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07/02/2018 | FRANCE | N°415628

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 07 février 2018, 415628


Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa requête présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon tendant à l'annulation du jugement n° 1501428 du 4 mai 2017 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu acquittées au titre des années 2011 à 2013, a présenté deux mémoires, enregistrés les 12 et 30 octobre 2017 au greffe de la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels il soulève une question prioritaire de constitutionnali

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Par une ordonnance n° 17LY02395 du 10 novembre 2017, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa requête présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon tendant à l'annulation du jugement n° 1501428 du 4 mai 2017 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu acquittées au titre des années 2011 à 2013, a présenté deux mémoires, enregistrés les 12 et 30 octobre 2017 au greffe de la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 17LY02395 du 10 novembre 2017, enregistrée le 13 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat cette question relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 199 undecies B du CGI, dans leur rédaction issue de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 98 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article 199 undecies B du code général des impôts institue une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des contribuables domiciliés en France, qui réalisent, dans les départements et territoires d'outre-mer, " des investissements productifs neufs " dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du même code. En vertu du dix-neuvième alinéa du I de cet article, cette réduction d'impôt s'applique également lorsque le contribuable procède à de tels investissements par l'intermédiaire d'une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 du même code, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Le 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a cependant modifié ces dispositions pour exclure du bénéfice de cette réduction d'impôt les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011. M. B... soutient que les dispositions issues de cet article méconnaissent les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

3. En premier lieu, le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

4. Il résulte des travaux préparatoires à l'article 98 de la loi de finances pour 2011 que les dispositions de cet article ont eu pour objet de rationaliser le dispositif de défiscalisation des investissements productifs outre-mer et de lutter contre les fraudes après qu'un rapport d'information eut constaté que les investissements douteux réalisés dans ce secteur étaient souvent le fait de sociétés en participation, dont les règles de constitution et de fonctionnement sont particulièrement souples. Par suite, la différence de traitement ainsi introduite, qui est en rapport direct avec l'objet de la loi, est justifiée par un motif d'intérêt général.

5. Par ailleurs, la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité. Les dispositions contestées n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, qui est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer et, dans ce dernier cas, la date à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. La circonstance que le législateur n'ait pas prévu de mesures transitoires pour les contribuables qui ont souscrit au capital de sociétés en participation avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, mais dont les installations n'ont été effectivement exploitées que postérieurement, ne pose pas de question sérieuse au regard du principe d'égalité devant la loi.

6. En second lieu, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen impose seulement que l'imposition soit établie en tenant compte des capacités contributives des redevables. Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. Les dispositions contestées, qui suppriment, pour l'avenir, la possibilité de bénéficier d'une réduction d'impôt, ne sauraient, par elles-mêmes, présenter un caractère confiscatoire.

7. Il résulte de ce qui précède que la question posée, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 199 undecies B du CGI, dans leur rédaction issue du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 415628
Date de la décision : 07/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RÉDUCTIONS ET CRÉDITS D`IMPÔT - RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU EN FAVEUR DES CONTRIBUABLES FRANÇAIS RÉALISANT DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS NEUFS OUTRE-MER (ART - 199 UNDECIES B DU CGI) - EXCLUSION - POUR L'AVENIR - DES INVESTISSEMENTS RÉALISÉS PAR L'INTERMÉDIAIRE DE SOCIÉTÉS EN PARTICIPATION DU BÉNÉFICE DE CET AVANTAGE FISCAL - CARACTÈRE CONFISCATOIRE (ART - 13 DDHC) - ABSENCE - PAR ELLE-MÊME.

19-04-01-02-05-03 L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) impose seulement que l'imposition soit établie en tenant compte des capacités contributives des redevables. Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. Les dispositions du 1° du I de l'article 98 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui excluent pour l'avenir du bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu en faveur des contribuables français réalisant des investissements productifs neufs outre-mer, prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts (CGI), les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation ne sauraient, par elles-mêmes, présenter un caractère confiscatoire.

PROCÉDURE - GRIEF TIRÉ DE CE QUE DES DISPOSITIONS SUPPRIMANT POUR L'AVENIR UN AVANTAGE FISCAL REVÊTIRAIENT UN CARACTÈRE CONFISCATOIRE.

54-10-05-04-02 L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) impose seulement que l'imposition soit établie en tenant compte des capacités contributives des redevables. Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. Des dispositions qui suppriment, pour l'avenir, la possibilité de bénéficier d'une réduction d'impôt, ne sauraient, par elles-mêmes, présenter un caractère confiscatoire. Par suite, la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance par de telles dispositions de l'article 13 de la DDHC, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2018, n° 415628
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:415628.20180207
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