Vu la procédure suivante :
La mutuelle Cybèle Solidarité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 4 janvier 2012 par laquelle le directeur départemental de la sécurité publique de la Loire l'a informée de ce qu'elle ne pourrait plus intervenir au sein des locaux de cette direction dans le cadre de permanences destinées à lui permettre de présenter son offre de protection sociale complémentaire aux fonctionnaires et agents du ministère de l'intérieur. Par un jugement n° 1303415 du 14 avril 2015, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15BX01983 du 29 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la mutuelle Cybèle Solidarité contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 28 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la mutuelle Cybèle Solidarité demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la mutualité ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la mutuelle Cybèle Solidarité ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une lettre du 4 janvier 2012, le directeur départemental de la sécurité publique de la Loire a informé la mutuelle Cybèle Solidarité qu'elle ne pourrait plus tenir, au sein des locaux de cette direction départementale, des permanences destinées à présenter son offre aux agents, dès lors qu'elle n'est pas chargée de la gestion du régime obligatoire de base de la sécurité sociale pour les agents du ministère de l'intérieur et qu'elle n'a pas non plus conclu un partenariat avec ce ministère pour gérer une prestation d'action sociale ministérielle. Par un jugement du 14 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la mutuelle Cybèle Solidarité tendant à l'annulation de cette décision. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la mutuelle contre ce jugement.
2. En vertu du 4° du I de l'article L. 111-1 du code de la mutualité, les mutuelles peuvent avoir pour objet " de participer à la gestion d'un régime légal d'assurance maladie et maternité (...) et d'assurer la gestion d'activités et de prestations sociales pour le compte de l'Etat ou d'autres collectivités publiques ".
3. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la décision qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
4. La cour a relevé que la décision attaquée avait été prise en application d'une note de service du 22 décembre 2011 du ministre de l'intérieur réservant l'accès aux locaux abritant les services de la police nationale aux seules mutuelles assurant la gestion du régime obligatoire de sécurité sociale des agents du ministère de l'intérieur en application du 4° du I de l'article L. 111-1 du code de la mutualité ou ayant conclu un partenariat avec ce ministère pour gérer une prestation d'action sociale ministérielle sur le fondement des dispositions de l'article L. 320-5 du même code. Elle a ensuite jugé qu'en définissant ainsi les bénéficiaires de la mise à disposition des locaux concernés, cette note de service ne méconnaissait pas le principe d'égalité, dès lors que les mutuelles chargées de la gestion d'un régime légal obligatoire de sécurité sociale ou celles ayant conclu un partenariat en matière d'action sociale avec le ministère de l'intérieur ne se trouvaient pas dans la même situation que les autres mutuelles, qui proposent exclusivement des offres de protection sociale complémentaire ainsi que des prestations d'action sociale, en dehors de toute mission de service public et dans un cadre concurrentiel et que la différence de traitement ainsi opérée était fondée sur des critères objectifs en rapport direct avec l'objet de la mesure, sans être manifestement disproportionnée au regard de l'objectif qu'elle poursuivait.
5. D'une part, toutefois, au regard de l'objet de la mesure, en tant qu'elle concerne les offres par des mutuelles de prestations dans le domaine de la protection sociale complémentaire, les mutuelles qui sont chargées de la gestion du régime obligatoire de base de la sécurité sociale du ministère de l'intérieur ou ont conclu un partenariat avec ce ministère pour gérer une prestation d'action sociale ministérielle ne sont pas placées dans une situation différente de celle des autres mutuelles, dès lors que toutes ces mutuelles proposent des prestations relevant de la protection sociale complémentaire qu'elles ont vocation à présenter aux agents lors des permanences mentionnées au point 1.
6. D'autre part, si le responsable de chaque service de police peut légalement, pour l'examen des demandes ponctuelles d'accès aux locaux du service formées par des mutuelles, tenir compte des contraintes liées au bon fonctionnement du service public dont il a la charge et des spécificités liées à l'affectation des locaux concernés, de tels motifs d'intérêt général ne sont pas de nature à justifier de réserver l'accès ponctuel des locaux des services de police aux seules mutuelles chargées de la gestion d'un régime légal obligatoire de sécurité sociale ou ayant conclu un partenariat en matière d'action sociale avec le ministère de l'intérieur et d'exclure par principe toutes les autres mutuelles.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que n'était pas entachée d'une méconnaissance du principe d'égalité la note de service du ministre réservant l'accès aux locaux des services de police, fût-ce de manière ponctuelle, en vue de proposer aux agents des prestations relevant de la protection sociale complémentaire, aux seules mutuelles chargées de la gestion d'un régime légal obligatoire de sécurité sociale ou ayant conclu un partenariat en matière d'action sociale avec le ministère de l'intérieur, à l'exclusion de toutes les autres, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la mutuelle Cybèle Solidarité est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 4 janvier 2012 du directeur départemental de la sécurité publique de la Loire est exclusivement fondée sur ce que la mutuelle Cybèle Solidarité ne satisfait pas aux critères prévus par la note de service du ministre de l'intérieur du 22 décembre 2011, à l'exclusion de tout motif tiré des contraintes propres à l'hôtel de police de Saint-Etienne ou à l'organisation du service public dont il est le siège. Il résulte de ce qui est dit aux points 5 à 7 que la mutuelle requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 janvier 2012 et à demander l'annulation de cette décision.
10. L'annulation de cette décision n'implique pas que la mutuelle requérante se voie délivrer une autorisation d'accès aux locaux de la police nationale. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de l'autoriser à accéder à ces locaux, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à la mutuelle Cybèle Solidarité de la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et les juridictions du fond.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 29 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 14 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.
Article 2 : La décision du 4 janvier 2012 du directeur départemental de la sécurité publique de la Loire est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à la mutuelle Cybèle Solidarité la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la mutuelle Cybèle Solidarité tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur, sous astreinte, de l'autoriser à accéder aux locaux de la police nationale sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la mutuelle Cybèle Solidarité et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.