La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2018 | FRANCE | N°388439

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 16 mars 2018, 388439


Vu la procédure suivante :

La commune d'Antony et l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 décembre 2010 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, du ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget et des comptes publics en tant qu'il a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 1102304 du 22 janvier 2013, le t

ribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.

Par ...

Vu la procédure suivante :

La commune d'Antony et l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 décembre 2010 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, du ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget et des comptes publics en tant qu'il a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 1102304 du 22 janvier 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt nos 13VE00811, 13VE00928 du 18 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les requêtes de la commune d'Antony et de l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté et à ce qu'il soit enjoint aux ministres signataires de l'arrêté de statuer à nouveau sur la demande de la commune dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 29 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la commune d'Antony et l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune d'Antony et autre.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'État et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles (...) ; / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'État dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. " ;

2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la sécheresse de l'année 2009, la commune d'Antony a adressé au préfet des Hauts-de-Seine, sur le fondement des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances citées au point 1, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; que, par un arrêté du 13 décembre 2010, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, le ministre de l'économie et des finances et le ministre du budget et des comptes publics ont fixé la liste des communes pour lesquelles a été constaté l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols durant l'année 2009, au nombre desquelles ne figure pas la commune d'Antony ; que le préfet des Hauts-de-Seine a, par une lettre du 25 janvier 2011, notifié à cette commune la décision de ne pas la retenir, en y joignant une fiche présentant la méthode et les éléments qui ont conduit l'administration à rejeter sa demande ; que, par un jugement du 22 janvier 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la commune d'Antony tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 décembre 2010, en tant qu'il ne la mentionne pas parmi les communes où a été déclaré l'état de catastrophe naturelle ; que, par un arrêt du 18 décembre 2014, contre lequel la commune d'Antony et l'Association pour la défense des sinistrés de la sécheresse à Antony se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur appel formé contre ce jugement ;

3. Considérant, en premier lieu, que si, en vertu de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures, il appartient au juge administratif de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure devant les juges du fond que, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, le ministre de l'intérieur a mentionné que le territoire de la commune d'Antony s'étendait pour 3,01 % sur la " maille n° 1678 " ; que dans son mémoire complémentaire devant la cour administrative d'appel, l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony a rappelé le contenu du mémoire du ministre au soutien d'un moyen d'erreur de droit ; que le ministre n'a pas produit de mémoire en défense devant la cour ; que cette dernière a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que la commune se trouvait entièrement comprise dans la " maille n° 1679 " et non, comme l'avait indiqué par erreur le ministre devant le tribunal administratif, pour partie également sur la " maille n° 1678 " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en se prononçant ainsi, la cour n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce qui est soutenu par la commune, la cour a analysé les conclusions de l'expertise et de l'étude produites par les requérantes ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêt de la cour serait insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la commune d'Antony a soutenu devant la cour administrative d'appel que l'arrêté litigieux était illégal en raison de l'insuffisance de motivation de la lettre de notification de l'arrêté ; que la cour a jugé que ce moyen n'était pas fondé ; que, toutefois, si les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances citées au point 1, exigent que la décision des ministres, assortie de sa motivation, soit, postérieurement à la publication de l'arrêté, notifiée par le représentant de l'État dans le département à chaque commune concernée, elles ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui serait une condition de légalité de ce dernier ; qu'ainsi, le moyen mentionné ci-dessus doit être écarté comme inopérant ; que ce motif, qui n'emporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué ; que le moyen de cassation tiré de ce que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier en estimant que la lettre de notification était suffisamment motivée est sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a recherché, au regard de données et paramètres non seulement météorologiques mais également géologiques, tenant à la présence d'argile dans les sols, si la sécheresse et la réhydratation des sols à l'origine de mouvements différentiels de terrain constituaient, pour l'application de l'article L. 125-1 du code des assurances, un agent naturel ayant revêtu au cours de l'année 2009, sur le territoire de la commune d'Antony, un caractère d'intensité anormale justifiant que soit constaté l'état de catastrophe naturelle ; que, contrairement à ce qui est soutenu, elle a ainsi pris en compte non seulement la sécheresse et la réhydratation des sols mais également le phénomène des mouvements différentiels de terrain qui en résulte ; que son arrêt est dès lors exempt d'erreur de droit sur ce point ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour a contrôlé l'adéquation des paramètres scientifiques utilisés par les auteurs de l'arrêté litigieux pour caractériser l'intensité du phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols à l'origine de mouvements différentiels de terrain ; que la cour ne s'est ainsi pas méprise sur la nature du contrôle qu'il lui appartenait d'exercer et n'a, par suite, pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Antony et l'Association pour la défense des sinistrés de la sécheresse à Antony ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune d'Antony et de l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Antony, à l'Association de défense des sinistrés de la sécheresse à Antony et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388439
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2018, n° 388439
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:388439.20180316
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award