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09/03/2018 | FRANCE | N°406205

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 09 mars 2018, 406205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Rennes-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement M. A...B..., la société Omnium technique d'études de la construction et de l'équipement (OTCE) Languedoc Roussillon, la société Cegelec Perpignan, ainsi que leurs assureurs, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la société Allianz Iard, à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant de la fermeture d'un établissement t

hermal municipal. Par un jugement n° 1201721 du 12 avril 2013, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Rennes-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement M. A...B..., la société Omnium technique d'études de la construction et de l'équipement (OTCE) Languedoc Roussillon, la société Cegelec Perpignan, ainsi que leurs assureurs, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la société Allianz Iard, à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant de la fermeture d'un établissement thermal municipal. Par un jugement n° 1201721 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande et mis à la charge de la commune les frais d'honoraires et d'expertise pour un montant de 41 747,77 euros.

Par un arrêt n° 13MA02214 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté au fond les conclusions dirigées contre la SMABTP et la société Allianz Iard, a rejeté les conclusions dirigées contre ces deux sociétés comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, et a rejeté le surplus des conclusions d'appel de la commune.

Par une décision n° 387428 du 26 février 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur pourvoi de la commune de Rennes-les-Bains, annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur la responsabilité décennale des sociétés OTCE Languedoc-Roussillon et Cegelec Perpignan et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Par un arrêt n° 16MA00967 du 24 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté les conclusions de la commune tendant à la condamnation des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan sur le fondement de la responsabilité décennale, a laissé à la charge de la commune les frais et honoraires de l'expert, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 décembre 2016, 21 mars 2017 et 8 février 2018, la commune de Rennes-les-Bains demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société OTCE Languedoc Roussillon et de la société Cegelec Perpignan la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Rennes-les-Bains, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société OTCE Languedoc Roussillon, de la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de M.B..., et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Cegelec Perpignan et de la société Allianz Iard.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Rennes-les-Bains a décidé, en 2005, de faire réaliser des travaux de rénovation et de remise aux normes de la zone de soins de l'établissement thermal situé sur son territoire, dont elle était propriétaire ; qu'elle a conclu à cet effet en juin 2005 un contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage avec M. A...B...et un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société Omnium technique d'études de la construction et de l'équipement (OTCE) Languedoc Roussillon ; que, le 2 octobre 2006, elle a conclu un marché de travaux, dont le lot n° 6 (plomberie, sanitaire, chauffage, ventilation, process thermal, zones balnéo et fango) a été confié à la société Cegelec Sud Ouest, devenue Cegelec Perpignan ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 3 mai 2007 ; que, le 15 mai 2007, après que la présence de bactéries a été constatée, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a ordonné la fermeture de l'établissement jusqu'au 31 mai 2007 puis, de nouveau, à partir du 6 juillet 2007 ; qu'à la demande de la commune, le tribunal administratif de Montpellier a désigné le 16 novembre 2007 un expert, M. D...C..., qui a rendu son rapport le 19 octobre 2010 ; que, le 26 mars 2012, sur la base de ce rapport, la commune a demandé au tribunal, sur le fondement, d'une part, de la responsabilité contractuelle des constructeurs et, d'autre part, de leur responsabilité décennale, de condamner solidairement M. B...et les sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la fermeture des thermes de 2007 à 2010 ; que, par un jugement du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande comme non fondée ; que, par un arrêt du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la commune contre ce jugement ; que, par une décision du 26 février 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur la responsabilité décennale des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour ; que, par un arrêt du 24 octobre 2016, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie comme juge de renvoi, a rejeté les conclusions de la commune tendant à la condamnation des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan sur le fondement de la responsabilité décennale au motif qu'elles étaient irrecevables, a laissé à la charge de la commune les frais et honoraires de l'expert et a rejeté le surplus des conclusions des parties ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser " ; que, selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans des conditions définies notamment par l'article R. 611-3 ; qu'aux termes de cet article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception ; que la communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi que le mémoire en défense a été reçu par l'intéressé ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure devant les juges du fond que, dans leurs mémoires en défense produits devant le tribunal administratif de Montpellier, M. B... et les sociétés Cegelec Perpignan et Allianz ont soulevé une fin de non recevoir tirée de ce que le maire de la commune de Rennes-les-Bains ne justifiait pas avoir été habilité à agir en justice ; que la commune n'a pas été invitée à régulariser sa requête dans les conditions rappelées au point précédent ; que la cour s'est bornée à constater qu'il ne ressortait d'aucun élément du dossier que l'avocat de la commune aurait contesté avoir reçu communication des mémoires en défense, sans rechercher, comme elle aurait dû le faire, s'il était établi que la commune les avait reçus ; que, dès lors, en opposant à la commune la fin de non recevoir soulevée en première instance, sans s'être assurée, alors que le tribunal administratif n'avait pas invité la commune à régulariser sa demande, que les mémoires en défense soulevant cette fin de non recevoir avaient été reçus, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ;

4. Considérant, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Rennes-les-Bains est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; que, le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la commune de Rennes-les-Bains :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la délibération du 24 juin 2012 du conseil municipal de la commune de Rennes-les-Bains a autorisé son maire à agir en justice ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée à la commune ne peut être accueillie ;

Sur l'étendue du litige :

7. Considérant que la commune de Rennes-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation au titre de la garantie décennale de M.B..., de la société OTCE Languedoc Roussillon et de la société Cegelec Perpignan ; que, statuant sur l'appel formé par la commune contre le jugement du 12 avril 2013 du tribunal administratif de Montpellier, la cour administrative d'appel de Marseille a, par son arrêt du 24 novembre 2014, jugé que la commune ne recherchait la responsabilité décennale que des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan, en omettant de statuer sur les conclusions de la commune tendant à l'engagement de la responsabilité décennale de M. B...; que si le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par sa décision du 26 février 2016, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 novembre 2014 en tant qu'il a statué sur la responsabilité décennale des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan, cette décision doit être regardée, eu égard aux conclusions présentées par la commune devant le tribunal administratif et aux circonstances de l'espèce, comme ayant aussi annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il a omis de statuer sur la responsabilité décennale de M. B...;

Sur les débiteurs de la garantie décennale :

8. Considérant que l'action en garantie décennale n'est ouverte au maître de l'ouvrage qu'à l'égard des constructeurs avec lesquels il a été lié par un contrat de louage d'ouvrage ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat conclu par la commune de Rennes-les-Bains avec M. B...prévoit, à l'article 1er de l'acte d'engagement et cahier des clauses administratives que " la mission ainsi confiée exclut formellement tout mandat de représentation du maître d'ouvrage dans l'exercice de ses prérogatives " ; que son article 2 précise que l'assistant au maître d'ouvrage " est l'interlocuteur direct des différents participants (...). Il propose les mesures à prendre pour que la coordination des travaux et des techniciens aboutisse à la réalisation des ouvrages dans les délais et les enveloppes financières prévus et conformément au programme approuvé par le maître d'ouvrage. Il vérifie l'application et signale les anomalies qui pourraient survenir et propose toutes mesures destinées à y remédier (...) Pendant toute la durée des travaux, l'assistant au maître d'ouvrage assiste le maître d'ouvrage de sa compétence technique, administrative et financière pour s'assurer de la bonne réalisation de l'opération. A ce titre : il a qualité pour assister aux réunions de chantier, il fait toutes propositions au maître d'ouvrage en vue du règlement à l'amiable des différends éventuels (...) " ; que son article 3 relatif au contenu, à la définition et au phasage de la mission confie notamment au cocontractant une mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance aux opérations de réception ; qu'il résulte de l'ensemble de ces stipulations que le contrat conclu entre la commune et M. B...revêt le caractère d'un contrat de louage d'ouvrage et la qualité de constructeur doit être reconnue, dans la présente espèce, non seulement aux sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan, respectivement maître d'oeuvre et entrepreneur ayant réalisé les travaux, mais aussi à M. B...;

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

10. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance par le tribunal administratif de Montpellier et réalisée par M. D... C..., que la contamination bactériologique de l'eau utilisée dans la zone de soins de l'établissement thermal a rendu l'ouvrage thermal impropre à sa destination ; qu'alors même que la prolifération des bactéries peut avoir été causée également par leur présence dans le forage lui-même ainsi que par des dysfonctionnements dans la zone amont de l'installation thermale, les désordres survenus trouvent aussi leur cause dans des carences dans la conception des ouvrages, en particulier des réseaux de distribution internes à la zone de soins et du réseau de sanitation, ainsi que dans la réalisation des travaux ; que, par suite, la commune peut, pour ces motifs, poursuivre la responsabilité décennale des constructeurs ;

12. Considérant que les dommages décrits au point 11 sont imputables à M. B..., qui n'a pas alerté la commune sur l'insuffisance du diagnostic préalable ni pris en compte la spécificité de l'eau minérale de la source Yvroux, à la société OTCE Languedoc Roussillon, chargée de la maîtrise d'oeuvre, à laquelle sont imputables des défauts de conception, de surveillance et de contrôle, et à la société Cegelec Perpignan, entreprise chargée de la réalisation du réseau d'alimentation en eau, au titre des malfaçons qui ont affecté l'ouvrage et de l'insuffisance de ses conseils ;

13. Considérant, toutefois, que la commune de Rennes-les-Bains, qui a fait le choix de n'engager qu'un programme partiel de rénovation et non, comme elle aurait dû le faire compte tenu du caractère vétuste de l'établissement thermal et de l'état dégradé des installations, un programme général, est également responsable des désordres survenus ; que, dans ces conditions, la commune n'est fondée à rechercher la responsabilité solidaire des constructeurs qu'à raison d'une partie des conséquences dommageables des désordres survenus ; que la faute de la commune est de nature à atténuer d'un tiers la responsabilité solidaire des constructeurs ;

Sur le préjudice :

14. Considérant que la commune demande que M.B..., la société OTCE Languedoc Roussillon et la société Cegelec Perpignan soient solidairement condamnés à lui verser la somme totale de 2 801 932 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'arrêt de l'exploitation de l'établissement thermal pendant trois ans, tenant aux pertes d'exploitation, à la perte de revenus fonciers, à la perte de taxe de séjour et au préjudice moral lié à l'arrêt de l'exploitation ;

15. Considérant que si, en s'appuyant sur les conclusions du rapport d'expertise, la commune évalue le préjudice résultant de la perte de marge d'exploitation à la somme de 2 389 707 euros, il y a lieu de soustraire de cette somme les économies réalisées en dépenses de personnel durant la fermeture de l'établissement, à hauteur de 570 222 euros ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au titre de la perte de marge d'exploitation en le fixant à la somme de 1 819 485 euros ; qu'il sera fait par ailleurs une juste appréciation du préjudice subi par la commune au titre de la perte des revenus fonciers provenant de la location aux curistes des différents logements dont la commune est propriétaire en le fixant à 307 242 euros ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'indemniser, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice résultant de la perte des recettes tirées de la taxe de séjour ni le préjudice moral lié à l'arrêt de l'exploitation de l'établissement thermal survenu quelques semaines après la réouverture de la zone de soins, la commune n'apportant pas de justificatifs pour la perte de taxe de séjour ni d'éléments de nature à établir l'existence d'un préjudice lié à une perte d'image et de notoriété ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux conclusions de M. B...tendant à ce que soit prescrite une expertise complémentaire, que le montant du préjudice global résultant de la fermeture de l'établissement thermal s'élève à la somme de 2 126 727 euros ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 13, il y a lieu de mettre la somme de 1 417 818 euros à la charge solidaire de M.B..., de la société OTCE Languedoc Roussillon et de la société Cegelec Perpignan ;

Sur les appels en garantie :

17. Considérant que M. B...demande à être garanti par la commune, la société OTCE Languedoc Roussillon, la société Cegelec Perpignan et la société Eurospa ; que, pour sa part, la société OTCE Languedoc Roussillon demande à être garantie par M.B..., la société Cegelec Perpignan et son assureur, la société Allianz Iard, la société Eurospa et la commune ; que la société Cegelec Perpignan, enfin, demande à être garantie par M.B..., la société OTCE Languedoc Roussillon et la société Eurospa ;

18. Considérant que les constructeurs poursuivis par le maître d'ouvrage au titre de la garantie décennale ne peuvent appeler en garantie que d'autres participants à l'exécution des travaux ; que la société Eurospa, qui était liée à la commune par un contrat de prestation de services relatif à l'exploitation du service thermal, n'a pas participé aux opérations de travaux ; que, dès lors, les conclusions de M.B..., de la société Cegelec Perpignan et de la société OTCE Languedoc Roussillon tendant à ce que la commune et la société Eurospa soient appelées à les garantir ne peuvent qu'être rejetées ;

19. Considérant que les conclusions de la société OTCE Languedoc Roussillon tendant à appeler en garantie la société Allianz Iard, assureur de la société Cegelec Perpignan, sont relatives à l'exécution d'obligations de droit privé entre un constructeur et son assureur et échappent dès lors à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, il y a lieu de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

20. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise qui n'est pas utilement critiqué par les parties sur ce point, qu'en raison des manquements respectifs de l'assistant au maître d'ouvrage, du maître d'oeuvre et de l'entrepreneur chargé des travaux, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en fixant à 20 % la part incombant à M.B..., à 40 % la part incombant à la société OTCE Languedoc Roussillon et à 40 % celle qui incombe à la société Cegelec Perpignan ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est condamné à garantir les sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan à hauteur de 20 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre ; que la société OTCE Languedoc Roussillon est condamnée à garantir M. B...et la société Cegelec Perpignan à hauteur de 40 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre ; que la société Cegelec Perpignan est condamnée à garantir M. B...et la société OTCE Languedoc Roussillon à hauteur de 40 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre ;

Sur les frais d'expertise et la contribution pour l'aide juridique :

22. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa version applicable au litige: " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

23. Considérant que la commune de Rennes-les-Bains n'a pas succombé dans l'instance engagée contre M.B..., la société OTCE Languedoc Roussillon et la société Cegelec Perpignan et que ses prétentions n'ont pas rendu l'expertise plus onéreuse ; que, dès lors, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 41 747,77 euros par une ordonnance en date du 19 octobre 2010 du président du tribunal administratif de Montpellier doivent être mis solidairement à la charge des constructeurs ; que la somme de 35 euros que la commune a acquittée au titre de la contribution pour l'aide juridique doit pour les mêmes motifs être elle aussi mise solidairement à la charge de M.B..., de la société OTCE Languedoc Roussillon et de la société Cegelec Perpignan ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rennes-les-Bains est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de M. A...B..., de la société OTCE Languedoc Roussillon et de la société Cegelec Perpignan sur le fondement de la garantie décennale et a mis à sa charge les dépens ;

Sur les frais du litige :

25. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de M. B...et des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros à verser à la commune de Rennes-les-Bains au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soient accueillies ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 octobre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 12 avril 2013 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il statue sur la responsabilité décennale des constructeurs et sur la charge des dépens sont annulés.

Article 2 : M.B..., la société OTCE Languedoc-Roussillon et la société Cegelec Perpignan sont condamnés solidairement à verser à la commune de Rennes-les-Bains la somme de 1 417 818 euros.

Article 3 : M. B...est condamné à garantir la société OTCE Languedoc-Roussillon et la société Cegelec Perpignan à hauteur de 20 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre par l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : La société OTCE Languedoc Roussillon est condamnée à garantir M. B...et la société Cegelec Perpignan à hauteur de 40 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre par l'article 2 ci-dessus.

Article 5 : La société Cegelec Perpignan est condamnée à garantir M. B...et la société OTCE Languedoc Roussillon à hauteur de 40 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre par l'article 2 ci-dessus.

Article 6 : Une somme de 41 782,77 euros correspondant aux frais d'expertise et à la contribution pour l'aide juridique acquittée par la commune est mise à la charge définitive et solidaire de M.B..., de la société OTCE Languedoc Roussillon et de la société Cegelec Perpignan.

Article 7 : Le surplus des conclusions d'appel de la commune de Rennes-les-Bains est rejeté.

Article 8 : Le surplus des conclusions d'appel en garantie et les conclusions présentées par M. B..., la société OTCE Languedoc Roussillon, la société Cegelec Perpignan, la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la société Allianz Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 9 : La somme de 6 000 euros, à verser à la commune de Rennes-les-Bains au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est mise solidairement à la charge de M. B...et des sociétés OTCE Languedoc Roussillon et Cegelec Perpignan.

Article 10 : La présente décision sera notifiée à la commune de Rennes-les-Bains, à la société OTCE Languedoc Roussillon, à la société Cegelec Perpignan, à la société Eurospa, à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, à la société Allianz Iard et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406205
Date de la décision : 09/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01-03 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF. DIVERSES SORTES DE CONTRATS. - CONTRAT D'ASSISTANCE À MAÎTRISE D'OUVRAGE - QUALIFICATION EN L'ESPÈCE - CONTRAT DE LOUAGE D'OUVRAGE COMPTE-TENU DE SON CONTENU - CONSÉQUENCE - QUALITÉ DE CONSTRUCTEUR RECONNUE À L'ASSISTANT DE MAÎTRISE D'OUVRAGE.

39-01-03 Le contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) en litige prévoit, à l'article 1er de l'acte d'engagement et cahier des clauses administratives particulières (CCAP) que la mission ainsi confiée exclut formellement tout mandat de représentation du maître d'ouvrage dans l'exercice de ses prérogatives. Son article 2 précise que l'assistant au maître d'ouvrage est l'interlocuteur direct des différents participants (…). Il propose les mesures à prendre pour que la coordination des travaux et des techniciens aboutisse à la réalisation des ouvrages dans les délais et les enveloppes financières prévus et conformément au programme approuvé par le maitre d'ouvrage. Il vérifie l'application et signale les anomalies qui pourraient survenir et propose toutes mesures destinées à y remédier (…) Pendant toute la durée des travaux, l'assistant au maitre d'ouvrage assiste le maitre d'ouvrage de sa compétence technique, administrative et financière pour s'assurer de la bonne réalisation de l'opération. A ce titre : il a qualité pour assister aux réunions de chantier, il fait toutes propositions au maitre d'ouvrage en vue du règlement à l'amiable des différends éventuels (…). Son article 3 relatif au contenu, à la définition et au phasage de la mission confie notamment au cocontractant une mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance aux opérations de réception. Il résulte de l'ensemble de ces stipulations que ce contrat revêt le caractère d'un contrat de louage d'ouvrage et la qualité de constructeur doit être reconnue, dans la présente espèce, non seulement au maître d'oeuvre et entrepreneur ayant réalisé les travaux, mais aussi à l'assistant de maîtrise d'ouvrage.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2018, n° 406205
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406205.20180309
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