Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars et 29 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, France Nature Environnement, l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne et la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, section Isère, demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, a rejeté leur demande tendant à ce que soient pris les arrêtés d'application prévus au I de l'article L. 583-2 et à l'article R. 583-4 du code de l'environnement relatifs aux nuisances lumineuses ;
2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire de prendre ces arrêtés dans un délai de six mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement, notamment ses articles L. 583-1, L. 583-2, R. 583-2 et R. 583-4 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
1. Considérant que la requête de France Nature Environnement et autres tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite, née le 19 janvier 2017, par laquelle le ministre chargé de l'environnement a rejeté leur demande tendant à ce que soient pris les arrêtés d'application relatifs aux nuisances lumineuses prévus au I de l'article L. 583-2 et à l'article R. 583-4 du code de l'environnement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 583-1 du code de l'environnement, issu de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Pour prévenir ou limiter les dangers ou trouble excessif aux personnes et à l'environnement causés par les émissions de lumière artificielle et limiter les consommations d'énergie, des prescriptions peuvent être imposées, pour réduire ces émissions, aux exploitants ou utilisateurs de certaines installations lumineuses, sans compromettre les objectifs de sécurité publique et de défense nationale ainsi que de sûreté des installations et ouvrages sensibles. / Les installations lumineuses concernées sont définies par décret en Conseil d'Etat selon leur puissance lumineuse totale, le type d'application de l'éclairage, la zone d'implantation et les équipements mis en place. " ; que l'article L. 583-2 du même code, issu de la même loi, dispose que : " I. - Pour satisfaire aux objectifs mentionnés à l'article L. 583-1, le ministre chargé de l'environnement fixe par arrêté, pris après consultation des instances professionnelles concernées, d'associations de protection de l'environnement agréées désignées par arrêté du ministre chargé de l'environnement, de l'association représentative des maires au plan national et de l'association représentative des collectivités organisatrices de la distribution publique d'électricité au plan national : 1° Les prescriptions techniques relatives à chacune des catégories d'installations lumineuses définies par le décret mentionné à l'article L. 583-1, selon leur puissance, leur type d'application de l'éclairage, la zone d'implantation et les équipements mis en place. Ces prescriptions peuvent porter sur les conditions d'implantation et de fonctionnement des points lumineux, la puissance lumineuse moyenne, les flux de lumière émis et leur répartition dans l'espace et dans le temps, ainsi que l'efficacité lumineuse des sources utilisées ; / (...) " qu'aux termes de l'article R. 583-2 du code de l'environnement, issu du décret du 12 juillet 2011 relatif à la prévention et à la limitation des nuisances lumineuses : " Afin de prévenir, réduire et limiter les nuisances lumineuses et les consommations d'énergie, les dispositions, prévues aux articles L. 583-2 et L. 583-3, s'appliquent aux installations lumineuses destinées aux usages suivants : / - éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, des personnes et des biens et le confort des usagers sur l'espace public ou privé, en particulier la voirie, à l'exclusion des dispositifs d'éclairage et de signalisation des véhicules ; / - éclairage de mise en valeur du patrimoine, tel que défini à l'article L. 1 du code du patrimoine, du cadre bâti, ainsi que des parcs et jardins ; / - éclairage des équipements sportifs de plein air ou découvrables ; - éclairage des bâtiments, recouvrant à la fois l'illumination des façades des bâtiments et l'éclairage intérieur émis vers l'extérieur de ces mêmes bâtiments ; / - éclairage des parcs de stationnements non couverts ou semi-couverts ; / - éclairage événementiel extérieur, constitué d'installations lumineuses temporaires utilisées à l'occasion d'une manifestation artistique, culturelle, commerciale ou de loisirs ; / - éclairage de chantiers en extérieur. " ; qu'enfin l'article R. 583-4 du code de l'environnent, issu du même décret du prévoit que : " Les prescriptions techniques, arrêtées par le ministre chargé de l'environnement en application du I de l'article L. 583-2, sont définies en fonction de l'implantation des installations lumineuses selon qu'elles se situent dans les zones qualifiées d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière ou les zones en dehors de ces agglomérations. / Dans les espaces naturels mentionnés dans le tableau annexé au présent article ainsi que dans les sites d'observation astronomique, dont la liste et le périmètre sont fixés par un arrêté du ministre chargé de l'environnement pris après avis du ministre chargé de la recherche quand sont en cause des sites d'observation placés sous son autorité, les installations lumineuses font l'objet de mesures plus restrictives que celles appliquées aux dispositifs implantés en agglomération et en dehors des agglomérations. / Ces prescriptions peuvent notamment porter sur les niveaux d'éclairement (en lux), l'efficience lumineuse et énergétique des installations (en watts par lux et par mètre carré) et l'efficacité lumineuse des lampes (en lumens par watt), la puissance lumineuse moyenne des installations (flux lumineux total des sources rapporté à la surface destinée à être éclairée, en lumens par mètre carré), les luminances (en candélas par mètre carré), la limitation des éblouissements, la distribution spectrale des émissions lumineuses ainsi que sur les grandeurs caractérisant la distribution spatiale de la lumière ; elles peuvent fixer les modalités de fonctionnement de certaines installations lumineuses en fonction de leur usage et de la zone concernée. " ; qu'il résulte de ces dispositions législatives et réglementaires qu'il incombe au ministre chargé de l'environnement de prendre les arrêtés nécessaires pour fixer les prescriptions techniques prévues aux articles L. 583-1 et L. 583-2 du code de l'environnement relatives aux diverses catégories d'installations lumineuses définies par l'article R. 583-2 du même code, ainsi que celles devant s'appliquer, en vertu de son article R. 583-4, dans certains espaces naturels et sites d'observation astronomique ;
Sur les conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir :
3. Considérant que le ministre chargé de l'environnement avait l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les arrêtés mentionnés qui sont, eu égard à leur objet et leur portée, nécessaires à l'application des dispositions législatives et réglementaires rappelées au point précédent ; qu'à ce jour, le ministre chargé de l'environnement a seulement pris, le 25 janvier 2013, un arrêté relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels ; que, quelles qu'aient pu être les difficultés rencontrées par l'administration dans l'élaboration des divers autres arrêtés, l'abstention du ministre à les prendre s'est prolongée plus de cinq ans après l'intervention de la loi et de son décret d'application, bien au-delà, par conséquent, d'un délai raisonnable ; que, dans ces conditions, France Nature Environnement et autres sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre chargé de l'environnement a refusé de prendre ces arrêtés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
4. Considérant que l'annulation de la décision de la décision implicite du ministre chargé de l'environnement implique nécessairement l'édiction des arrêtés nécessaires à l'application des dispositions rappelées au point 2 ; qu'il y a donc lieu, pour le Conseil d'Etat statuant au contentieux, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'ordonner cette édiction dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment du retard anormal à prendre ces arrêtés, il y a également lieu, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui de justifier de l'exécution de la présente décision dans un délai de neuf mois à compter de sa notification, une astreinte de 500 euros par jour jusqu'à la date à laquelle cette décision aura reçu exécution ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par France Nature Environnement et autres, qui n'ont pas eu recours au ministère d'un avocat et n'ont pas justifié des frais qu'ils auraient exposés, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite, née le 19 janvier 2017, par laquelle la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, a rejeté la demande de France Nature Environnement et autres tendant à ce que soient pris l'ensemble des arrêtés d'application prévus au I de l'article L. 583-2 et à l'article R. 583-4 du code de l'environnement est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire d'édicter ces arrêtés dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Une astreinte de 500 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il n'est pas justifié de l'exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, communiquera à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.
Article 4 : Les conclusions de France Nature Environnement et autres présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à France Nature Environnement, premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants, et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.