n° 1800212 du 30 mars 2018 ;

2°) de déclarer la demande de liquidation irrecevable en tant que tardive, subsidiairement, de rejeter la demande de liquidation d'astreinte présentée par M. A...C... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...C...la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle condamne la commune à verser au seul M. A...C...la totalité de la liquidation de l'astreinte, alors que celle-ci a été fixée au profit de l'ensemble des propriétaires indivis ;

- que cette ordonnance est entachée d'une dénaturation des faits, d'une erreur de droit et d'une contradiction de motifs en ce qu'elle juge que, d'une part, l'injonction de rapprochement des parties avait été suivie d'une médiation mais que, d'autre part, le délai de six mois fixé par l'ordonnance du 11 février 2015 pour mettre en oeuvre une solution de désenclavement n'avait pas été respecté et que, par suite, il y avait lieu de liquider l'astreinte pour la période du 12 août 2015 au 30 mars 2018 ;

- que cette ordonnance est entachée d'une erreur de droit en ce que le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion s'est abstenu d'opposer, soit la caducité, soit la tardiveté de la demande de liquidation d'astreinte présentée par M. A...C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2018, M. A...C...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis de la Réunion en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Saint-Denis de la Réunion ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Saint-Denis de la Réunion, d'autre part, M. A...C...;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 juin 2018 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Saint-Denis de la Réunion ;

- Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... C..., qui a présenté des conclusions incidentes tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat prononce la liquidation de l'astreinte à la date de sa décision ;

- Le représentant de M. A...C... ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, que le juge des référés statuant en application de l'article L. 521-2 est compétent pour connaître de conclusions qui tendent au prononcé d'une injonction, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du même code, ou d'une astreinte, sur le fondement de l'article L. 911-3, et s'il y a lieu pour liquider ultérieurement l'astreinte prononcée. Il en est de même, le cas échéant, du juge des référés statuant en appel.

2. Par une ordonnance n° 1500076 du 11 février 2015, devenue définitive, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, saisi par M. B...A...C...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a constaté que les agissements de la commune de Saint-Denis à l'égard de la propriété de l'indivision A...C..., laquelle se trouve enclavée depuis qu'ont été réalisés les travaux d'élargissement du chemin Bailly en 2008, étaient constitutifs d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété. Par la même ordonnance, le juge des référés a ordonné à la commune et à l'indivision A...C..." de se rapprocher pour définir les conditions de désenclavement de la propriété de l'indivision " et enjoint à la commune de " financer les travaux de réalisation de la voie aboutissant à la construction de l'indivision A...C...dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la présente ordonnance sous astreinte de 200 euros par jour de retard ". Par l'ordonnance attaquée du 30 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, après avoir jugé que le désenclavement de la propriété de l'indivision A...C...n'était pas réalisé, a liquidé l'astreinte fixée par cette ordonnance à la somme de 192 400 euros et porté le taux de l'astreinte à 400 euros par jour de retard. La commune de Saint-Denis demande l'annulation de cette ordonnance et le rejet des conclusions à fins de liquidation de l'astreinte. M. A...C...demande au juge des référés du Conseil d'Etat de rejeter l'appel de la commune et, par la voie de l'appel incident, de liquider l'astreinte à la date de sa décision.

3. Il résulte de l'instruction que l'ordonnance du 11 février 2015, enjoignant sous astreinte à la commune de Saint-Denis de la Réunion de rétablir l'accès à la voie publique de la propriété de l'indivision A...C..., a été rendue à la demande de M. A...C.... Il en résulte qu'en allouant à celui-ci, après avoir constaté que cette ordonnance n'avait pas été exécutée dans le délai requis, la somme résultant de la liquidation provisoire de l'astreinte, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit.

4. Il résulte de l'instruction qu'après avoir reçu notification de l'ordonnance du 11 février 2015, la commune a adressé le 30 juin 2015 au conseil de l'indivision A...C...un courrier dans lequel elle proposait de réaliser à ses frais une voie d'accès à la propriété en cause selon un tracé précis. Le conseil des consorts A...C...a répondu par courrier du 15 juillet 2015 en formulant une solution alternative par laquelle ces derniers proposaient à la commune de leur céder la parcelle 730 sise en contrebas de leur terrain et s'engageaient à réaliser à leur frais la voie de desserte interne de leur propriété. Il résulte notamment des indications données à l'audience que les discussions se sont ensuite poursuivies par l'intermédiaire des conseils des deux parties entre l'été 2015 et la fin 2017, englobant également les questions de la réalisation d'un mur de soutènement de la propriété de l'indivision, de l'empiètement sur le territoire de cette propriété qui a résulté du creusement du chemin Bailly et de l'abandon de la servitude instaurée par le plan local de l'urbanisme sur une partie de l'unité foncière de l'indivision. L'existence de discussions sur ces autres éléments est toutefois sans incidence sur le fait que la commune, qui avait privé d'accès à la voie publique la propriété de l'indivision A...C..., n'avait, à la date de l'ordonnance attaquée, toujours pas réalisé ni financé les travaux de désenclavement de cette propriété, en méconnaissance de l'injonction prononcée antérieurement et sans que cette circonstance ait résulté de l'opposition ou d'une manoeuvre des consortsA... C....

5. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. " Aux termes de l'article L. 911-8 du même code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant./ Cette part est affectée au budget de l'Etat. " Lorsqu'une partie présente une demande de liquidation d'astreinte plusieurs années après le jugement qui a prononcé l'astreinte, cette demande ne peut, sauf à priver d'effet le mécanisme de l'astreinte, se voir opposer son caractère tardif. Il relève en revanche des prérogatives du juge saisi de cette demande de liquidation de faire usage, le cas échéant, des dispositions qui viennent d'être citées et de modérer le montant de l'astreinte ou d'en allouer une partie à l'Etat. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de ramener à 100 000 euros le montant liquidé par le juge des référés et de prévoir que 20 000 euros seront alloués à M. A...C...et le solde à l'Etat.

6. M. A...C...présente expressément des conclusions incidentes tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat liquide l'astreinte à la date de sa décision. Si les deux parties ont échangé à l'audience des informations laissant à penser que la commune aurait, depuis l'intervention de l'ordonnance attaquée, entrepris des travaux de désenclavement de la propriété de l'indivision A...C..., ces éléments ne permettent pas de déterminer si et dans quelle mesure l'injonction prononcée aurait été exécutée. Il n'y a pas lieu, compte tenu de cette incertitude, de prononcer la liquidation provisoire ou définitive de l'astreinte à la date de la présente décision.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A...C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Saint-Denis de la Réunion à verser à M. A... C... sur ce fondement.

O R D O N N E :

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Article 1er : La somme que la commune de Saint-Denis de la Réunion est condamnée à payer en application de l'ordonnance attaquée est ramenée à 100 000 euros, qui seront alloués à M. A... C... à hauteur de 20 000 euros et au budget de l'Etat à hauteur de 80 000 euros.

Article 2 : L'ordonnance attaquée est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La commune de Saint-Denis de la Réunion est condamnée à verser à M. A...C...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des deux parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Saint-Denis de la Réunion et à M. B...A...C....

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 419914
Date de la décision : 04/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2018, n° 419914
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:419914.20180704
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