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18/05/2018 | FRANCE | N°411312

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 18 mai 2018, 411312


Vu la procédure suivante :

Mme B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 avril 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire tunisien contre un titre de conduite français et d'enjoindre au préfet de procéder à cet échange dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1505526 du 17 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par une ordo

nnance n° 17LY02126 du 2 juin 2017, le président de la cour administrative d'appel ...

Vu la procédure suivante :

Mme B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 avril 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire tunisien contre un titre de conduite français et d'enjoindre au préfet de procéder à cet échange dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1505526 du 17 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 17LY02126 du 2 juin 2017, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi présenté contre ce jugement par Mme A....

Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 23 mai 2017 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon et le 2 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat, la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, d'une somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a demandé l'échange de son permis de conduire tunisien contre un titre de conduite français ; que, par une décision du 22 avril 2015, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à cette demande au motif que l'intéressée n'apportait pas la preuve de sa résidence normale en Tunisie durant la période d'obtention de son permis de conduire ; que, par le jugement attaqué du 17 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; qu'elle forme un pourvoi en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R.222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D.221-3 Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen : " I. - Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : (...) / II. - En outre, son titulaire doit : (...) / D. - Apporter la preuve de sa résidence normale au sens du quatrième alinéa de l'article R. 222-1 sur le territoire de l'Etat de délivrance, lors de celle-ci, en fournissant tout document approprié présentant des garanties d'authenticité. Les ressortissants étrangers qui détiennent uniquement la nationalité de l'Etat du permis demandé à l'échange ne sont pas soumis à cette condition. / Entre autres documents permettant d'établir la réalité de cette résidence normale, il sera tenu compte, pour les Français, de la présentation d'un certificat d'inscription ou de radiation sur le registre des Français établis hors de France délivré par le consulat français territorialement compétent, ou, pour les ressortissants étrangers ne possédant pas la nationalité de l'Etat de délivrance, d'un certificat équivalent, délivré par les services consulaires compétents, rédigé en langue française ou, si nécessaire, accompagné d'une traduction officielle en français. / Pour les ressortissants français qui possèdent également la nationalité de l'Etat qui a délivré le permis de conduire présenté pour échange, la preuve de cette résidence normale, à défaut de pouvoir être apportée par les documents susmentionnés, sera établie par tout document suffisamment probant et présentant des garanties d'authenticité " ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 222-1 du code de la route dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " On entend par "résidence normale" le lieu où une personne demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles ou d'attaches professionnelles " ;

3. Considérant que, pour juger que la requérante n'établissait pas avoir séjourné pendant au moins 185 jours au cours d'une même année civile en Tunisie au moment où elle y a obtenu son permis de conduire le 17 mai 2014, le tribunal administratif s'est uniquement fondé sur les pièces produites à l'appui de sa demande, enregistrée le 23 juin 2015, dont il a estimé la valeur probante insuffisante ; que figurait toutefois, parmi les pièces produites devant lui le 1er février 2017, le passeport tunisien de la requérante, qui portait des tampons d'entrée le 4 mars 2014 et de sortie le 18 septembre 2014, cohérents avec d'autres pièces produites par l'intéressée, et aucun autre tampon pour l'année 2014, ce qui était de nature à démontrer, avec d'autres pièces produites, la continuité du séjour en Tunisie entre le 4 mars et le 18 septembre 2014, soit une durée de plus de 185 jours au cours d'une même année civile ; qu'il en résulte qu'en jugeant que Mme A...n'établissait pas avoir eu sa résidence normale en Tunisie pendant la période en cause, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que Mme A...est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de son jugement ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L.821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du passeport tunisien de MmeA..., qui porte, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des tampons d'entrée le 4 mars 2014 et de sortie le 18 septembre 2014, corroborés par une fiche de mouvement frontalier établie le 19 février 2015 par le consulat général de Tunisie en France ainsi que par les mentions portées sur le passeport tunisien de son époux et par les réservations de billets d'avion effectuées au profit de M. et Mme A...aux dates en cause, que la requérante est entrée et sortie du territoire tunisien à ces dates ; qu'aucun élément ne conduit à mettre en doute la véracité de ses allégations selon lesquelles elle a séjourné continument en Tunisie entre ces deux dates soit pendant plus de 185 jours ; que la photocopie de son passeport tunisien ne montre, en particulier, aucune sortie du territoire tunisien entre le 4 mars et le 18 septembre 2014 ; que la requérante produit également un certificat médical qui indique que son séjour avait pour objet d'assister sa mère alors alitée pour cause de maladie ; qu'il suit de là que c'est à tort que le préfet du Rhône s'est fondé sur les dispositions précitées du D du II de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 pour lui refuser l'échange de son permis de conduire tunisien contre un permis français ; que sa décision doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande, être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner au préfet du Rhône qu'il soit statué dans le délai d'un mois sur la demande présentée à l'administration par la requérante ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1300 euros à verser à Mme A...au titre de la procédure de première instance ;

8. Considérant que, devant le Conseil d'Etat, Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, la SCP Baraduc Duhamel Rameix, avocat de la requérante, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Baraduc Duhamel Rameix renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à verser à la SCP Baraduc Duhamel Rameix ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La décision du préfet du Rhône du 22 avril 2015 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de statuer sur la demande d'échange de son permis de conduire tunisien contre un permis de conduire français présentée par Mme A...dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 300 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'Etat versera à la SCP Baraduc Duhamel Rameix, avocat du requérant, la somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 411312
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mai. 2018, n° 411312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411312.20180518
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