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07/02/2018 | FRANCE | N°417443

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 février 2018, 417443


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 et 31 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution des articles 7, 11, 12 et 29 des statuts de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM) adoptés le 21 mars 2016 ;

) de mettre à la charge de la Confédération nationale du Crédit Mutuel la somme de 3 000 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 et 31 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution des articles 7, 11, 12 et 29 des statuts de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM) adoptés le 21 mars 2016 ;

2°) de mettre à la charge de la Confédération nationale du Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérantes soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la procédure de sanction récemment engagée par la Confédération nationale du Crédit Mutuel sur le fondement des dispositions contestées des statuts porte une atteinte grave et immédiate, en premier lieu, à la situation du Crédit Mutuel Arkéa, en ce qu'elle prive ses dirigeants effectifs de leur autorité et affecte leur capacité à gérer l'établissement dans les conditions de stabilité requises, en deuxième lieu, à l'intérêt public qui s'attache à la résolution de la crise institutionnelle que traverse le Crédit Mutuel et, en troisième lieu, à l'intérêt qu'a le Crédit Mutuel Arkéa d'orienter son activité conformément aux décisions de ses actionnaires ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des articles 7, 11, 12 et 29 des statuts de la Confédération nationale du Crédit Mutuel adoptés le 21 mars 2016 ;

- les dispositions de ces articles méconnaissent le principe d'impartialité et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'ils organisent une procédure de sanction qui n'assure pas la séparation entre les fonctions de poursuite et de sanction ;

- ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines, en ce qu'elles prévoient l'infliction de sanctions à l'encontre de responsables de caisses ou de fédérations alors que les articles L. 511-31 et R. 512-24 du code monétaire et financier ne prévoient que la sanction de personnes morales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2018, la Confédération nationale du Crédit Mutuel conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête au fond n'est pas recevable et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest et, d'autre part, la Confédération nationale du Crédit Mutuel ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 2 février 2018 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du Crédit Mutuel Arkéa ;

- les représentants de la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne ;

- les représentants de la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest ;

- Me Sureau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Confédération nationale du Crédit Mutuel ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction ce même jour à 17 heures ;

Vu les pièces nouvelles, enregistrées le 2 février 2018 avant la clôture de l'instruction produites par le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest;

Vu la note en délibéré enregistrée le 6 février 2018, produite par la Confédération nationale du Crédit Mutuel ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 6 février 2018, produite par le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution des articles 7, 11, 12 et 29 des statuts de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, adoptés lors de l'assemblée générale extraordinaire du 21 mars 2016 et approuvés par le ministre des finances et des comptes publics le 23 mars 2016.

3. La Confédération nationale du Crédit Mutuel soutient que les conclusions en excès de pouvoir présentées par les requérantes contre l'article 29 des statuts sont tardives et, par suite, irrecevables. Il ressort toutefois du mémoire présenté par les requérantes dans l'instance au fond que celles-ci ont dirigé expressément leurs conclusions contre l'ensemble des statuts de la CNCM et qu'elles ont soulevé dans le délai de recours contentieux des moyens relatifs à la légalité de ces statuts en tant qu'ils définissent le pouvoir de sanction de la CNCM à l'égard des dirigeants de caisses affiliées. Or l'article 29 des statuts définit les modalités procédurales permettant la mise en oeuvre de ce pouvoir de sanction. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de ce que les requérantes n'auraient pas contesté les dispositions de l'article 29 des statuts dans le délai de recours contentieux doit être rejetée.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'une procédure de sanction été engagée par la CNCM en janvier 2018, sur le fondement des dispositions litigieuses des statuts, à l'égard du président, du directeur général et de la directrice générale déléguée du Crédit Mutuel Arkéa. Selon les échanges intervenus lors de l'audience, la Confédération nationale du Crédit Mutuel envisage d'inscrire la question des sanctions à prendre à l'issue de cette procédure à l'ordre du jour de son conseil d'administration du 7 mars 2018. Eu égard à la proximité de cette date et à l'impact négatif qu'aurait nécessairement l'édiction de sanctions sur le fonctionnement et l'image du Crédit Mutuel Arkéa, les requérantes doivent être regardées comme justifiant d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

5. Aux termes de l'article L. 512-56 du code monétaire et financier : " Chaque caisse de crédit mutuel doit adhérer à une fédération régionale et chaque fédération régionale doit adhérer à la confédération nationale du crédit mutuel dont les statuts sont approuvés par le ministre chargé de l'économie. (...) ". L'article L. 511-31 du même code, relatif aux organes centraux de certains établissements de crédit et sociétés de financement, au nombre desquels figure la Confédération nationale du crédit mutuel, dispose par ailleurs que ces organes centraux " peuvent prendre les sanctions prévues par les textes législatifs et réglementaires qui leur sont propres (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 512-24 du même code : " Le conseil d'administration de la Confédération nationale du crédit mutuel peut prendre à l'égard d'une caisse qui enfreindrait la réglementation en vigueur l'une des sanctions suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° La radiation de la liste des caisses de crédit mutuel. ".

6. Lorsqu'il est compétent pour fixer certaines règles d'exercice d'une profession, le pouvoir réglementaire l'est également pour prévoir des sanctions administratives qui, par leur objet et leur nature, sont en rapport avec cette réglementation. Il en résulte que le moyen tiré de ce que les statuts de la CNCM approuvés par le ministre ne pourraient légalement définir d'autres sanctions que celles prévues par l'article R. 521-24 du code monétaire et financier citées ci-dessus ne paraît pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des dispositions litigieuses.

7. Aux termes de l'article 29-1 des statuts litigieux : " L'ouverture de la procédure de sanction est faite à l'initiative du directeur général ou du président du conseil d'administration, informé d'un dysfonctionnement ou manquement, éventuellement sur proposition d'un adhérent. Il notifie par écrit les griefs à la personne concernée et désigne un rapporteur choisi en dehors des membres du conseil d'administration. Il diligente le cas échéant une mission d'audit sous la responsabilité du responsable du contrôle périodique. (...) La personne mise en cause est ensuite convoquée devant le conseil d'administration pour être entendue et présenter sa défense. (...) Le conseil d'administration délibère hors la présence du rapporteur et de la personne mise en cause (...) ". Aux termes de l'article 12-2 des mêmes statuts : " (...) Le directeur général et le directeur général adjoint participent avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration. (...) ".

8. Toute procédure de sanction même non juridictionnelle confiée à une personne publique ou à une personne privée chargée d'une mission de service public doit respecter le principe d'impartialité. Ce principe implique, lorsque comme en l'espèce la procédure distingue des phases de poursuites, d'instruction et de sanction confiées à des autorités différentes, que l'autorité chargée des poursuites ne puisse assister ni participer à la délibération au cours de laquelle sera examinée la question de la sanction. Il en résulte que le moyen tiré de ce que l'article 29 des statuts de la Confédération nationale du Crédit Mutuel méconnaît le principe d'impartialité dès lors qu'il ne prévoit pas que le conseil d'administration délibère sur la sanction hors la présence de l'autorité qui a engagé les poursuites est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des dispositions de cet article.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de l'exécution de l'article 29 des statuts de la CNCM jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur les conclusions formées par le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest.

10. Il y a lieu de mettre à la charge de la Confédération nationale du Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution des dispositions de l'article 29 des statuts de la Confédération nationale du Crédit Mutuel est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête formée par le Crédit Mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest.

Article 2 : La Confédération nationale du Crédit Mutuel versera la somme de 3 000 euros aux requérantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la CNCM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions du Crédit Mutuel Arkéa, de la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne et de la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au Crédit Mutuel Arkéa, à la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne, à la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-Ouest et à la Confédération nationale du Crédit Mutuel.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 417443
Date de la décision : 07/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2018, n° 417443
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417443.20180207
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