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26/04/2018 | FRANCE | N°410682

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 26 avril 2018, 410682


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices résultant du refus d'échanger son permis de conduire délivré par les autorités algériennes contre un permis français. Par un jugement n° 1601177 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai et 21 août 2017 et le 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Consei

l d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) r...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices résultant du refus d'échanger son permis de conduire délivré par les autorités algériennes contre un permis français. Par un jugement n° 1601177 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai et 21 août 2017 et le 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de M.B....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a déposé le 28 juillet 2008 une demande d'échange de son permis de conduire étranger auprès de la préfecture de la Seine-Maritime ; qu'en l'absence d'information sur le sort réservé à sa demande, et ayant entre-temps déménagé dans le département du Rhône, il a saisi le 19 août 2009 la préfecture du Rhône d'une nouvelle demande d'échange de permis ; que cette demande a été rejetée au motif qu'elle avait été déposée après expiration du délai d'un an courant à compter de l'acquisition de sa résidence normale en France, prévu par l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 visé ci-dessus ; qu'ayant vainement demandé, le 28 septembre 2012, à la préfecture de la Seine-Maritime quelles suites avaient été réservées à sa première demande, M. B... a recherché la responsabilité de l'Etat ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande indemnitaire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen : " Tout titulaire d'un permis de conduire national doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre le permis français pendant le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France, la date d'acquisition de cette résidence étant celle d'établissement effectif du premier titre de séjour ou de résident " ; qu'aux termes de l'article 8 du même arrêté : " Le titulaire d'un permis de conduire national doit, en vue d'obtenir le permis français, en faire la demande au préfet du département de sa résidence " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la demande d'échange de permis de conduire doit être adressée au préfet du département dans lequel l'intéressé a sa résidence ; que ce préfet reste compétent pour statuer sur la demande lorsque l'intéressé déménage ultérieurement dans un autre département ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime, initialement saisi par M.B..., demeurait compétent pour statuer sur sa demande ; qu'il en résulte qu'en jugeant que les services de la préfecture de Seine-Maritime n'avaient pas commis de faute en s'abstenant de se prononcer sur la demande de M.B..., au motif que l'intéressé ne les avait pas informés de son déménagement dans le Rhône, le tribunal a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'administration :

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; que lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée ;

7. Considérant que le fait générateur de la créance dont se prévaut M. B... est constitué par la décision implicite de refus, née du silence gardé par la préfecture de Seine-Maritime sur sa demande d'échange de permis étranger contre un permis français, pour laquelle l'administration n'a fourni aucun motif et qui, dans ces conditions, est illégale ; que cette décision n'a fait l'objet d'aucune notification à l'intéressé ; que la circonstance que la préfecture du Rhône ait ultérieurement notifié à l'intéressé une décision de rejet opposée à une seconde demande d'échange est sans incidence sur l'absence de notification de la décision du préfet de la Seine-Maritime ; que, par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à opposer l'exception de prescription quadriennale à la créance dont se prévaut M. B... ;

Sur le préjudice :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B... a déposé une demande d'échange de permis de conduire le 28 juillet 2008 auprès de la préfecture de la Seine-Maritime et a obtenu un récépissé d'ouverture de dossier qui, joint à son permis de conduire étranger, lui permettait de conduire pendant une durée de six mois ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'absence de réponse à cette demande a constitué une faute de l'administration ; que cette faute a causé à M.B..., qui n'a plus été autorisé à conduire en France à l'expiration du délai de six mois prévu par le récépissé et ne pouvait plus déposer de nouvelle demande d'échange après l'expiration du délai d'un an prévu par l'article 6 de l'arrêté du 8 février 1999 mentionné ci-dessus, des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui accordant une indemnité de 3 000 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision ;

9. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Leduc et Vigand, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Leduc et Vigand ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 17 janvier 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M.B... une somme de 3 000 euros tous intérêts compris au jour de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Leduc et Vigand, avocat de M.B..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410682
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04-01 POLICE. POLICE GÉNÉRALE. CIRCULATION ET STATIONNEMENT. PERMIS DE CONDUIRE. DÉLIVRANCE. - ECHANGE D'UN PERMIS DE CONDUIRE D'UN ETAT TIERS CONTRE UN PERMIS DE CONDUIRE FRANÇAIS - AUTORITÉ COMPÉTENTE - PRÉFET DU DÉPARTEMENT DE RÉSIDENCE DE L'INTÉRESSÉ, Y COMPRIS LORSQUE CE DERNIER DÉMÉNAGE ULTÉRIEUREMENT DANS UN AUTRE DÉPARTEMENT.

49-04-01-04-01 Il résulte des articles 6 et 8 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen que la demande d'échange de permis de conduire doit être adressée au préfet du département dans lequel l'intéressé a sa résidence. Ce préfet reste compétent pour statuer sur la demande lorsque l'intéressé déménage ultérieurement dans un autre département.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2018, n° 410682
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP LEDUC, VIGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410682.20180426
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