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16/03/2018 | FRANCE | N°407857

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 16 mars 2018, 407857


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des conditions dans lesquelles se sont déroulées les extractions médicales des 5 et 18 décembre 2014 et 29 janvier et 29 mars 2015, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés. Par un jugement n° 1501507 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 15 mai 2017

au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des conditions dans lesquelles se sont déroulées les extractions médicales des 5 et 18 décembre 2014 et 29 janvier et 29 mars 2015, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés. Par un jugement n° 1501507 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 15 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 à verser à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M.B..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., incarcéré au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville du 31 janvier 2012 au 8 juin 2015, a fait l'objet, au cours de cette période, de deux extractions médicales aux fins d'une échographie de l'épaule gauche, à l'occasion desquelles il a été présenté au médecin muni d'entraves et accompagné de surveillants. Ces derniers ayant accepté de lui retirer ses menottes sous réserve de demeurer présents pendant la consultation, M. B...a refusé d'être examiné. Il a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à l'indemniser au titre du préjudice moral qu'il aurait subi en raison des conditions dans lesquelles se sont déroulées ces extractions médicales.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce qu'auraient été méconnues les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative relatives à l'information des parties sur le sens des conclusions du rapporteur public n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne mentionnerait pas tous les mémoires produits par les parties manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 803 du code de procédure pénale : " Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ". Aux termes de l'article D. 294 de ce code : " Des précautions doivent être prises en vue d'éviter les évasions et tous autres incidents lors des transfèrements et extractions de personnes détenues. / Ces personnes détenues peuvent être soumises, sous la responsabilité du chef d'escorte, au port des menottes ou, s'il y a lieu, des entraves (...) ". Le décret du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires prévoit, au III de l'article 7 du règlement type, que : " (...) Par mesure de précaution contre les évasions, la personne détenue peut être soumise au port des menottes ou, s'il y a lieu, des entraves pendant son transfèrement ou son extraction, ou lorsque les circonstances ne permettent pas d'assurer efficacement sa garde d'une autre manière ".

5. Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 1110-4 du code la santé publique, le détenu a, comme tout malade, droit au secret médical et à la confidentialité de son entretien avec son médecin. Aux termes de l'article 45 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation (...) ". Son article 46 prévoit que : " la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble de la population ". L'article D. 397 du code de procédure pénale dispose que : " Lors des hospitalisations et des consultations ou examens (...) les mesures de sécurité adéquates doivent être prises dans le respect de la confidentialité des soins ".

6. Si la mise en oeuvre de mesures de sécurité particulières et le recours le cas échéant à des mesures de coercition sous la forme d'entraves ne se limitent pas au seul transport des détenus, mais peuvent, si nécessaires, être étendus à la consultation et aux soins médicaux eux-mêmes lorsqu'ils ne peuvent être dispensés au sein de l'établissement de détention, les mesures de sécurité mises en oeuvre par l'administration pénitentiaire lors de l'extraction et du séjour dans un établissement hospitalier d'un détenu doivent toutefois, d'une part, être adaptées et proportionnées à la dangerosité du détenu et au risque d'évasion que présente chaque cas particulier et, d'autre part, assurer en toute hypothèse la confidentialité des relations entre les détenus et les médecins qu'ils consultent. Ces mesures de sécurité doivent en outre, dans tous les cas, respecter la dignité du détenu.

7. L'adoption, lors de l'extraction médicale d'un détenu et pendant son séjour dans un établissement hospitalier, de mesures de sécurité disproportionnées à sa dangerosité et au risque d'évasion qu'il représente est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration. Toutefois, un préjudice moral ne saurait être constitué de ce seul fait pour le détenu concerné, à qui il appartient, dès lors, d'en justifier la réalité. Il en va cependant différemment en cas d'atteinte à la dignité de l'intéressé qui, lorsqu'elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un tel préjudice.

8. Il ressort des énonciations du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, que le tribunal administratif de Nancy a estimé que les mesures de sécurité adoptées à l'encontre de l'intéressé lors de ses extractions médicales étaient disproportionnées au regard des critères rappelés au point 6, compte tenu notamment de sa dangerosité et de ses risques d'évasion. En jugeant que le seul constat de la disproportion de ces mesures, dont il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis qu'elles auraient, par elles-mêmes, porté atteinte à la dignité de l'intéressé, entraîné une privation de soins ni fait obstacle à la tenue d'une consultation dans le respect du secret médical, ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un préjudice moral pour rejeter les conclusions de M.B..., le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit au regard des principes rappelés au point 7.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Son pourvoi ne peut donc qu'être rejeté, y compris les conclusions présentées par son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407857
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2018, n° 407857
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407857.20180316
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