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21/06/2018 | FRANCE | N°400079

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 21 juin 2018, 400079


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de vigilance sur le patrimoine et l'environnement de Saint-Ouen (AVIPSO), MmesN..., F..., B...-R..., C...L..., D..., J..., etE..., M.K..., la SCI Albert et les sociétés LRD et Imo-Group ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation, d'une part, de la décision du maire de Saint-Ouen de signer la convention publique d'aménagement conclue le 8 juillet 2003 avec la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO) et, d'autre part, des arr

êtés en date du 15 mai 2006 et du 19 novembre 2007 par lesquels le préf...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de vigilance sur le patrimoine et l'environnement de Saint-Ouen (AVIPSO), MmesN..., F..., B...-R..., C...L..., D..., J..., etE..., M.K..., la SCI Albert et les sociétés LRD et Imo-Group ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation, d'une part, de la décision du maire de Saint-Ouen de signer la convention publique d'aménagement conclue le 8 juillet 2003 avec la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO) et, d'autre part, des arrêtés en date du 15 mai 2006 et du 19 novembre 2007 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis a, d'une part, déclaré d'utilité publique l'acquisition de parcelles nécessaires au projet de restructuration urbaine de la zone d'aménagement concerté de la " Porte de Saint Ouen " et, d'autre part, déclaré cessibles, au profit de la SEMISO, les parcelles concernées. Par un jugement n° 0606802, 0606804, 0711091, 0804059, 0804165, 0804303 en date du 3 mai 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à leurs demandes.

Par un arrêt n° 10VE02088 du 9 juin 2011, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur contre ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés préfectoraux des 15 mai 2006 et 19 novembre 2007.

Par une décision n° 351959 du 26 décembre 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un arrêt n° 14VE00166 du 24 mars 2016, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur le renvoi ainsi opéré, a rejeté l'appel du ministre de l'intérieur.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

1 Sous le n° 400079, par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 24 mai et 24 août 2016 et le 20 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Ouen demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14VE00166 du 24 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à la requête d'appel du ministre de l'intérieur ;

3°) de mettre à la charge, solidairement, de l'AVIPSO, de Mme H...F..., de l'indivisionI..., de la SARL Imo-Group, de Mme B...-Q...D..., de la SCI Albert, de M. A...K..., de Mme T...C...L...et de la société LRD, une somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2 Sous le n° 400084, par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 24 mai et 24 août 2016 et le 20 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen, SEMISO, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14VE00166 du 24 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à la requête d'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge, solidairement, de l'AVIPSO, de Mme H...F..., de l'indivisionI..., de la SARL Imo-Group, de Mme B...-Q...D..., de la SCI Albert, de M. A...K..., de Mme T...C...L...et de la société LRD, une somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3 Sous le n° 400161, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai et 10 août 2016 et le 8 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14VE00166 du 24 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a annulé l'arrêté préfectoral du 15 mai 2006 et qu'il a condamné l'Etat à verser aux requérants la somme de 13 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel pour la partie de ses conclusions qui concernait l'arrêté préfectoral du 15 mai 2006.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 ;

- le décret n° 86-455 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, conseiller d'Etat ;

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Commune de Saint-ouen , à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme F...H...et de Mme B...-Q...D..., à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la SCI Albert , à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-ouen , à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme H...F...et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme B...G...;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 3 mai 2010 rendu sur demande de l'association de vigilance sur le patrimoine et l'environnement de Saint-Ouen (AVIPSO), MmesN..., F..., B...-R..., C...L..., D..., J..., etE..., M.K..., la SCI Albert et les sociétés LRD et Imo-Group, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du maire de Saint-Ouen de signer la convention publique d'aménagement conclue le 8 juillet 2003 avec la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO), ainsi que les arrêtés en date du 15 mai 2006 et du 19 novembre 2007 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis a, d'une part, déclaré d'utilité publique l'acquisition de parcelles nécessaires au projet de restructuration urbaine de la zone d'aménagement concerté de la " Porte de Saint Ouen " et, d'autre part, déclaré cessibles, au profit de la SEMISO, les parcelles concernées. Le ministre de l'intérieur a formé un appel contre ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 15 mai 2006 et du 19 novembre 2007. La commune de Saint-Ouen, la SEMISO et le ministre de l'intérieur se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 24 mars 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur renvoi, a rejeté l'appel du ministre.

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par la SCI Albert :

3. La circonstance que la commune de Saint-Ouen et la SEMISO ont conclu, le 26 janvier 2011, un protocole de résolution amiable de la convention publique d'aménagement qu'elles avaient signée le 8 juillet 2003 est sans incidence sur l'objet du présent litige, qui vise à rétablir dans l'ordre juridique les arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant d'utilité publique l'acquisition de parcelles nécessaires au projet de restructuration urbaine de la zone d'aménagement concerté de la " Porte de Saint Ouen " et déclarant cessibles, au profit de la SEMISO, les parcelles concernées. Il s'ensuit que les pourvois de la commune de Saint-Ouen, de la SEMISO et du ministre de l'intérieur n'ont pas perdu leur objet du fait de la résolution de la convention d'aménagement conclue, le 8 juillet 2003, entre la commune de Saint-Ouen et la SEMISO. Les conclusions à fin de non-lieu présentées par la SCI Albert doivent donc être rejetées.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par Mmes F...etD... :

4. La commune de Saint-Ouen et la SEMISO, qui étaient parties en première instance, n'ont pas relevé appel du jugement du 3 mai 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant annulé les arrêtés en date du 15 mai 2006 et du 19 novembre 2007 dont elles étaient les bénéficiaires. Elles n'avaient, dès lors, pas la qualité de parties à l'instance d'appel. Il s'ensuit que Mmes F...et D...sont fondées à soutenir que les pourvois de la commune de Saint-Ouen et de la SEMISO dirigés contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant l'appel du ministre de l'intérieur contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont irrecevables et qu'ils doivent, pour ce motif, être rejetés.

Sur le pourvoi du ministre de l'intérieur :

5. Aux termes de l'article 6 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les cas des acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, les collectivités et services expropriants sont tenus de demander l'avis du service des domaines : / 1° Pour produire, au dossier de l'enquête visée à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation, l'estimation sommaire et globale des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation des opérations prévues à l'article R. 11-3 (I, II, et III) du même code ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que si l'administration est tenue de solliciter l'avis du service des domaines, notamment afin de fournir, dans le dossier d'enquête publique, une appréciation sommaire des acquisitions à réaliser, elle n'est pas pour autant obligée d'annexer cet avis au dossier. Il suit de là qu'en relevant, pour annuler l'arrêté du 15 mai 2006 portant déclaration d'utilité publique, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que l'avis du service des domaines ait été versé au dossier d'enquête publique, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'erreur de droit. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi du ministre de l'intérieur, que cet arrêt doit être annulé.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par l'AVIPSO, Mme H... F...et la SARL Imo Group :

7. Une décision du 12 février 2010 portant délégation de signature, publiée au Journal officiel de la République française le 17 février suivant, habilite MmeP..., chef du bureau de suivi des contentieux déconcentrés, de la veille et de la qualité juridiques à signer, au nom du ministre de l'intérieur, dans la limite de ses attributions, les recours et mémoires en défense devant les juridictions. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir dirigée contre la requête d'appel du ministre de l'intérieur tirée de l'absence de qualité pour agir de MmeO..., qui en est la signataire au nom du ministre de l'intérieur, doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

8. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement du 3 mai 2010 en tant qu'il annule la décision du maire de signer la convention d'aménagement en date du 8 juillet 2003 faute de se prononcer sur le moyen tiré de ce que des motifs impérieux d'intérêt général justifiaient l'application de l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005 est inopérant à l'appui des conclusions d'appel du ministre de l'intérieur qui tendent seulement à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés préfectoraux du 15 mai 2006 et du 19 novembre 2007.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 15 mai 2006 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique l'acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen :

9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Les actes portant déclaration d'utilité publique pris en vue de l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concertée (ZAC) ne sont pas des actes pris pour l'application de la décision d'un maire de signer la convention, approuvée par délibération du conseil municipal, par laquelle la commune a confié à une société l'aménagement de cette zone, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale, alors même que la déclaration d'utilité publique a été prise pour permettre la réalisation de cette opération d'aménagement et qu'elle précise, à titre d'information, l'identité de l'aménageur. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé, pour annuler l'arrêté du 15 mai 2006, sur le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 8 juillet 2003 par laquelle le maire de Saint-Ouen a signé la convention d'aménagement relative à la réalisation du projet de restructuration urbaine de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen.

10. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 15 mai 2016.

11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 mai 2006 a été régulièrement signé par M. François Dumuis, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Saint-Denis et titulaire d'une délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis en vertu de l'arrêté n° 06-1549 du 28 avril 2006 publié au bulletin d'informations administratives du même jour. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une étude d'impact a été versée au dossier soumis à enquête publique.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les lieux et horaires de la permanence du commissaire enquêteur, ainsi que les dates, lieux et horaires des réunions publiques tenues par le commissaire enquêteur les 5 et 15 juillet 2005 avaient été indiquées dans le journal communal " A Saint-Ouen " publié le 1er juillet 2005 et dans les annonces légales publiées dans les journaux habilités à cet effet, soit " Le Parisien " les 17 mai et 23 juin 2005 et " L'Humanité " les 19 mai et 20 juin 2005. D'autre part, l'avis d'enquête publique, qui s'est déroulée du 15 juin au 16 juillet 2005, a été affiché le 27 mai 2005 aux portes de l'Hôtel de Ville de Saint-Ouen et sur les panneaux administratifs de la commune jusqu'au 17 juillet 2005, ainsi que l'a certifié le maire de la commune de Saint-Ouen le 18 juillet 2005, conformément à l'article R. 11-14-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'enquête publique n'a pas fait l'objet d'une information préalable suffisante auprès des habitants de la commune de Saint-Ouen en méconnaissance, notamment, des dispositions alors applicables du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

14. En quatrième lieu, d'une part, il n'est pas établi que l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser, dont il est constant qu'elle figurait au dossier d'enquête publique, serait entachée d'une sous-évaluation manifeste. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement invoquer au soutien de conclusions dirigées à l'encontre de l'arrêté du 15 mai 2006 portant déclaration d'utilité publique la circonstance selon laquelle l'avis du service des domaines n'aurait pas été sollicité conformément aux dispositions alors applicable de l'article 6 du décret du 14 mars 1986 portant suppression des commissions des opérations immobilières et de l'architecture et fixant les modalités de consultation des services des domaines susvisé.

15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur indique dans le rapport d'enquête qu'il a remis à l'issue de l'enquête publique les raisons qui déterminent le sens de son avis ainsi que les réserves qu'il contient. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du commissaire enquêteur était insuffisamment motivé en violation de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation ne peut qu'être écarté.

16. En sixième lieu, la résolution de la convention d'aménagement du 8 juillet 2003 à laquelle la SEMISO et la commune de Saint-Ouen ont procédé par un protocole d'accord en date du 26 janvier 2011 ne prive pas l'enquête publique de son objet, alors même lorsqu'elle a fait perdre à la SEMISO sa qualité d'aménageur, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de désigner, dans l'acte de déclaration d'utilité publique faisant éventuellement suite à l'enquête publique, l'identité de l'aménageur chargé de la concession d'aménagement. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la résolution de la convention d'aménagement du 8 juillet 2003 entraîne l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté comme inopérant.

17. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que la réalisation de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen répond à l'objectif d'intérêt général de restructuration de l'entrée de la ville de la Porte de Saint-Ouen afin d'améliorer la qualité de vie des habitants, de résorber l'habitat insalubre, de redynamiser les commerces de proximité et de favoriser l'implantation de bureaux et d'activités le long du périphérique. Or, il apparaît que la commune de Saint-Ouen n'était pas en mesure de réaliser cet objectif d'intérêt général dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation. En outre, la réalisation de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen, qui prévoit la démolition de bâtiments qui, bien que de style faubourien, ne sont pas classés, multiplie par trois la surface d'espaces verts disponibles sur son périmètre, améliore la préservation du paysage faubourien de l'avenue Gabriel Péri grâce à la création d'un immeuble haut faisant écran au périphérique, donne lieu à la création de cheminements pour piétons et d'un équipement pour la petite enfance, et ne préjuge pas de l'élaboration du schéma directeur des circulations douces de la commune de Saint-Ouen. Il en résulte que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte cette opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 3 mai 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 15 mai 2006 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique l'acquisition de parcelles nécessaires au projet de restructuration urbaine de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être, dans cette mesure, annulé.

En ce qui concerne l'arrêté du 19 novembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis déclare cessibles pour cause d'utilité publique au profit de la SEMISO les terrains situés dans le périmètre de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen :

19. L'arrêté de cessibilité par lequel le préfet déclare des terrains cessibles à une société concessionnaire doit être annulé par voie de conséquence de la résolution ou de l'annulation de la convention de concession dès lors qu'un arrêté préfectoral ne peut légalement déclarer cessibles des parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d'une ZAC en l'absence d'identification du concessionnaire chargé de cet aménagement et bénéficiaire, à ce titre, de l'expropriation.

20. Il ressort des pièces du dossier que, par protocole de résolution en date du 26 janvier 2011, la SEMISO et la commune de Saint-Ouen sont convenues, en premier lieu, de résoudre la convention publique d'aménagement conclue entre elles le 8 juillet 2003 par laquelle la SEMISO était désignée concessionnaire chargée de l'aménagement de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen, en deuxième lieu, de ce que cette résolution devait entrer en vigueur à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle concession d'aménagement ou, au plus tard, au 30 juin 2011, et, enfin, de prendre les mesures nécessaires sur la période s'étendant de la date d'entrée en vigueur de ce protocole à la date de prise d'effet de la résolution de la convention du 8 juillet 2003 afin de remettre en cause les droits acquis par la SEMISO du fait de l'exécution de son contrat et de revenir, dans la mesure du possible, à l'état existant à l'origine de la convention initiale. Il est constant que la nouvelle concession d'aménagement désignant à nouveau la SEMISO comme aménageur de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen n'a été signée que le 5 juillet 2011. Il s'ensuit qu'au 30 juin 2011, la SEMISO devait être regardée comme n'ayant jamais eu la qualité de concessionnaire de l'aménagement de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance selon laquelle la SEMISO et la commune de Saint-Ouen ont, dans la convention d'aménagement initiale du 8 juillet 2003, entendu organiser, en cas d'expiration, pour quelque motif que ce soit, de ladite convention, la subrogation de la commune de Saint-Ouen dans les droits et obligations de la SEMISO portant sur les propriétés éventuellement acquises ou expropriées et non encore revendues, les obligations contractuelles souscrites par la SEMISO à l'égard de tiers et les éventuels chefs de responsabilité de la SEMISO résultant de son activité d'aménageur. Il s'ensuit que l'arrêté du 19 novembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique au profit de la SEMISO les terrains situés dans le périmètre de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen doit être annulé par voie de conséquence de la résolution, intervenue au 30 juin 2011, de la convention de concession du 8 juillet 2003.

21. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 3 mai 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 19 novembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré cessibles, au profit de la SEMISO, les parcelles dont l'acquisition était nécessaire au projet de restructuration urbaine de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Saint-Ouen et par la SEMISO. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de la SCI Albert, de Mme F...et de MmeD....

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois de la commune de Saint-Ouen et de la SEMISO sont rejetés.

Article 2 : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 24 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles sont annulés.

Article 3 : L'article 4 du jugement du 3 mai 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre et les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 15 mai 2006 sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la commune de Saint-Ouen, à la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen, à l'association de vigilance sur le patrimoine et l'environnement de Saint-Ouen, à Mme H...F..., à l'indivisionI..., à la SARL Imo-Group, à Mme B...-Q...D..., à la SCI Albert, à M. A...K..., à Mme T...C...L..., et à la société LRD. Copie en sera adressée pour information à Mme S...B...-R... et à Mme M...E....


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 400079
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2018, n° 400079
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard Senghor
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:400079.20180621
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