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09/02/2018 | FRANCE | N°417201

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 février 2018, 417201


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 janvier, 15 janvier et 2 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision n° D. 2017-57 du 6 juillet 2017 par laquelle la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de parti

ciper pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 janvier, 15 janvier et 2 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision n° D. 2017-57 du 6 juillet 2017 par laquelle la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et, pour sa période restant à courir, diverses autres fédérations sportives ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation en ce que, d'une part, elle lui interdit de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et, d'autre part, elle a pour effet de l'obliger à mettre un terme à sa carrière sportive ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, résultant de ce que cette dernière est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-688 du 2 février 2018, les dispositions des articles L. 232-22, 3° et suivants du code du sport, relatifs à la procédure de réformation des décisions des fédérations agréées par l'Agence française de lutte contre le dopage sur auto-saisine de cette dernière, méconnaissent le principe d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles n'opèrent pas de distinction entre l'autorité de poursuite et l'autorité de sanction au sein de l'Agence française de lutte contre le dopage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, l'Agence française de lutte contre le dopage conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.B..., d'autre part, l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 8 février 2018 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

- les représentants de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-688 du 2 février 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur la condition d'urgence :

2. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

3. A l'appui de sa demande de suspension, M. B...fait valoir que la décision de sanction prise par l'Agence française de lutte contre le dopage fait obstacle à sa participation en qualité de rugbyman professionnel à la plupart des compétitions organisées en France et à l'étranger, en particulier la Super League et la Challenge Cup et le prive ainsi des revenus qu'il tire de son activité professionnelle. Il fait également valoir que la décision met en péril sa carrière sportive du fait qu'il ne peut renouveler son contrat de travail avec l'équipe " les Dragons Catalans " pour la saison sportive qui a débuté le 4 février 2018. Eu égard à ces circonstances, l'atteinte susceptible d'être ainsi portée à sa situation personnelle est suffisamment grave et immédiate pour caractériser, en ce qui le concerne, une situation d'urgence. Si l'Agence française de lutte contre le dopage fait valoir l'intérêt général qui s'attache au respect des règles anti-dopage, elle n'apporte pas d'éléments concrets de nature à faire obstacle à la suspension de la décision attaquée. Dès lors, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

Sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision :

4. Aux termes de l'article L. 232-5 du code du sport : " I. L'Agence française de lutte contre le dopage, autorité publique indépendante, définit et met en oeuvre les actions de lutte contre le dopage. A cette fin, elle coopère avec l'Agence mondiale antidopage, avec les organismes reconnus par celle-ci et disposant de compétences analogues aux siennes et avec les fédérations sportives internationales. A cet effet : / (...) 7° Elle exerce un pouvoir disciplinaire dans les conditions prévues aux articles L. 232-22 et L. 232-23 ". En vertu de l'article L. 232-7 du même code : " Le collège de l'agence peut délibérer en formation disciplinaire composée d'au moins quatre membres et présidée par l'un des membres mentionnés au 1° de l'article L. 232-6 du présent code ". Aux termes de l'article L. 232-22 : " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / (...) 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées ".

5. A l'appui de sa demande, M. B...soulève un moyen tiré de l'irrégularité de la décision de sanction contestée prise sur le fondement du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018, a jugé contraire à la Constitution le 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2015-1207 du 30 septembre 2015 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer le respect des principes du code mondial antidopage, au motif que ces dispositions n'opèrent aucune séparation au sein de l'Agence française de lutte contre le dopage entre, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements ayant fait l'objet d'une décision d'une fédération sportive en application de l'article L. 232-21 et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, et méconnaissent ainsi le principe d'impartialité. Le Conseil constitutionnel a précisé que cette déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances relatives à une décision rendue sur le fondement de l'article L. 232-21 dont l'agence s'est saisie en application des dispositions censurées et non définitivement jugées à la date de sa décision. Par suite, et alors même que le recours formé contre ces décisions a un caractère de pleine juridiction en vertu des dispositions de l'article L. 232-24 du code du sport, ce moyen est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de l'Agence française de lutte contre le dopage du 6 juillet 2017 jusqu'à ce qu'il soit statué au principal sur les conclusions formées par M. B...tendant à l'annulation de cette décision.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision de l'Agence française de lutte contre le dopage du 6 juillet 2017 prononcée à l'encontre de M. A...B...est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au principal sur les conclusions formées par M. B...tendant à l'annulation de cette décision.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et à l'Agence française de lutte contre le dopage.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 417201
Date de la décision : 09/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 fév. 2018, n° 417201
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417201.20180209
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