La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2018 | FRANCE | N°416825

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 25 mai 2018, 416825


Vu les procédures suivantes :

La société Girod Médias a saisi, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, en premier lieu, à enjoindre à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes de lui communiquer les informations détaillées sollicitées sur le fondement du II de l'article 99 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 et, en second lieu, à annuler la décision de rejet de sa candidature prise par cette commune le 24 octobre 2017 et la décision d'attribution du marché, e

nsemble la procédure ayant conduit à l'attribution d'un contrat de mobi...

Vu les procédures suivantes :

La société Girod Médias a saisi, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, en premier lieu, à enjoindre à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes de lui communiquer les informations détaillées sollicitées sur le fondement du II de l'article 99 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 et, en second lieu, à annuler la décision de rejet de sa candidature prise par cette commune le 24 octobre 2017 et la décision d'attribution du marché, ensemble la procédure ayant conduit à l'attribution d'un contrat de mobiliers urbains destinés à l'information municipale et à la publicité, compte tenu notamment de l'absence de critère du prix ou du coût pour l'évaluation des offres. Par une ordonnance n° 1708635 du 11 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a annulé la procédure de passation litigieuse.

1° Sous le n° 416825, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2017 et 11 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Philippe Védiaud Publicité demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société Girod Médias la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 416947, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 décembre 2017, 15 janvier et 20 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Girod Médias ;

3°) de mettre à la charge de la société Girod Médias la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Philippe Védiaud Publicité, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Girod Médias et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes.

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Melun que la commune de Saint-Thibault-des-Vignes a lancé une procédure de passation d'un contrat de mobilier urbain, à l'issue de laquelle le contrat a été attribué à la société Philippe Védiaud Publicité ; qu'à la suite du rejet de son offre, la société Girod Médias a saisi le juge du référé précontractuel d'une demande tendant à l'annulation de cette procédure ; que, par une ordonnance du 11 décembre 2017, contre laquelle la société Philippe Védiaud Publicité et la commune de Saint-Thibault-des-Vignes se pourvoient en cassation, le juge des référés a annulé la procédure ; qu'il y a lieu de joindre les deux pourvois pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " Les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. / La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts qu'il a supportés, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service " ;

3. Considérant que le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Melun a relevé, d'une part, que le contrat litigieux avait pour objet l'installation, l'exploitation, la maintenance et l'entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l'information municipale, d'autre part, que le titulaire du contrat devait assurer ces prestations à titre gratuit et était rémunéré par les recettes tirées de la vente d'espaces à des annonceurs publicitaires ; que, pour juger que ce contrat était un marché public et non une concession de service, il s'est borné à constater qu'il confiait à titre exclusif l'exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu'aucun risque n'était transféré à ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d'exploitation, il a commis une erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; qu'il n'y a par suite plus lieu de statuer sur le pourvoi de la société Philippe Védiaud Publicité ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Girod Médias ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat litigieux, dont l'objet et l'équilibre économique ont été rappelés au point 3 ci-dessus, ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d'un prix à son titulaire ; que celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d'espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu'aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter ; qu'il suit de là que ce contrat, dont l'attributaire se voit transférer un risque lié à l'exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les moyens tirés de ce que la commune de Saint-Thibault-des-Vignes aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en méconnaissant les dispositions du II de l'article 99 et du II de l'article 62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, ne peuvent être utilement soulevés par la société Girod Médias ;

7. Considérant, par ailleurs, que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la passation des délégations de service public ne peuvent qu'être écartés, dès lors que le contrat en cause ne confie à son attributaire la gestion d'aucun service public ;

8. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le contrat litigieux, dont la durée est de dix ans, aurait été passé en méconnaissance des dispositions de l'article 6 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, n'est pas assorti des précisions permettant d'apprécier l'incidence qu'une telle durée était le cas échéant susceptible d'avoir sur la possibilité, pour la société Girod Médias, de présenter utilement son offre ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Girod Médias n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du contrat litigieux ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun que devant le Conseil d'Etat, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Girod Médias, au titre des mêmes dispositions, la somme de 4 500 euros à verser à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, pour l'ensemble de la procédure ; qu'il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Girod Médias la somme que demande la société Philippe Védiaud Publicité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 11 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Girod Médias devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Girod Médias versera à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de la société Philippe Védiaud Publicité.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Philippe Védiaud Publicité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Girod Médias, à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et à la société Philippe Védiaud Publicité.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 416825
Date de la décision : 25/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - ATTRIBUTIONS - SERVICES COMMUNAUX - CONTRAT DE MOBILIER URBAIN - NATURE - CONCESSION DE SERVICE - DÈS LORS QU'IL RÉSULTE DES STIPULATIONS DU CONTRAT QUE L'ATTRIBUTAIRE SE VOIT TRANSFÉRER UN RISQUE LIÉ À L'EXPLOITATION DES OUVRAGES À INSTALLER [RJ1].

135-02-03-03 Contrat ayant pour objet l'installation, l'exploitation, la maintenance et l'entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l'information municipale, prévoyant que le titulaire du contrat assure ces prestations à titre gratuit et qu'il est rémunéré par les recettes tirées de la vente d'espaces à des annonceurs publicitaires.... ,,Ce contrat ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d'un prix à son titulaire. Celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d'espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu'aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter. Il suit de là que ce contrat, dont l'attributaire se voit transférer un risque d'exploitation lié à l'exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public.... ,,Commet une erreur de droit le juge du référé précontractuel qui, pour juger qu'un tel contrat est un marché public et non une concession de service, se borne à constater que ce contrat confie à titre exclusif l'exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu'aucun risque n'était transféré à ce dernier, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d'exploitation.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - CONCESSIONS - CONCESSIONS DE SERVICES - CONTRAT DE MOBILIER URBAIN - INCLUSION - DÈS LORS QU'IL RÉSULTE DES STIPULATIONS QUE L'ATTRIBUTAIRE SE VOIT TRANSFÉRER UN RISQUE LIÉ À L'EXPLOITATION DES OUVRAGES À INSTALLER [RJ1].

39-01-03 Contrat ayant pour objet l'installation, l'exploitation, la maintenance et l'entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l'information municipale, prévoyant que le titulaire du contrat assure ces prestations à titre gratuit et qu'il est rémunéré par les recettes tirées de la vente d'espaces à des annonceurs publicitaires.... ,,Ce contrat ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d'un prix à son titulaire. Celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d'espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu'aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter. Il suit de là que ce contrat, dont l'attributaire se voit transférer un risque d'exploitation lié à l'exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public.... ,,Commet une erreur de droit le juge du référé précontractuel qui, pour juger qu'un tel contrat est un marché public et non une concession de service, se borne à constater que ce contrat confie à titre exclusif l'exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu'aucun risque n'était transféré à ce dernier, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d'exploitation.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 5 février 2018, Ville de Paris et société de mobiliers urbains pour la publicité et l'information, n°s 416581 416579 416585 416640 416641 416711, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2018, n° 416825
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Firoud
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416825.20180525
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award