Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2017 et deux mémoires en réplique, enregistrés les 19 mars et 4 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2017 du ministre de la culture et de la communication portant composition de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la propriété intellectuelle ;
- la décision n° 408785 du 17 mai 2017 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCPP et la SPPF ;
- la décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCPP et la SPPF ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société civile des producteurs phonographiques et de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Société pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) et de la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM) ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine : " Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer : / (...) 3° A sa communication au public par un service de radio, au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à l'exclusion des services de radio dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d'un même phonogramme./ Dans tous les autres cas, il incombe aux services de communication au public en ligne de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins dans les conditions prévues aux articles L. 212-3, L. 213-1 et L. 213-2. Il en va ainsi des services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d'influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ". Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " Le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 214-1 (...) ". L'article L. 214-4 prévoit que : " A défaut d'accord intervenu avant le 30 juin 1986, ou si aucun accord n'est intervenu à l'expiration du précédent accord, le barème de rémunération et des modalités de versement de la rémunération sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l'Etat et composée, en nombre égal, d'une part, de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, d'autre part, de membres désignés par les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d'activité concernée, utilisent les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 214-1. / Les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture (...) ". L'article R. 214-1 dispose que cette commission " siège soit en formation plénière, soit en formations spécialisées dans une ou plusieurs branches d'activités. Chacune de ces formations est présidée par le président de la commission et comprend un nombre égal de représentants des bénéficiaires du droit à rémunération et de représentants des utilisateurs de phonogrammes ". Aux termes de l'article L. 214-5 : " La rémunération prévue à l'article L. 214-1 est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre ceux-ci par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du livre III ".
2. Par un arrêté du 16 février 2009 portant composition de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, le ministre de la culture et de la communication a choisi, au titre des représentants des bénéficiaires du droit à rémunération, la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public de phonogrammes du commerce (SPRE) afin qu'elle désigne, à ce titre, quinze membres de la commission pour ses cinq formations spécialisées. Par un arrêté du 13 février 2017, dont l'annulation pour excès de pouvoir est demandée par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes de France (SPPF), le ministre a créé, pour la commission prévue par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, une sixième formation spécialisée dans les services de radio sur internet, composée de huit membres dont quatre désignés au titre des représentants des bénéficiaires du droit à rémunération à raison d'un par la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), un par la SCPP, un par la SPPF et un par la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM).
3. La circonstance que l'arrêté attaqué ne vise que l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle et non l'arrêté du 16 février 2009 qu'il complète est sans incidence sur sa légalité.
4. Le Conseil constitutionnel ayant, par sa décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du premier alinéa et la seconde phrase du 3° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans la rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé en conséquence d'une décision de non-conformité du Conseil constitutionnel sur ces dispositions du code de la propriété intellectuelle ne peut qu'être écarté.
5. Il ressort de ses statuts, approuvés le 18 juin 2015, que la SPRE, organisme mentionné au titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle, comporte trois associées, à savoir l'ADAMI, la SPEDIDAM et la Société civile des producteurs associés (SCPA) qui est elle-même composée de la SCPP et de la SPPF. Si ces statuts ont donné à la SPRE mandat pour exercer, en application de l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, l'administration du droit à rémunération créé par l'article L. 214-1, ces dispositions ne sont en tout état de cause pas de nature à faire obstacle à ce que le ministre chargé de la culture confie non pas à la SPRE mais à ses associées le soin de désigner les représentants des bénéficiaires du droit à rémunération pour la formation spécialisée des services de radio sur internet dès lors que ces dernières peuvent être aussi regardées comme représentatives des bénéficiaires du droit à rémunération. Par ailleurs, le choix fait par le ministre de la culture, dans l'arrêté du 16 février 2009, de retenir la SPRE pour désigner ces mêmes représentants au sein des cinq premières formations spécialisées de la commission de l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ne lui interdisait pas de retenir d'autres organismes pour désigner ces représentants au sein de la nouvelle formation spécialisée dans les radios sur Internet. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché, pour ce motif, d'une erreur de droit ne peut donc qu'être écarté.
6. Enfin, il résulte des dispositions du code de la propriété intellectuelle citées au point 1 que les représentants des bénéficiaires du droit à rémunération, comme ceux des utilisateurs de phonogrammes, qui siègent en formation spécialisée à la commission prévue par l'article L. 214-4 ont nécessairement vocation à siéger lorsque la commission se réunit en formation plénière. Il s'ensuit que l'arrêté attaqué, alors même qu'il ne vise pas l'arrêté du 16 février 2009, ne méconnait pas l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que le ministre de la culture aurait méconnu l'étendue de sa compétence est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des dispositions contestées.
7. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté qu'elles attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge conjointe de la SCPP et de la SPPF la somme de 3 000 euros à verser globalement à l'ADAMI et à la SPEDIDAM.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SCPP et de la SPPF est rejetée.
Article 2 : La SCPP et la SPPF verseront conjointement et globalement la somme de 3 000 euros à l'ADAMI et à la SPEDIDAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société civile des producteurs phonographiques, à la Société civile des producteurs de phonogrammes en France, à la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes, à la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes et à la ministre de la culture.